lundi 27 janvier 2020

Et on rappelle toujours que ça a existé

Salut!

Je me rappelle que la première fois que l'idée m'est venue, c'était en regardant un épisode de Agent Carter, un des nombreux dérivés de l'univers Marvel.  On y voyait une jeune femme brillante, pleine d'expérience et de talent subir le sexisme crasse de ses collègues et voir ses possibilités de carrière et même de logement être limitées par son sexe.  Bref, une bonne vieille histoire se passant dans les années 1940.  Bien que cela soit exact, je trouvais que c'était beurré  épais pour qu'on y voit bien le sexisme de l'époque.  Comme une façon de dire: «Regardez aujourd'hui, c'est tellement mieux!».

Sauf qu'aujourd'hui, même si des progrès immenses ont été accomplis, des zones d'ombres demeurent.  Et je sais pas, ce genre d'oeuvre semble mettre l'accent sur le fossé entre ce passé et notre présent, en dénonçant le passé, mais surtout, en rappelant toujours que ça a existé, il n'y a pas si longtemps.  Le but est de dénoncer le sexisme, mais en le gardant toujours visible, présent et en donnant des modèles, autant pour les personnes qui ont lutté contre que de personnes qui l'ont perpétué.  Et ça m'énerve.

Le sexisme a occupé une large partie de l'histoire de l'humanité, ce serait mensonge que de dire le contraire.  Tout comme le racisme, l'homophobie, la xénophobie et toutes les autres phobies de l'humanité dont on est encore très imparfaitement débarrassée.  Et comme c'était des éléments important du parcours de nombreux êtres humains, il s'est forcément retrouvé dans la littérature, dans les chansons, plus tard dans les films et à la télévision.  Je vais m'intéresser plus particulièrement à la littérature ici parce qu'elle est la mère de beaucoup de productions culturelles.

Prenons l'exemple des romans de Jane Austen.  Ils parlent, de fort belle manière d'ailleurs, d'une époque où la seule façon ou presque pour une femme d'assurer son avenir était de se marier avec un homme riche.  Et de là les nombreux chassé-croisé entre les protagonistes.  Le coeur est moins important que les alliances matrimoniales.  Vous pouviez être malheureux comme les pierres dans votre mariage, si vous aviez épousé quelqu'un de fortuné, vous aviez fait un bon mariage...  Et cette histoire sera raconté et re-raconté et adapté, au théâtre, au cinéma, à la télévision.  Cette idée restera présente au travers de cette oeuvre, perdurera: une femme doit avant tout faire un mariage avec un homme riche.  Certes, la situation a beaucoup, beaucoup changé aujourd'hui, mais ça reste présent dans notre imaginaire.

Je donne cet exemple, mais combien de romans ont traité de la condition des femmes, combien de personnages féminins dans la littérature ont été réduites à de faibles femmes, comment dépeint-on les noirs, les latinos et les asiatiques dans la littérature occidentale et les blancs dans celles de ces pays?  Comment représente-t-on les autres religions, l'homosexualité, les différences culturelles?  Beaucoup de ces textes sont là pour dénoncer, montrer le passé, dire plus jamais!  Et c'est important de le faire.  Néanmoins l'effet pervers, c'est que l'on continue et on continuera encore pendant longtemps, à montrer des femmes prisonnières de modèles économiques qui les défavorisent, de personnes à la peau plus foncée esclaves et de minorités sexuelles ou religieuses contraintes à la clandestinité, voir pourchassées.  On garde présent à l'esprit qu'à une époque, la norme était là.  Peu importe où nous sommes en somme rendu aujourd'hui.

On ne s'empêchera pas de sitôt de refaire une énième fois adaptation d'Orgueil et préjugés ou de La case de l'Oncle Tom.  Ce sont des classiques et la portée de ces oeuvres qui ont traversé les siècles restent universelle.  C'est juste que je constate que l'on garde des idées passéistes bien présentes dans les esprits en faisant ça.  Et je m'interroge.

Certains se disent que l'on devrait revisiter les anciennes oeuvres et les adapter à la modernité.  Si vous êtes de ce camp, voir le tollé suscité par la modification de la fin de l'opéra Carmen il y a quelques années.  Alors que l'on rejoue et réinterprète cette oeuvre depuis quelques siècles, il ne semble pas possible de changer le destin de son personnage principal sans froisser les susceptibilités.  C'est un peu comme les adaptations de comics: les fans de la première heure hurleront sans cesse contre les modifications faites aux personnages, aux costumes et aux intrigues qui touchent leurs super-héros favoris.  Même si on peut leur faire faire des sauts dans le temps de plusieurs décennies, les costumes et les personnages doivent rester proche des originaux.  Ce qui me fait parfois hurler devant les costumes et aux situations dans lequel on plonge les super-héroïnes, mais bon...

On ne changera pas le passé.  On ne changera pas les oeuvres qui en sont issues non plus, parce qu'elles parlent bien souvent de réalités qui étaient alors contemporaines.  Ça fait partie de notre héritage.  Et l'art va garder ces réalités dans nos esprits pour encore des siècles.  Pour le meilleur et pour le pire.

@+ Mariane

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