Salut!
J'ai parlé dans un précédent billet du fil subtil de l'émotion, de ce lien si petit, invisible, qui relit les livres entre eux dans la tête du lecteur. Un des moyens de nouer ce petit lien, c'est les médias: journaux, télévisions, radio, internet, peu importe le moyen, dès que l'on rejoint le lecteur et qu'on lui donne une idée de ce qu'il va trouver dans le livre, lui permettant mentalement de faire un choix avant d'entrer dans la librairie. Il sait un peu plus ce qu'il cherche à ce moment-là et habituellement, il ou elle le demande en entrant. Mais quand il s'agit de trouver un autre livre, un livre dont on a pas parlé dans les médias, là, les choses se corse.
Le lecteur arrive devant un livre avec lequel aucun lien n'a été créé. C'est beaucoup plus difficile alors de créer le lien. Le livre doit se vendre et ce n'est pas toujours facile parce que la compétition est rude. Certains éléments aident, comme une bonne couverture ou une bonne quatrième de couverture. Mais pour le libraire qui a trippé sur ce livre, le défi est entier. Faire découvrir une oeuvre qu'on a proprement adoré, mais que les médias ont boudé, reste toujours un défi.
Primo et ça, ce n'est souvent pas le moindre problème, il faut quelqu'un qui ait envie de faire des découvertes. J'aurais beau proposé quelque chose de différent à une habituée des préformatés à la Nora Roberts ou Danielle Steel, si cette personne ne veut rien savoir, ben, ça ne sert à strictement rien! Alors de trouver le client qui va connecter avec le livre et ensuite, de faire découvrir le livre... Il faut savoir trouver les mots, les formules qui vont permettre de dévoiler le livre, juste assez, mais pas trop. Et aussi de trouver le lien entre les autres lectures de la personne et de la nouvelle oeuvre qu'on lui propose, tout en étant honnête et en lui disant qu'il va plonger en partie dans l'inconnu. C'est tout un art. Par contre, quand on a développé des liens avec certains clients, c'est plus facile. Ils savent qu'on les connaît, ils savent qu'on ne les enverra dans des directions trop lointaine de leurs goûts. Et que malgré tout, on risque toujours de se planter!
Un bon exemple qui me vient en tête quand je pense à ce petit exploit est L'appât de José Carlos Somoza. À peine une mini-critique dans La Presse. Rien d'autre, du moins, rien que j'ai vu. À force de tâtonnements, j'ai fini par trouver la manière de nouer le lien, sans passer par d'autres livres. J'ai réussi le tour de force de vendre une quinzaine de copies de ce livre, un à la fois. Et de voir une bonne dizaine de clients me revenir tous sourires et me dire, hé j'ai adoré. Dans ces moments-là, je suis heureuse. Heureuse comme une lectrice qui réussit à partager ses passions, ses coups de coeur, son amour de la lecture. Ce sont les plus beaux moments de ma vie de libraire. Ils me demandent plus de boulot, mais quand la récompense est au rendez-vous, ça ne peut que donner le goût de continuer.
@+ Mariane
4 commentaires:
Le fait de se donner tout ce mal pour faire connaître un bon livre moins médiatisé manifeste clairement la différence entre le libraire "commis" et le libraire "de vocation". L'amour de la lecture se transmet par contact direct.
Appelons ça le "coefficient de rayonnement" du libraire qui, passionné par son métier, parvient à atteindre le client hésitant.
Un vrai petit Henri Tranquille féminin.
Faudrait pas que tu m'aies comme cliente, tu me ruinerais!
Pour exercer ton métier il faut bien connaître les gens, tu es une sorte de devineresse: "aimera, aimera pas?" Ça en prendrait des comme toi dans toutes les librairies du monde, quelqu'un qui prend son métier à oceur. Malheureusement j'ai rarement eu la chance de tomber sur une libraire aussi passionnée, ça fait toute la différence selon moi.
@Coefficient de rayonnement... J'espère faire rayonner au possible les oeuvres que j'aime, ça c'est sûr! :D
@ClaudeL, vas-y doucement, Henri Tranquille, c'est une institution, j'essaie juste de faire de mon mieux! Mais effectivement, n'emmène pas ta carte de crédit si jamais tu viens me rendre visite! ;)
@Hélène, il faut vraiment aimer ce que l'on fait. Mais honnêtement, du conseil, c'est environ 10% de ma tâche, pas plus. Malheureusement... :(
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