lundi 17 mai 2021

Ancrer dans le nommé ou non?

 Salut!

M'est remonté un vieux, très vieux souvenir l'autre jour.  J'étais adolescente et avec une amie, on était partie en camping avec sa famille.  On était à Old Orchard...  Il y avait un motorisé typique des années 90 et deux tentes, une pour mon amie et moi, l'autre pour son frère-par-sa-belle-mère (vive les familles reconstituées!) et l'ami qu'il avait amené.  Sous la tente, mon amie et moi écrivions des histoires. Je n'ai aucune idée si j'ai encore ça quelque part, mais petit doigt me dit que c'est disparu depuis un moment!  C'était des écrits d'adolescent, en partie inspiré d'une série télé de sf dont nous étions deux inconditionnelles.  Une sorte de fanfiction sans que nous sachions que ce mot existait.  Ayant revu quelques épisodes récemment, juste pour le plaisir, je peux vous affirmer que cette série a très mal vieilli et nos histoires, ça doit être pire!

Mais bref, cet été-là, sagement installée sous la tente un jour de pluie, rouges comme des homards d'un coup de soleil attrapé le premier jour à la plage, nous avions écrit une histoire, chacune de notre côté.  C'est drôle, c'est en repassant devant un Wendy's que le souvenir m'est revenu, dans un de ces curieux ressorts de la mémoire dont Marcel Proust avait si bien trouvé su capter l'essence avec sa madeleine.  Bref, dans ses histoires, elle envoyait ses personnages au Wendy's, les faisait loger dans un RamadaInn et leur faisait faire le plein chez Shell.  Moi, j'évitais soigneusement ce genre de précision: mes personnages mangeaient un hamburger dans un resto, ils dormaient dans un hôtel anonyme et ne se préoccupait pas de l'enseigne où ils remplissaient leurs réservoirs.  Deux approches différentes qui nous avaient valu une discussion où nous étions toutes deux certaines d'avoir raison.

Pourtant les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients.  Si on nomme les lieux et les enseignes visitées, voire les marques de commerce, on ancre résolument le texte dans une ambiance et une époque.  Parce que si on parle d'un produit d'Apple, il y a un monde entre le  McIntosh et le iPhone!  C'est faire référence à la même entreprise, mais on en aura des visions très différente.  Parce que les deux produits sont sortis dans des contextes séparés par presque trois décennies et que durant cette période, le monde a beaucoup changé.  Par exemple, dans un roman historique, utiliser les noms de marques populaires à l'époque permet en un claquement de doigts de faire entrer le.la lecteur.rice dans l'ambiance de cette période.  Dire, personnage X attrapa son IPhone et dire personnage X attrapa son cellulaire donne deux tonalités bien différentes à un texte.  L'une est ancrée dans le concret, l'autre est moins précise, mais donne quand même la même information.  Il lui manquera peut-être juste une nuance, un double sens, un ancrage.

Mais ce qu'on perd en précision en ne le mettant pas en étant clair, on le gagne en liberté.  Parce que de dire un cellulaire au lieu de nommer un modèle permet de situer l'histoire de façon moins précise.  Autant au niveau géographique que temporel.  Et ça peut rendre une histoire intemporelle.  J'ai récemment relu La chatte de Colette et c'est précisément le fait qu'elle utilise si peu d'éléments clairement définis qui fait que le.la lecteur.rice peut si facilement imaginer que cette histoire se passe autant dans les années 20, les années 40, les années 50 même que dans les années 30 où elle a été écrite.  On pourrait changer à peine quelques éléments et on aurait une histoire qui pourrait tout aussi bien se passer de nos jours.  En ce sens, c'est un immense avantage que de ne pas être trop précis et de ne pas nommer les marques.

Bref, les deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients.  Ce qui est important, c'est l'intention de l'auteur.rice et la constance tout au long du texte.

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

En effet, les deux approches ont leurs avantages...

Mais n'oublions pas que si la marque de commerce prend trop de place (devient un personnage ou un élément important de l'intrigue) ou que on en parles en mal, on s'expose à des poursuites!

Prospéryne a dit…

@Gen, hum, bon conseil! Je note!