Une merveilleuse histoire du temps: Ma vie avec Stephen Hawking Jane Hawking Terra/Nova 444 pages
Résumé:
À l'été 1962, la jeune Jane Wilde croise le chemin d'un garçon bizarre, à la démarche étrange. Il s'appelle Stephen Hawking et est un brillant étudiant en physique. Entre le deux va naître un amour, que même le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ne viendra pas éteindre. Consciente du poids de ses responsabilités avec un époux malade, promis à mourir jeune, elle l'épouse en 1965. Grâce à son soutien indéfectible et à sa prise en charge complète de la gestion de la vie quotidienne avec un handicap, elle permettra à son mari de se consacrer à l'étude de la physique et de faire les immenses découvertes dans ce domaine qu'on lui connaît. Pratiquement sans que personne sache quel était le prix à payer sous la surface glorieuse de ces découvertes.
Mon avis:
Ceci est l'histoire de Stephen Hawking, racontée du point de vue de celle qui a partagé sa vie pendant 25 ans, avant la gloire et l'attention du public, alors que la lente maladie faisait son oeuvre en même temps que l'avancement de la science. C'est aussi l'histoire d'un long, très très long combat contre la vie elle-même et les obstacles qu'elle dresse devant les handicapés, qui prennent souvent la forme de petits détails anodins: une marche, un chemin pas assez plat, les distances à parcourir à pied. C'est une histoire de courage, mais aussi l'histoire d'un génie. Et comme tous les génies, les qualités indispensable à leurs découvertes et leurs avancées, la confiance en soi, la capacité de se consacrer totalement à un problème, la pugnacité, ont leurs revers dans l'intimité. C'est cet autre aspect de la médaille qui est racontée ici. Certes, je crois que si Stephen Hawking racontait lui-même cette histoire, elle serait bien différente. Parce qu'il n'a pas vécu les tensions inhérentes à l'organisation de la vie quotidienne, la culpabilité envers une personne vulnérable que l'on a à protéger, la tension entre les soins à apporter aux enfants et à un adulte qui sont presque égaux. On comprend à tout le moins en lisant ce récit que loin d'être passif malgré son handicap, Stephen Hawking a une personnalité bien trempée et qu'il a toujours su se faire comprendre et entendre. Adepte des joutes verbales quand il pouvait encore parler, il n'a pas perdu cette habitude plus tard. Écorchant de nombreuses personnes au passage, car pour lui, la démonstration de supériorité intellectuelle était la valeur suprême. C'est ainsi qu'il a lors d'une discussion complètement démoli l'étude des lettres, la disant inutile, l'équivalent de retourner des galets sur un rivage alors que sa femme, présente dans la pièce... était étudiante au doctorat en lettre. Il a mis la même pugnacité à vouloir nier sa maladie, empirant ainsi le fardeau déjà lourd sur les épaules de celle-ci. C'était un mécanisme de défense, une façon de ne pas sombrer devant l'adversité, mais quelle poids a-t-il mis par le fait même sur la poignée de proches autour de lui qui acceptait de l'aider? Ses aidants naturels sont été surchargés car il refusait de faire face à sa maladie. Avec la publication de son livre Une brève histoire du temps et l'arrivée de la gloire, de cette image d'un petit homme écrasé dans son fauteuil, mais au génie supérieur, il y a eu les tensions, mais aussi l'épuisement de sa femme. L'arrivée d'une infirmière dans son cercle proche a mis fin à leur mariage et on comprend comment cela a pu arriver: quand une personne tient un discours plus proche de ce que l'on veut entendre qu'une autre qui nous pousse à la raison, les doutes commencent à apparaître. La fin de leur mariage a été lourde, mais d'un certain sens, libératrice pour Jane Hawkins. Elle fait preuve d'une grande honnêteté dans ce récit, parlant de tout le support qu'elle a reçu de partout, mais aussi des tensions entre la carrière scientifique de son époux et leur vie de famille. Elle parle de la physique comme étant la maîtresse de son mari, ce qui n'est pas peu dire! Femme-courage, femme derrière le grand homme qui permet au miracle de se produire, bien qu'elle soit elle-même, il faut le dire, médiocrement connaissante en physique,même si elle a partagé la vie quotidienne d'un pilier de la physique du XXe siècle! Il y avait quelque chose de naïf dans son engagement de départ, quelque chose qui a, elle-même le dit, peu à peu tué sa propre personnalité. Pris dans ses recherches et centré sur ses besoins, niant le poids de sa maladie, son époux ne lui a pas été d'un grand support, tant physique qu'affectif. Néanmoins, elle réussit le tour de force de présenter ses défauts, ses failles, sans juger globalement l'homme. Même dans les pires moments de leur séparation, on sent le respect de la personne et la compréhension de sa situation prévaloir. Jane Hawkins ne cache pas non plus sa relation à long terme avec Jonathan Hellyer Jones, un ami de la famille qui l'a énormément soutenue à partie de la fin des années 1970. Elle affirme que leur relation est restée longtemps platonique, mais qu'elle s'est aussi totalement intégrée à celle qui la liait à Stephen, Jonathan l'aidant dans tous les aspects des soins relatifs à son époux. Une histoire peut-être unique, mais racontée avec beaucoup d'honnêteté. L'édition française m'a semblé manquer de fini et j'ai vu beaucoup de lapsus dans des phrases, assez régulièrement pour que ça m'agace. Certains détails du fonctionnement interne d'une université anglaise manquaient dexplications, surtout pour un lecteur qui n'est pas forcément familier avec ce système hérité de nombreuses traditions. De plus, l'auteure elle-même parle de réalité spécifique à la Grande-Bretagne comme s'il était normal que tout le monde connaissent les traditions qui leur sont spécifique. Normal pour un lecteur britannique, mais français ou encore tout simplement francophone? C'était insuffisant, il y avait un travail d'édition à faire qui n'a pas été fait. Ce récit n'est pas non plus d'un haut niveau littéraire, mais il est très intéressant car il nous fait pénétrer dans la vie quotidienne d'une famille marquée à la fois par le génie et le handicap. Fascinant et dérangeant.
Ma note: 4.25/5
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire