mardi 3 avril 2012

La joueuse de go de Shan Sa

La joueuse de go  Shan Sa  Folio  Gallimard  325 pages

Résumé:
Une ville de la Mandchourie, les années 1930, pendant l'occupation japonaise.  Une jeune fille, sur la place de la ville joue au go.  Elle y bât tous ses prétendants.  Elle ignore que son prochain adversaire est un Japonais, tout entier dévoué à l'impérialisme japonais, dur comme le fer et aussi douée qu'elle sur le damier.

Critique:
À l'origine, Shan Sa était une poétesse, ça transparaît dans le livre.  Même les passages en prose sont soigneusement travaillés et si on lit attentivement, on y trouve le rythme de la poésie: des quatrains d'alexandrins bien souvent.  Seulement, ils sont placés selon une mise en page normale, donc, on ne voit pas ce fait et qu'on se laisse porter par l'écriture absolument sublime de Shan Sa.  On en oublie que sa langue maternelle est le mandarin, et non le français, tellement c'est bien écrit.  Ce roman est un plaisir de lecture au niveau de l'écriture.  Chose rarissime pour moi, j'ai même aimé les passages en poésie pure, sans doute que l'ambiance générale du roman a aidé, je les lisais en me régalant de leurs mots!  Pour ce qui est du récit, l'alternance entre les points de vues de l'étudiante et du soldat japonais (on ignore leurs noms), donne un ton étrange au livre.  Ils jouent une partie de go l'un contre l'autre, mais ne se connaissent pas.  Ils apprennent à s'aimer sans un mot, sans un son, grâce au go.  Un jeu subtil, encore plus stratégique que notre jeu d'échec.  On sent bien la tension, la stratégie, la mise en oeuvre de celle-ci sur le damier entre les deux personnages qui entament un chassé-croisé.  Ils ne se rencontrent qu'à la moitié du livre, mais pour autant, on sent déjà leur rencontre au départ.  Ils sont aux antipodes l'un de l'autre et pourtant, ils ont en commun le go et la façon de penser qu'il crée.  Les événements se succéderont entre eux, mais entre leurs parties, ils ont tous les deux leurs vies.  Elle sera trahit par son amour, qui ne voulait d'elle que le sexe et se fera avorter clandestinement.  Lui, tout entier dévoué à l'idéologie impérialiste, en constatera les applications réelles et ce que cela cause.  On ne cache rien des exactions des japonais en Mandchourie, mais on montre que la vie presque normale était quand même possible.  La révolution, la même qui balaiera la Chine au grand complet quelque années plus tard à peine, montre déjà ses revers horribles.  J'ai adoré ce livre, mais la fin est d'une telle tristesse que j'ai posé le livre avec le coeur lourd, mais pas d'avoir fini une bonne histoire, non, j'aurais aimé une autre fin.  Comme si la vie ne pouvait que finir d'une façon tragique, ce avec quoi je suis en désaccord.

Ma note: 4.25/5

2 commentaires:

Dominique Blondeau a dit…

Il est rare que la littérature japonaise finisse bien! Tu en as un exemple avec l'auteure japonaise Aki Shimazaki, publiée chez Leméac/Actes Sud. Et c'est magistralement bien écrit...

Prospéryne a dit…

Les fins en littérature asiatique en général ne doivent pas être positive parce que j'ai fait la même observation que toi et cette auteure est chinoise, pas japonaise. Hum, pas drôle, je n'aime pas trop les happy end à l'excès, mais tout de même, j'aime pas trop les tragiques non plus!