jeudi 28 août 2014

Mort-Terrain de Biz

Mort-Terrain  Biz  Leméac  239 pages


Résumé:
Julien Daigneault, jeune médecin montréalais, est engagé à Mort-Terrain, une petite ville d'une poignée d'habitants situé au nord de l'Abitibi.  Sur place, il est à la fois le médecin des blancs et celui de la réserve amérindienne située à quelques kilomètres.  Alors qu'il découvre à la fois les habitants de Mort-Terrain et leurs coutumes, il est fasciné par la culture des amérindiens et le gouffre qui les séparent de leurs voisins.  Placé face à un choix alors que l'exploitation minière met les morterrons face à un choix, Julien, lui aussi, devra prendre parti.

Mon avis:
Ok, l'auteur avait une bonne longueur à affronter parce que j'avais adoré La chute de Sparte, un livre dont je me souviens encore avec beaucoup d'amour même deux ans après sa lecture.  Il avait alors eu le talent de se glisser dans la peau d'un adolescent moyen, ni trop hot, ni trop looser, représentatif de cette majorité silencieuse que l'on a tendance à oublier.  Le problème est que Mort-Terrain soutient mal la comparaison.  Le charme de l'écriture y est en quelque sorte rompu.  Au lieu de se glisser dans la peau d'un adolescent, il se glisse dans celui d'un médecin qui quitte Montréal et une culture très urbaine, limite bo-bo pour aller travailler dans le Nord-du-Québec.  Biz a ainsi voulu faire un livre plus revendicatif, plus proche des sujets qui visiblement le touche de près.  C'est son droit, mais il y a perdu en profondeur.  Aborder à la fois les projets miniers, les relations amérindiens-blancs, la vie dans le Nord québécois et le choc culturel avec un habitant du Plateau découvrant ce monde, c'est un peu beaucoup pour un seul livre.  J'ai eu l'impression d'une lente montée vers un affrontement possible, puis... rien.  La fin tourne en queue de poisson.  Certaines parties de son sujet sont magnifiquement bien tournées: le choc d'un habitant de la ville face aux moeurs du nord, beaucoup plus rudes.  Son narrateur (Julien) fait très vite la remarque que les commentaires d'un personnage face à une barmaid sont carrément du harcèlement sexuel, mais que personne n'y réagit.  Les nombreux commentaires face aux gens de Mourial qui parsèment le livre montrent aussi le fossé entre les gens de la ville et les gens des régions éloignées.  Certes, le cliché est sans doute présent, mais il montre une réalité qui existe quand même.  Autre cliché, mais celui-là, énorme, la représentation de John Smith, un homme d'affaires, forcément anglophone et qui cherche visiblement à ne faire que du profit, profit, rien que du profit, sans aucune autre forme de conscience.  Forcer le trait jusqu'à le démontrer en Wendigo, personnage légendaire des contes algonquins, mangeur de chair, capable de semer le trouble chez tous, m'a semblé desservir le roman plutôt que de dénoncer les excès d'une certaine classe d'affaires.  Le trait trop grossier, l'absence de nuances permettait de classer le tout dans les exagérations d'un écrivain engagé plutôt que dans la dénonciation d'une situation par ailleurs tellement nécessaire.  Ce qui est dommage par ailleurs, parce que la découverte de l'univers spirituel des amérindiens est magnifique.  J'ai trouvé que Julien manquait de nuances dans son appréciation de la culture de ces derniers, mais malgré tout, je dois avouer que cette entrée dans un univers qui nous est si proche géographiquement et pourtant si lointaine était magnifique.  La partie horreur avec le Wendigo m'a paru comme plaquée sur le roman, elle n'était pas nécessaire.  On n'explique pas vraiment sa présence, son importance.  Il y aurait eu là un filon qui bien fouillé aurait pu donner une toute autre tournure au roman.  Mais il aurait fallu une centaine de pages de plus ou couper dans une autre des réalités abordées.  Le propos de l'auteur était clair sans ces petites touches de fantastique, sauf si l'on réfère au fait qu'elle nous liait avec la culture autochtone.  Là aussi, on touchait un peu dans l'exagération.  Au final, un bon roman, mais porté par les excès de son auteur.  Vouloir dénoncer certaines situations, c'est bien, le faire en matraquant certains faits peut nuire autant qu'aider.  Au fait, à signaler aussi les excès de zèle du réviseur linguistique.  Un peu trop «craque pote» à mon goût (l'un des nombreux exemples d'aplanissement des anglicismes dans ce livre, mais non le moindre!)

Ma note: 3.75/5

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