mardi 25 septembre 2012

Alain Grandbois est-il un écrivain québécois? de Patrick Moreau

Alain Grandbois est-il un écrivain québécois?  Quelques réflexions sur notre littérature à partir des Voyages de Marco Polo  Patrick Moreau  Fides 78 pages

Résumé:
Alain Grandbois a écrit un livre,  Les voyages de Marco Polo, publié en 1941.  Encensé par les critiques à sa sortie et dont tous la plupart des lecteurs reconnaissent la puissance d'écriture.  Un livre publié par un auteur québécois, mais parlant de Marco Polo et dont l'histoire, forcément, n'est pas située ici.  Et qui est tombé dans l'oubli, même pour la plupart des spécialistes en littérature.  Pas lu dans les écoles, pas mis au programme des étudiants en littérature.  Ce qui amène à poser la question: pourquoi est-ce qu'Alain Grandbois et Les voyages de Marco Polo sont-ils tombés dans l'oubli?  Serait-ce parce que justement, Alain Grandbois n'est pas un écrivain québécois?

Mon avis:
Petit essai, mais brillant.  Ok, je ne suis pas habituée à lire des trucs sur la littérature, mais cette plaquette n'avait rien pour me faire peur et j'ai donc plongé.  C'est drôle, mais les questionnements de l'auteur rejoignent certaines de mes réflexions.  Entre autre, un écrivain québécois est-il quelqu'un qui écrit sur notre belle province ou un écrivain né ici, même s'il écrit sur ailleurs?  Le cas de Dany Laferrière serait ici particulièrement intéressant à citer puisque cet haïtien d'origine a largement parlé d'Haïti dans ses écrits, mais il est pourtant considéré comme un de nos meilleurs auteurs.  Alors pourquoi Alain Grandbois n'a pas droit au même titre?  Pourquoi est-il tombé dans l'oubli?  Beaucoup de raisons y passent pour expliquer cet état de fait, entre autre chose qu'Alain Grandbois ait passé une partie de sa vie en France, tache suffisante pour expliquer qu'il ne soit pas assez «d'ici».  Prenant son exemple, l'auteur explique la difficulté à établir notre littérature nationale en expliquant les racines de ses fondations.  Si aujourd'hui on ne nie plus l'existence de notre littérature, de savoir la définir reste un défi.  Mordecaï Richler est-il un auteur québécois par exemple?  Et les trentenaires écrivant sur la vie du Plateau-Mont-Royal sont-ils autant universels et porteurs de littérature que les écrits d'Alain Grandbois sur Marco Polo?  Autant de questions brillamment abordées qui mènent à une autre, plus profonde: que faire lire de la littérature québécoise aux jeunes générations?  À un professeur de littérature proposant une liste assez nationaliste, plutôt identitaire et susceptible d'intéresser les jeunes, l'auteur réplique que La Fontaine et Flaubert ne sont pas les auteurs les plus faciles à aborder et pourtant, on les fait lire aux petits français à cause de leur importance dans l'héritage culturel de leur nation.  Idem pour Dante, Shakespeare et Goethe que doivent se farcir les petits italiens, anglais et allemands que ça leur plaisent ou non et sans nécessairement ne tenir compte que de leur niveau, parce qu'au-delà du texte seul, il y a la culture et que celle-ci peut être abordée quelque soit le niveau de l'élève si on sait le moindrement s'y prendre.  Autre chose que j'ai retenu de ma lecture, c'est l'importance de la disponibilité du fond littérature pour son rayonnement.  Que serait la littérature français sans Folio pour la faire rayonner pour ne citer que cette collection seulement?  Ses équivalents au Québec sont plus rares, les livres de fonds de la littérature ayant peine à se tailler une place en format poche abordable (je tiens à souligner que la situation a tendance à se corriger depuis quelques années avec la multiplication des collection en format poche offrant un excellent choix de fond)  Bref, un petit essai percutant qui part de l'oeuvre d'Alain Grandbois pour aller ratisser large dans les fondements de l'argumentaire sur notre littérature.  Facile à lire, rapide et bien argumenté, vraiment, à mettre entre toutes les mains de ceux qui se questionnent sur notre littérature.

Ma note: 4.5/5

3 commentaires:

Gen a dit…

Le questionnement ne m'étonne pas. Avec Hanaken, je vis un peu la même chose : quand on répertorie les romans "historiques" publiés dans l'année au Québec, on m'oublie. Si ça parle des Patriotes, des Irlandais ou, à la limite, des Français avant qu'ils traversent l'Atlantique, alors ça intéresse les gens, c'est répertorié et tout...

Mais qu'une québécoise écrive sur le Japon, tout le monde s'en fout. En salon du livre, je me suis même fait dire "tant qu'à écrire sur l'histoire, pourquoi vous écrivez pas sur les Patriotes?".

Sébastien Chartrand a dit…

@ Gen:

Et moi, qui écrit sur le XIXe siècle québécois, on m'a demandé :"tant qu'à écrire historique, pourquoi tu ne sors pas un peu de chez toi..."

Prospéryne a dit…

@Gen, peut-être parce que tout le monde écrit sur les Patriotes que tu n'écris pas sur eux! Et franchement, c'est rafraîchissant de te lire et d'entendre parler d'ailleurs. Si y'en a qui aiment pas, c'est très loin d'être mon cas!