lundi 23 juillet 2018

Démêler la fiction de la fiction

Salut!

Au tournant des années 2000, j'étais une grande fan de la série X-Files.  Je suivais avec attention les aventures de Mulder et Scully, me délectais des intrigues de la conspiration et de toute l'énergie qu'ils mettaient à la combattre.  Ce n'est que depuis quelques années qu'en y repensant, j'éprouve un malaise.  Je suivais cette émission avec attention en sachant très bien que c'était une fiction, mais quelque part, il me semble que l'insistance de la série à dire que le gouvernement est corrompu ou manipulé que la réalité n'est pas ce qu'elle semble être, a fini par ne plus être que de la fiction pour certaines personnes.  Le slogan de la série, La vérité est ailleurs, le résume bien.

Quand j'y repense, l'idée est partout dans la culture populaire américaine.  De façon pas toujours directe, mais elle est là.  C'est comme ce personnage dans le deuxième Transformers qui lance à Sam Witwicky «On nous ment!» à son arrivée à sa résidence étudiante.  Ce type de personnage revient souvent.  Il est souvent présenté comme un peu foufou, mais au final, c'est lui (oui, plus souvent lui que elle et je ne me rappelle pas d'exemple ou en plus, il n'était pas blanc) qui a raison au final.  J'avoue que ce genre de ressort dramatique est extrêmement intéressant à utiliser, mais il est aussi dangereux: si c'est toujours ce personnage qui a raison, pourquoi n'aurait-il pas aussi raison dans la vraie vie?

Seulement voilà, dans la vraie vie, l'hypothèse la plus farfelue est rarement la vraie.  Et si je ne nie pas que le contenu du bulletin d'information comporte une bonne part de relations publiques, de langue de bois de politicien/nes et même parfois, de mensonges, il y a loin de la coupe aux lèvres en disant que nous sommes manipulés par une organisation supranationale toute puissante devant lequel les gouvernements sont à genoux et qui collaborent avec des sociétés mystiques ou des extraterrestres.  Le seul hic, c'est qu'à force d'enfoncer le clou dans la fiction, on dirait que certaines personnes ne savent plus comment distinguer la fiction de la réalité...

Post-vérité a été le mot de l'année 2016 selon le dictionnaire Oxford.  Rien d'étonnant quand on connaît le discours qui a mené le candidat républicain dans le bureau ovale d'où il ne cesse depuis de contourner, manipuler et détourner les faits.  Mais surtout, il tient un discours semblable à celui de bien des films et des séries télés.  La vérité est ailleurs après tout.  Ses discours reprennent, parfois sans les nommer, des éléments qui ont fait le succès de nos soirées télés.  Et pour cause, ces fictions se sont largement inspirés des théories du complots qui fleurissaient allègrement avant l'internet, mais qui avec son développement, sont carrément devenus encore plus envahissantes que des pissenlits au printemps!  En passant par la fiction grand public, on leur a donné une légitimité et un écho qu'elle n'aurait jamais eu autrement.

Or, cela reste de la fiction non?  Et bien, pas toujours et c'est ça le problème.  Je me rappelle avoir lu un article sur les théories de la conspiration écrite par une journaliste.  Celle-ci racontait qu'elle pensait que ce n'était que du vent jusqu'à ce qu'elle parle à des citoyens d'autres pays.  Ceux-ci étaient des partisans fervents des théories du complots parce que...  et bien ce n'en était pas.  Ce gouvernement renversé par son propre peuple l'avait-il était pour cette raison?  Ou bien était-ce la CIA qui...  Prenez des dizaines d'exemple, dans des dizaines de pays et demandez-vous ensuite, pourquoi les États-Unis, le chef-lieu de toutes ces opérations, serait épargné?

Le problème dans tout ça, c'est que le terrain pour que les théories de la conspiration, fertile depuis des années, même avant le web, culmine à une époque où l'on a également jamais autant eu accès à l'information et à l'information de qualité.  Pensez-y, on a Wikipédia, toutes les banques de données universitaires et je ne sais pas trop combien de sites de données fiables, des archives et ça c'est sans compter tous les efforts de vulgarisation qui sont faits depuis des années.

Seulement voilà, la fiction a tissé une trame, une trame qui fonde la vie de bien des gens.  Si on ne m'avait pas appris avant de m'asseoir devant X-files que c'était de la télé et que c'était arrangé avec le gars des vues, si ma famille ne m'avait pas dotée d'esprit critique, aurais-je pu faire la différence?  Je me pose sérieusement la question.

La fiction sert à élargir le monde pas à le rétrécir.  La fiction sert à tester des possibles, à explorer des sentiments et à découvrir de nouveaux univers.  Entre les théories de conspiration et la fiction à la X-files, il y a tout un monde.  L'un détourne le réel, l'autre s'amuse avec lui.  Mais la fiction n'est pas la réalité.  Les théories de conspirations non plus et leur but est très éloigné de celui de la fiction.  Néanmoins, celle-ci reste la meilleure arme de l'humanité face à la réalité.  L'imagination et la créativité sont les enfants de la fiction.  Ce sont elles qui nous ont permis d'envoyer un petit robot se promener sur une autre planète, mais bien avant d'y aller, de s'imaginer, d'avoir penser que ce serait possible et de créer tout le nécessaire pour pouvoir le faire.  La fiction au service de la réalité est merveilleuse, mais la réalité au service de la fiction mène au contraire.  Car après tout, à la base de beaucoup de grandes erreurs de l'humanité, il y avait quelqu'un qui a laissé son imagination et les idées qu'elles entraînent prendre le pas sur la réalité.  Surtout quand ça concernait d'autres humains.

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

Intéressant billet! Fan de X-Files, moi aussi j'éprouve un malaise à présent devant toute oeuvre qui utilise les théories conspirationnistes, parce que j'ai appris, moi aussi aussi, que certaines personnes les croient vraies!

(Or, comme faisait remarquer Terry Pratchett dans un de ses romans, les gouvernements sont incapables de gérer correctement des hôpitaux ou de cacher des scandales aussi banals que des tickets impayés, alors ils sont beaucoup trop incompétents pour une opération de couverture de grande envergure!)

Par contre, le slogan de X-Files (the truth is out there) a un double sens en anglais : "out there" veux dire "ailleurs", mais aussi "dehors, là où on peut la trouver, la voir, si on la cherche". Malheureusement, c'est le sens premier qui a très vite gagné.

Prospéryne a dit…

J'aime Terry Pratchett! :D

C'est drôle, mais je crois que le double-sens n'a pas trop perdu à la traduction, parce qu'on peut prendre cette phrase en français dans les deux sens, mais peut-être pas de manière aussi évidente qu'en anglais.

Oh et tu sais, je regardais une série il y a environ un an, The Black List, qui roulait sur exactement les mêmes thèmes. Comme de quoi la fiction basée sur les théories de la conspiration ont encore de belles années devant eux. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir ou en pleurer!