La remarque m'a prise par surprise. Le libraire me regarde par dessus ses lunettes. Je suis encore verte dans mon nouveau métier et certains en profitent pour tester mes réactions. Mais celle-là, je ne m'y attendais vraiment pas.
-Ah tu es partie parce que tu ne croyais plus en le métier de libraire?
S'il y a bien une chose des plus fausses, c'est bien celle-là! Jamais, jamais de la vie je ne suis partie pour cela. S'il y a bien des dizaines de petites raisons accumulées pour expliquer mon départ (en cinq ans, on en accumule des petites frustrations!), ne plus croire en l'importance du travail du libraire n'en fait pas partie. Jamais. Cela peut sembler l'être, mais ce n'est pas le cas.
Pourtant, j'ai eu l'impression à certains moments que certains libraires que je croise maintenant dans la vie de tous les jours le pensent. Je ne me cache pas que j'ai été moi-même dans le métier durant cinq ans. J'en suis vraiment très très fière. Je n'en suis plus, mais j'en suis encore assez proche: si vous saviez le nombre de librairies géniales que j'ai pu visiter en un mois! J'ai une admiration sans borne pour le travail qui se fait chaque jour en librairie, pour défendre le livre, la diversité des choix, les oeuvres moins connues et les genres moins prisés. Fan de SFF depuis belle lurette, je suis bien placée pour savoir que sans la passion de quelque-uns, dont bon nombre de libraires, certains auteurs n'auraient jamais pu se faire connaître et des branches complètes de la littérature seraient tombées dans les limbes avant même de naître!
Le métier de libraire, c'est le plus beau métier au monde. C'est un métier en contact direct avec le public, avec ses hauts et ses bas, mais surtout, c'est le point de convergence. Entre le lecteur et l'auteur, il y a comme un phénomène d'entonnoir: plusieurs personnes se chargent de trier le bon grain de l'ivraie, avec tout ce que ça peut comprendre de subjectivité. Mais arrivé en librairie, l'offre s'élargie d'un seul coup. L'entonnoir devient sablier. Tous les éditeurs, grands comme petits se côtoient sur les tablettes, les meilleurs vendeurs prennent place à côté des premiers romans et les grands poètes se retrouvent à côté de leurs contemporains en émergence. Oh, tout n'est pas rose dans la librairie. Les défis y sont nombreux et constants. Ceux qui s'en sortent le mieux sont ceux qui comprennent la logique d'une telle entreprise. Un savant dosage entre nouveautés qui sortent à pleine porte et connaissance profonde du milieu littéraire. Et surtout, un amour profond de la littérature, dépourvu de jugement. Pour le libraire, le best-sellers est aussi essentiel que le petit inconnu parce que c'est en poussant la porte pour acheter le premier que l'on va rencontrer la personne qui, petit à petit, va nous permettre de découvrir le second.
Oui, j'y crois encore au métier de libraire, plus que jamais. Et j'ai tellement rencontré de libraires passionnés ces dernières semaines que je ne puis que me dire que ce métier, encore une fois, est le plus beau du monde. Chaque librairie est unique, façonnées par les personnes qui la fréquentent, qui y travaillent. J'ai beau avoir poussé la porte de dizaines de librairies, aucune n'est pareille, toutes ont leur personnalité. À ma façon, je continue d'y contribuer et j'espère le faire encore longtemps. Parce que veut, veut pas, un amoureux de la littérature aura toujours besoin de quelqu'un quelque part, pour le conseiller et le guider, quand il ne saura plus quoi lire.
@+ Mariane
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