mercredi 12 septembre 2012

Les pirates

Salut!

Autrefois, les pirates étaient bien visibles.  Ils se promenaient en mer sur des bateaux arborant un drapeau orné d'une tête de mort et de deux tibias croisés et n'avaient que pour but de voler et tuer les malheureux bateaux passant à proximité.  C'était tout un métier que d'être pirate, un métier dangereux où la richesse n'était que rarement au rendez-vous et où plus souvent qu'autrement, on mourrait jeune.

Les pirates d'aujourd'hui...  sont beaucoup moins visibles.  Et beaucoup plus sournois.  Malheureusement, on peut dire que la majorité de la population, à un moment ou à un autre s'est adonné au piratage.  Des gentils MP3 surtout.  Maintenant, avec le numérique, c'est le livre qui tombe dans le piège.  Avec ma très chère Bête, j'ai moi-même été télécharger quelques trucs sur Internet, mais là est le problème: connaissant les règles du droit d'auteur, je n'ai pris que des trucs légaux.  Pour ceux qui ne savent pas, le téléchargement sur Internet peut facilement devenir une jungle.  Pour la petite histoire, au Québec, tous les auteurs morts depuis plus de 50 ans voient leurs oeuvres tomber dans le domaine public.  Donc, tous les auteurs morts avant 1962 peuvent être téléchargé librement, gratuitement, mais surtout légalement.  Toutes les autres oeuvres, non, on tombe dans le téléchargement illégal.  Encore plus quand l'auteur est bien vivant!

Une excellente cliente à la librairie s'est fait offrir une liseuse à Noël dernier.  Elle est revenue début janvier pour m'annoncer ça et aussi pour me dire toute fière que l'un de ses amis lui avait téléchargé 600 livres d'un coup gratuitement.  Elle était toute contente!  Je n'ai pas allumé sur le coup, mais plus tard, je me suis rendue compte que 600 livres d'un seul coup, ça ne pouvait être que du piratage.  Cette personne l'ignorait et je ne doute absolument pas de sa bonne foi.  S'aventurer dans la jungle du téléchargement sans un minimum de connaissance devient vite un piège pour ceux qui de bonne foi, ne s'imagine pas le tort qu'ils causent aux auteurs.

Et ceux qui les mettent sur le Worl Wibe Web?  Ces vaillant pirates qui laissent courir à tous vents des oeuvres écrites?  Un ami auteur a eu maille à partir avec des pirates récemment.  Et c'est la manière dont ils se voient qui est je crois la pire chose, au-delà de leurs actes.  Ces braves gens s'imaginent porter haut et fort la culture, repoussant ses limites et permettant à tous, absolument tous un accès universel, libre et gratuit à la littérature.  Sans se rendre compte que de disperser à tous vents des textes piratés, c'est la meilleure façon de priver de revenus ceux qui se battent justement pour faire vivre cette culture-là.  Et au-delà de ça, c'est pour chaque auteur piraté le vol pur et simple de son travail.  Je me pose la question à clavier haut: si tous ces gentils fichiers créé illégalement était repris par Amazon ou un autre gros et vendu sans autre états d'âmes, comment nos vaillants pirates pro-culture se sentirait-il?  Sûrement pas heureux en tout cas.  Parce que leur travail ne serait pas respecté.  Pourtant, ils font la même chose à d'autres sans le moindre état d'âme apparent, la vertu du libre-accès à la culture en bandoulière.  Pas fort.  Je crois que le pire vient de là: ceux qui croit bien faire en faisant des torts considérables.  Je trouve moi aussi que bien des fichiers numériques se vendent un prix de fou et que les DRM, c'est de la ***, mais le problème, c'est que dans un marché en transition, nécessairement, on fait des erreurs et que des ajustements vont être nécessaires.  De là à dire que tout doit être gratuit par contre, alors ça, non.  Tout a un coût, piraté ou non.

@+ Mariane

16 commentaires:

Isabelle Lauzon a dit…

Bien d'accord avec toi. Je fais partie des gens idiots qui paient leurs films et leur musique. On est fous, hein? Alors qu'il y a autant de trucs gratuits... (sens l'ironie ici).

Je ne dis pas que j'ai toujours été aussi stricte dans mes principes, mais depuis que je suis dans le monde littéraire, je reconnais davantage la valeur des créateurs et leur droit à une juste rémunération pour leurs oeuvres, qu'elles soient cinématographiques, musicales, littéraires ou autres.

On peut toujours se donner de belles raisons pour acheter des trucs piratés. N'en reste pas moins que quelque part, on lèse les créateurs de ces oeuvres...

Anonyme a dit…

Auuuucun rapport avec ton billet, mais j'ai remarqué que dans tes lectures en cours, tu lisais Les Frères Sister. Mon frère me l'a offert pour mon anniversaire cette année ( je suppose qu'il ricanait intérieurement à sa blague extrêmement non subtile), mais je n'ai pas encore osé le toucher. J'attends ton avis!!!!

