lundi 13 mai 2013

Moi, j'aime pas ça quand ça n'existe pas!

Phrase entendue lors de mon premier boulot.  J'ai dix-huit ans et toute la naïveté qui va avec.  En lavant nos cabarets (ce en quoi consistait grosso modo 50% de mon boulot), j'avais eu le tort immense de parler à ma collègue de mon enthousiasme à l'idée de la sortie du tout nouveau Star Wars (l'épisode II).  Je me rappelle la moue de dégoût qu'avait fait ma collègue à l'idée de quelque chose qui se passe pas dans la vraie vie.  Et de déblatérer pendant un bon cinq minutes sur le fait qu'elle n'aimait pas les histoires qui ne se pouvaient pas.  Exit Star Wars donc.  Ce que je n'ai pas osé lui faire remarquer, c'est que Sex in the city, ce n'est pas non plus quelque chose qui arrive vraiment dans la vraie vie.

Il faut dire que tout ce qui touche l'imaginaire souffre d'une certaine forme d'ostracisme à géométrie extrêmement variable.  Je ne connais très peu de parents qui refusent de lire des contes de fées à leurs enfants sous prétexte que ce sont des histoires impossibles.  J'ai croisé plus de mamans inquiètes d'envoyer un autre message à leurs filles que d'être des princesses en attente d'un prince.  (Vérification faite, il y a peu d'histoire racontant la princesse qui sauve le prince.  Si un de mes amis auteur est en manque d'idées...)   Idem, aucun problème à ce que les animaux, les jouets ou encore les objets du quotidien parlent.  Pourtant, c'est pas vraiment quelque chose qui se peut dans la vraie vie.

D'autre part, bien des gens peu fans des littératures de l'imaginaire ou encore des genres de l'imaginaire tout court se pointent facilement au cinéma pour aller voir la dernière aventure de Capitaine America ou d'Iron Man...  Si vous ne les avez jamais vu dans la vraie vie, moi non plus!  C'est plutôt à mettre dans le registre des choses qui n'existent pas, mais aller dire ça à mon ancienne collègue, elle dirait que c'est pas pareil!  Ouin, je cherche encore la différence...

Et dans les autres cultures?  Aller chercher une tribut amazonienne qui ne pigent rien à l'Occident pour raconter une histoire et vous sortez définitivement une personne à courte vue de ses ornières.  Ou encore à la cours de l'empereur Charles Quint.  Ou dans le Japon médiévale.  Ou en plein coeur de l'Afrique noire d'avant la période coloniale.  Je pourrais encore ajouter des exemples.  Est-ce que ce sera considéré comme faisant partie de la vraie vie si la personne n'y a jamais été confrontée?  Permettez-moi d'en douter.

Le problème des littératures de l'imaginaire n'est absolument pas que ça ne se puisse pas dans la vraie vie.  Jamais, pas du tout.  Bien au contraire je dirais.  Le problème, c'est que ça pousse les gens à regarder plus loin que le bout de leur nez, à reconsidérer leur vision du monde.  À accepter que celui-ci ne soit pas tel qu'ils préfèrent le voir.  Sans blague, c'est toute une gymnastique de l'esprit que de prendre comme étant un élément réaliste d'une histoire qu'un type pas assez intelligent pour mettre ses sous-vêtements en-dessous de ses pantalons qui vole avec une cape rouge puisse être considéré comme l'homme le plus fort du monde!  Il faut accepter de mettre ses préjugés et ses certitudes de côtés pour appréhender le monde différemment.  Parce que ça puisse se passer dans la vraie vie ou non n'a aucune importance quand vient le temps de se faire raconter une bonne histoire.

Mais essayer de faire comprendre ça à une fille qui croit que Sex in the city est possible dans la vraie vie vous...

@+ Mariane

5 commentaires:

Gen a dit…

Lol! Ah, pour avoir connu beaucoup de filles qui pensaient que "Sex in the city" était la vraie vie, je comprends tellement ta douleur!

Sébastien Chartrand a dit…

Ah, la notion de "quand ça s'peut..." :P

Je citerai ici mes pitchounettes de consoeurs qui disent aimer Copulation Double car "c'est de la téléréalité, c'est comme la vraie vie..."

Ah oui ? C'est quand la dernière fois que vous avez croisé dans la *vraie vie* un groupe de gars et de filles cohabiter ensemble, faire des voyages autour du monde, s'éliminer l'un et l'autre ...?

Tant qu'à faire, j'aime mieux rester avec mes vaisseaux spatiaux et mes baguettes magiques. Là, au moins, l'imaginaire est pleinement assumé et non caché derrière l'hypocrite terme de "réalité"... :P

clodjee a dit…

Oui, bien sûr il y a toujours de ces “pitchounettes” qui ont une conception somme toute limitée (et fort naïve) de la réalité… Et c'est vrai que la télé-réalité contribue beaucoup à embrouiller la frontière entre réalité et fiction pour ces gens-là…

Ça me rappelle qu'au début de la télévision il y a eut souvent des cas (et cela internationalement puisqu'on a constaté ce phénomène non seulement en Amériques mais aussi à des places comme l'Iran ou le Japon) où, suite à un téléroman racontant l'histoire d'une famille qui tentait de se sortir de la grosse misère, le public envoyait des dons à la station de télé pour aider cette famille!

Aussi, une collègue des bibliothèques m'a un jour affirmé que les littératures de l'imaginaire (faisant spécifiquement référence à ce que publiait Alire, ces histoires qui - supposément - ne se peuvent pas) n'était pas de la VRAI littérature. Comme elle était connue pour être une poète, je suppose que, pour elle, la VRAI littérature ce sont les Classiques français.

Il faut se rendre à l'évidence que les auteurs et amateurs des littératures de l'imaginaire (ceux pour qui la vrai littérature est celle qui repousse et questionne sans cesse les frontières de la réalité) seront probablement toujours incompris par les “muggles” et “mundanes” de ce monde.

Sébastien Chartrand a dit…

@ Clodjee: je ne crois pas que nous serons "toujours" les incompris de ce monde... il y a beaucoup moins de condescendance pour les amateurs de SFF qu'il y en avait il y a 30 ans... mais, bien entendu, pour plusieurs êtres altiers la "vraie" littérature n'inclura jamais les genres de l'imaginaire. Souvenons-nous qu'on avait accusé Poe de ne pas faire de "vraie" littérature...

Et pour ceci: "suite à un téléroman racontant l'histoire d'une famille qui tentait de se sortir de la grosse misère, le public envoyait des dons à la station de télé"... je me souviens d'avoir lu un article où il était dit que la dame incarnant Donalda dans "Les belles histoires des pays d'en-haut" (son nom m'échappe) recevait régulièrement des vêtements, de l'argent et de la nourriture au studio...

Prospéryne a dit…

@Gen, merci de ta compréhension. Ceci, mon cerveau est pur de Sex in the city, ça doit être pour ça que je ne considère pas ça comme la vraie vie! :P

@Sébas, Copulation Double! POUAHAHAHA!

@Clodjee, peut-être qu'on sera toujours incompris, mais comme on se comprend bien entre nous, je dois avouer que ça ne me dérange pas trop! :) Au fait, bienvenue ici!