jeudi 9 juillet 2020

Pour qui je me prends de Lori Saint-Martin

Pour qui je me prends  Lori Saint-Martin  Boréal  184 pages


Résumé:
Née en anglais, Lori Saint-Martin a entendu pour la première fois le français à dix ans, dans une salle de classe.  L'accès à cette nouvelle langue a été pour elle une révélation, un tournant.  À partir des langues, elle a entamé un parcours de révélations, de recherche sur elle-même, au point de changer de langue comme on change de corps.

Mon avis:
Le sujet d'une anglophone qui choisit de changer de langue pour le français m'a attiré dans ce livre, mais ce serait tellement réducteur de dire qu'il est seulement ça que j'ai hésité à commencer ma critique en le mentionnant.  Voilà, c'est fait.  Maintenant, ce livre a tant de richesses et de profondeurs que ce n'est finalement pas ce que je garde de cette lecture.  Au contraire, il est tellement fait de richesses et de beauté que cela dépasse largement le sujet premier.

L'auteurice écrit comme van Gogh peignait: par petites touches de couleurs vibrantes, éclatantes.  C'est sa vie qu'elle nous raconte de cette façon, le sujet est clairement établi depuis le début.  Elle raconte en zig zag, revenant sur des événements, passant de l'un à l'autre, sautant quelques années, revenant sur un sujet, parlant d'un autre à l'avance.  Elle joue avec la ligne chronologique, nous emmenant dans une danse, sa danse.  Sa maîtrise des mots de la langue française est à faire rougir des locuteurs natifs: elle a le sens du mot juste, de l'expression tombant avec grâce et son livre est autant un récit qu'une confession, une invention littéraire qu'une autobiographie romancée.  On joue dans toutes ces nuances à la fois et de manière grandiose.

Car à sa danse des langues (elle en parle couramment trois, anglais, français et espagnol) se mêle une danse de l'identité.  Elle raconte qu'à l'âge tendre de dix ans, quand elle a entendu parler pour la première fois le français, elle a eu l'impression de respirer pour la première fois.  Elle a par la suite tout fait pour apprendre cette langue qui la fascinait, mais cet apprentissage, ce départ vers une autre langue a aussi été synonyme d'un départ vers autre chose que le milieu ouvrier d'où elle provient.  Et à travers l'exploration de la langue, vient celle de sa propre identité.  Elle ira jusqu'à changer son nom de famille pour mieux épouser celle qu'elle souhaitait.  Elle a trouvé son nouveau nom dans un bottin téléphonique, dans la ville franco-française de Québec au milieu des années 1980 et l'a adopté, rejetant son héritage pour mieux se recréer elle-même.  Tout au long de son parcours, elle montre qu'elle a utilisé la langue, les langues, pour se réinventer. se chercher et se trouver.

On la suit dans sa découverte des mots, des gestes de la langue, de sa tentative pour parler tellement bien que personne ne saurait d'où elle venait.  De se glisser dans la peau d'une autre à travers la langue.  De ses enfants, qui vont la réconcilier avec sa langue maternelle.  De sa soeur qui lui donnera à sa mort l'impulsion et le courage de se lancer à corps perdus dans sa troisième langue, l'espagnol.  Et de l'allemand, qu'elle se découvre comme langue perdue.

Quête d'identité, quête de langue, tout se mêle dans ce livre, mais c'est aussi une fête des mots.  

Un très gros coup de coeur!

5/5

2 commentaires:

Gen a dit…

Wow! Ça semble vraiment génial ce livre!

Prospéryne a dit…

Est-ce que ça rejoint la PAPAG? ;)