(Didie)

Anonyme a dit…

Quant au piratage: c'est réellement en trempant les pieds dans le milieu que je réalise de plus en plus l'enjeu de la situation. Je n'ai pas toujours été parfaite, mais je n'étais pas non plus consciente des conséquences que cela occasionnait sur les créateurs et surtout, du manque de respect dont ils sont victimes. Je crois qu'une grande campagne de sensibilisation serait de mise parce qu'il est vrai que la plupart du temps, les "pirates" n'ont aucune idée de la réelle portée de leurs gestes.

(Mais je ne dis pas qu'ils sont tous innocents)

Sébastien Chartrand a dit…

Tout est une question de dosage, ici.

Autant je m'insurge de voir des auteurs se faire injustement dérober le fruit de leur travail par le piratage.

Autant je suis outré quand je vois à quel point il y a tant de films, de séries télévisées et d'animations japonaises impossible à trouver au Québec en français... acheter sur Ebay ? Impossible: la France est en format-DVD PAL et nous, en NTSC... incompatibilité... alors devrait-on être condamné, au Québec, à ne pas consulter certaines oeuvres dans notre langue, ou même dans les autres langues en sous-titré, juste parce que notre marché est plus petit ?

Un autre truc: quand j'ai payé pour un roman flambant neuf, je n'ai pas de remords à prendre la version epub équivalente par Internet. Et j'assume totalement ce que j'écris: si un jour, quelqu'un pirate le epub d'un de mes livres et qu'il a acheté le roman papier, ça ne me dérangeras pas... mais attention: faut acheter papier, avant ! Sinon, c'est du vol !

Et au prix où sont les epub chez certains éditeurs (pas tous, heureusement)... je ne paie pas deux fois, non merci !

Je sais qu'il y en aura qui ne seront pas d'accord, dans un sens comme dans l'autre, mais bon...

My two cents

Gen a dit…

Le gros problème est que le marché ne semble pas vouloir s'adapter aux nouvelles technologies.

Quand Itunes a baissé drastiquement le prix de ses MP3, ils ont vu leurs ventes exploser. Les gens étaient prêts à payer 1$ de la chanson ou 5$ pour un album.

Ils ne sont pas prêts à payer 20$ pour un film ou pour un livre. Hé, ils paient déjà la bébelle techno pour lire le fichier, l'ordinateur pour le télécharger, le forfait internet, la bande passante si ils en utilisent trop...

Un moment donné, donnez-vous un break! Le jour où les livres seront 2$ ou 3$ (comme les auteurs sont déjà payés 1$ en moyenne du livre, faites-moi pas croire qu'avec l'autre 50% du prix les éditeurs arriveraient pas), ils ne seront plus autant piraté.

Et là ça vaudra la peine de serrer la vis aux pirates, parce qu'ils ne seront pas discrètement approuvés et encouragés par une partie de la population.

Cela dit, je réprouve le piratage en général et celui des livres en particuliers, mais je connais assez de pirates pour connaître leurs arguments (et les approuver en partie).

Et il m'est déjà arrivée de vouloir me procurer du contenu légal et de ne pas y arriver à cause de barrières géographiques (beaucoup de sites américains ne veulent pas que les canadiens achètent du contenu téléchargeable en ligne, parce que nos lois anti-piratage sont considérées trop laxistes). Résultat? Ben j'ai envoyé le courriel à un ami, j'ai reçu mon contenu et j'ai pas posé de question.

Tsé quand tu veux être honnête et que tu peux même pas, c'est frustrant

Sébastien Chartrand a dit…

@ Gen: Très juste. C'est un peu ce que je voulais dire, en parlant des trucs impossibles à trouver en français, et les fichues incompatibilités géographiques... je suis bien prêt à payer pour un produit, mais encore faut-il qu'il soit disponible !

Prospéryne a dit…

@Isabelle, je fais aussi partie des idiots qui regardent leurs films sur DVD et qui les payent (mais je les use ces DVDs ça vaut la peine!) ainsi que les CDs. Pour les livres, je fais très attention à ce que je télécharge sur Internet. Il y a du contenu libre de droits qui existe, il suffit de savoir quoi chercher et où. Ce n'est pas du piratage que de télécharger Jules Verne ou Dickens. Les droits d'auteurs, eux, ils s'en foutent!

@Didie, certains pirates sont innocents, mais ce n'est pas le cas de tous. Il y a parmi eux une belle gang qui s'en foutent tout simplement. Et ça, désolé, pas capable!

@Sébastien, tu touches un point, mais personnellement, je ne parlais que du milieu du livre. Ce qui me frustre beaucoup, ce sont les DRM. Quand j'achète quelque chose, que je l'ai payé, je veux pouvoir l'utiliser comme bon me semble, point. Ces foutus DRM encouragent le piratage plus qu'autre chose. Quand l'industrie de la musique les ont fait sauté, le marché a explosé. Preuve que les gens sont prêts à payer, mais pas à se faire chier avec des limitations.

