lundi 1 juin 2020

De la géographie: La carte mentale

Salut!

Encore une fois, comme avec la territoire, on va aller faire un petit détour du côté humain de la géographie humaine.  Parce que le concept est vraiment plus humain que géographique: je vais vous jasez de la carte mentale.

Qu'est-ce qu'une carte mentale?  Fermer les yeux.  Non, finalement, laissez-les ouvert, ça va être dur de lire ce billet les yeux fermés.  :P  Imaginez-vous dans votre maison, dans la pièce où vous êtes en ce moment.  Votre domicile est divisé en différentes parties, certaines consacrées à la cuisine, d'autres au repos, d'autres à la détente et d'autres à maintenir votre enveloppe corporelle propre.  Faites-en le plan dans votre tête.  Dessinez les divisions, les limites entre chacune d'entre elles.  Indiquez à quoi sert chaque endroit: travail, détente, repos, utilitaire, etc.  Et aussi, comment vous vous sentez à chaque endroit: est-ce une zone agréable, désagréable, ou vous n'aimez pas aller, où vous n'allez que parce que vous n'avez pas le choix, etc.  Si vous vivez dans le même logis que quelqu'un d'autre (et si cette personne accepte!), faites-lui faire le même exercice et dessinez tous les deux le résultat.  Ça pourrait vous surprendre.

Chacun se construit une image de son environnement immédiat.  Selon son histoire personnelle, ses valeurs, ses expériences passées, cette image ne sera pas pareille.  Inconsciemment, on divise notre environnement en territoires, auquel sont liés des fonctions et des émotions.  C'est sur ces territoires que se bâtissent les cartes mentales des individus.  Mon grand-père n'avait pas la même carte mentale que ma grand-mère de la cuisine: il devait lui demander où était rangé les chaudrons, mais pas les assiettes par exemple.  Deux enfants d'une même famille ne percevront pas de la même manière un arbre parce que le premier a vu le second tomber après avoir grimpé dedans.  Cet arbre deviendra une zone de danger pour l'un, tandis que l'autre peut en avoir une expérience positive parce qu'il ne lui est rien arrivé en tombant.  Dans la carte mentale du premier enfant, l'arbre est une zone de danger.  Ça peut être lié à un arbre en particulier ou à tous les arbres, ça dépend de l'individu.  Mais cela influencera la façon dont il percevra son environnement.

On apprend à tous les enfants de regarder des deux côtés de la route avant de traverser, on leur dit de marcher et non de courir quand ils la traversent, on leur dit de surveiller les voitures.  On inculque ainsi aux enfants la notions que la rue n'est pas leur territoire.  On crée en eux une carte mentale où il y a des zones de danger et des zones sûres.  Ils peuvent aller dans la rue, bien sûr, mais ils doivent y être prudents.  Par contre, au parc, c'est leur territoire, ils peuvent se lâcher lousse!  Un peu comme chez grand-papa et grand-maman!  Tout ceci influence la façon dont les enfants perçoivent leur environnement.  Ce n'est pas un hasard si la chambre d'un enfant est vue comme un endroit sûr pour lui et qu'il se cachera sous son lit s'il a peur!  Dans les faits, rien ne dit que cet endroit est plus sûr qu'un autre, mais le sentiment de sécurité qui y règne pour l'enfant est le plus important, parce que sa carte mentale est ainsi.  (et bon, on va se cacher sous le lit, mais on a peur des monstres qui peuvent s'y cacher la nuit...)

La carte mentale est influencée par tout un tas de détails.  Tenez, si je prends une carte et que je mets le doigt sur votre ville natale et que je vous demande si vous êtes chez vous, sans doute que vous allez me dire que oui, même si ce n'est pas votre quartier.  Si j'agrandis la perspective au pays en entier (on revient à l'emboîtement des échelles) et que je pointe votre province natale, en vous posant la même question, vous allez me répondre que oui, même si mon doigt atterrit à 600 km de votre domicile.  Si j'agrandis encore le portrait et vous pointe l'Amérique du Nord en comparant avec l'Europe, vous allez sans doute identifier l'Amérique du nord, comme étant chez vous, même si mon doigt est situé en plein midwest américain (pour les québécois hein, si vous venez d'ailleurs, ça risque d'être différent!).  Si je vous pointe une carte tout près d'une frontière, vous allez choisir plus spontanément votre côté habituel que l'autre côté qui représente plus facilement et souvent l'étranger, l'autre, qu'il soit ou non agressif.  Même si rien ne change vraiment d'un côté à l'autre de la frontière, même si le paysage est le même, il y a une ligne mentale qui est tracée dans les esprits.  C'est ainsi que la carte mentale des individus sur cette région est formée.

La carte mentale de chacun est absolument unique et en plus, elle est en constant mouvement, parce que nous sommes toujours en train de nous adapter à notre environnement, immédiat comme plus éloigné.  C'est en ce sens qu'elle diffère profondément d'un territoire, car si un territoire peut être partagé par plusieurs individus, une communauté, voir une société, jamais une carte mentale ne sera exactement pareille d'une personne à une autre.  Si par exemple, vous avez besoin de nouveaux vêtements, vous pouvez parfaitement identifier le centre d'achat près de chez vous comme étant un territoire parfait pour en acheter, mais par contre, n'avoir une carte mentale précise que des boutiques que vous fréquentez, les autres espaces restant peu détaillé, voir vides dans votre esprit.  Par exemple, ne me demandez pas de vous décrire l'intérieur de la boutique des complets pour hommes du centre d'achats près de chez moi!  Une autre personne pourra de même reconnaître le même territoire, mais en avoir une carte mentale radicalement différente, par exemple, un homme comparé à moi, qui fréquente le même centre d'achat, mais qui a besoin de complets pour son travail.  C'est pour cela que cet aspect de la géographie humaine est tant relié à son côté humain et non géographique.

Et la fiction maintenant.  J'ai trouvé une scène qui l'illustre parfaitement: la scène où Sansa Stark revient à Winterfell, dans la saison 5.  Elle est de retour dans un lieu que sa carte mentale identifie comme étant chez elle, un lieu où elle a, selon cette carte, toujours été en sécurité et qui plus est, aimée.  Sauf qu'à son retour, elle se retrouve en danger, moral et physique, sans soutien.  Le regard qu'elle porte sur les choses le montre bien: sa carte mentale ne correspond plus à la réalité qu'elle affronte et on comprend qu'elle va devoir s'ajuster et vite.  Ça fend le coeur du spectateur qui la voit poser un regard à la fois perdu et apeuré sur les lieux sur lequel elle a grandit avant de se tourner vers Lord Bolton et de faire face à la nouvelle réalité.  Elle adapte sa carte mentale en une fraction de seconde et on la suit là-dedans.  

 Bref, surveillez vos cartes mentales tout le monde, elles ont beaucoup plus d'influence que vous ne le pensez.

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

J'aime toujours autant cette série de billets! (Et pendant longtemps j'ai blagué que pour les Montréalais, il était écrit "Hic Sunt Dracones" sur leur carte mentale de la Rive Sud hihihihi!)

Prospéryne a dit…

Merci Gen!

(Et faudrait refiler cette info à une certaine Pascale ;) )