@Gen, attention, en 2010, on ne parlait même pas du numérique, alors c'est normal que deux ans plus tard, ça soit la tempête! Le marché est en train de s'adapter. Cependant, je ne crois pas aux livres à 2 ou 3$ 5$ me paraît plus raisonnable déjà et idéalement, entre 5 et 10$ pour les livres se vendant 30$ papier. Il faut dire qu'avec le numérique, les éditeurs n'épargnent que 20% environ de leurs coûts, soit l'impression et le transports des livres. Le reste des frais demeurent et ce n'est pas en numérique qu'ils vont en vendre nécessairement plus de copies. Je suis tout à fait d'accord que les fichiers numériques à 18.99$, c'est du vol, mais il y a un plancher de viabilité nécessaire. Et honnêtement, les zones de DVD m'emmerdent énormément, c'est chiant quand certains films ne sont pas disponibles ici parce que ça nous prendrais un DVD Zone 2 pour les lire! Surtout quand on est prêt à payer, ce genre de zone restrictive est complètement contre-productif.

Sébastien Chartrand a dit…

@ Prospéryne: contre-productif, c'est vraiment le mot !

Pat a dit…

Je vais tâcher de rester calme :)

Prospéryne a dit…

Zen Patrice, zen!

Gen a dit…

@Prospéryne : Si les éditeurs n'épargnent que 20% de leurs coûts, c'est qu'il y a des intermédiaires qui, eux, ne veulent pas toucher à leur marge de profit. (Je pense surtout ici aux distributeurs, qui n'ont plus besoin de payer de transport, d'entrepôts physiques, de manutentionnaires, mais qui chargent quasiment le même prix). Par contre, quand je parlais de 2$ ou 3$, je pensais à un livre de 10$ ou 15$ (comme j'achète pas de grands formats traduits, je ne paie jamais 30$ pour un livre! :p) Pour un livre de 30$, oui on peut aller jusqu'à 5 ou 6$, mais si on dépasse le 10$ taxes incluses, on va frapper un seuil psychologique qu'on ne devrait pas dépasser.



Prospéryne a dit…

@Gen, si on combine la part du diffuseur/distributeur l'imprimeur et le transport, on coupe environ 40% du prix de vente actuel du livre. On est encore loin du compte! Et les bas coûts du format poche viennent avec le fait que les éditeurs ont déjà fait une marge de profit avec le grand format. Je dis 10$ et c'est le prix (hors-taxe) qu'Amazon essaie d'imposer tout azimut. Quand on écoute les arguments des éditeurs, on se rend bien compte qu'un tel prix c'est pas mal foncer dans un mur qui va totalement remettre en question la façon de faire de la littérature aujourd'hui. Ça peut avoir du bon, ça peut avoir du mauvais, il est encore trop tôt pour le dire. Mais le paysage de l'édition va être bouleversé, ça c'est sûr.

Gen a dit…

Alire publie des trucs originaux à 15$ en format papier et 5$ en format électronique et j'ai pas entendu l'éditeur se plaindre que son modèle d'affaire était remis en question.

Mais je l'ai entendu se plaindre du pourcentage que réclamait le distributeur pour le format électronique...

Et oui, le paysage va être boulversé, on le sait depuis longtemps. Par contre, si tout le monde y met du sien, on va arriver à un modèle viable pour tous qui va éviter les situations d'horreur comme celle que Pat a vécu!

Prospéryne a dit…

@Gen, Àlire est l'un des rares éditeurs à avoir conçu sa structure d'affaire en fonction du numérique. Jean Pettigrew a eu du flair! Il fait signer ses auteurs pour le numérique depuis 1996... Donc, son exemple est l'un des éditeurs qui réussissent très bien parce qu'ils ont prévu le coup depuis longtemps. Ce qui n'est pas le cas de tout le monde...En fait, je crois que plusieurs des majors qui n'ont pas vu venir le numérique, ou qui ont fait de l'aveuglement volontaire, sont ceux qui vont le plus en souffrir. Le hic, c'est que ce sont souvent eux qui ont les plus vastes catalogues de littérature mondiale (je pense à Gallimard). Ouch!

Sébastien Chartrand a dit…

un des bons côtés du téléchargement (mais ce n'est pas du piratage, c'est légal, et bon...) : ces foutus éditeurs qui s'en fichaient plein les poches en publiant Molière, Shakespeare, les philosophes grecs et ainsi de suite... ne venez pas me faire croire que la descendance de Platon en profitait ! Et payer 35$ pour La République, c'est du sacré vol, même s'il y a un petit avant-propos inédit de trois pages... donc, avec le ebook gratuit (et de domaine public, bien sûr), voilà un abus de réglé...

Sébastien Chartrand a dit…

29 mai 2013...

Bon, personne ne me lira, mais par principe...

C'est arrivé. Je suis tombé sur du téléchargement illégal de mon roman.

Et j'assume ce que j'ai écrit en septembre "si un jour, quelqu'un pirate le epub d'un de mes livres et qu'il a acheté le roman papier, ça ne me dérangeras pas... mais attention: faut acheter papier, avant ! Sinon, c'est du vol !"

Donc, ceux qui ont téléchargé ce epub piraté (et ils sont nombreux, je suppose qu'il faut que je le vois comme un compliment) et qui possédaient déjà la version papier... je vous pardonne. Mais les autres, qu'ils aillent se faire voir.

(c'est quand même bon d'être confronté à ses convictions et de les garder...)