lundi 26 novembre 2012

Le fil subtil de l'émotion

Salut!

Quand les gens arrivent en librairie, souvent, ils me demandent un livre d'un auteur qu'ils connaissent, dont ils ont entendu parler par des amis ou des médias.  Rarement arrivent-ils en magasin en ayant aucune idée en tête.  Même ceux qui viennent simplement pour bouquiner vont d'abord aller vers les sections qu'ils connaissent.  Je vois souvent les gens fureter dans les colonnes mettant en vedette les nouveautés.  Selon les préférences des gens, ils guettent celle des nouveautés en policier, littérature étrangère ou encore québécoise.  D'autres filent directement vers la section littérature de l'imaginaire.  Dans tous les cas, ils se relient à d'autres lectures qu'ils ont fait.  Ils nouent d'autres lectures, d'autres livres à ceux qu'ils ont déjà lus.

En regardant les gens, je sais qu'ils cherchent à relier un livre avec une émotion, à un fil qu'ils connaissent.  On pourrait dire autrement qu'ils cherchent à refaire vibrer la même corde de violon qu'ils ont déjà fait vibrer avec bonheur.  C'est là que ça se complique: on ne peut pas retrouver deux fois la même émotion avec un livre et même si c'est proche, ce n'est pas la même chose exactement.  Alors quand vient le temps de leur proposer des trucs qu'ils n'ont jamais lu...

Je suis à la première ligne de front pour faire découvrir des auteurs et heureusement, j'ai une relation assez complice avec certains clients.  Ils me permettent de les faire sortir de leurs ornières, de changer leurs habitudes, d'aller voir dans le livre voisin si l'encre y est plus verte.  Dans ces cas-là, la personne qui nouent le fil de l'émotion avec une nouvelle lecture, c'est moi.  D'autres personnes ne jurent que par certains chroniqueurs télés ou de journaux.  Là, ce sont eux.  Les clients arrivent ensuite en magasin et prennent les livres recommandé par ce chroniqueur en priorité.  Ces livres-là ont une chance.  Mais les autres?

C'est ce que je trouve dommage et difficile à la fois.  De nouer le lien.  J'ai plusieurs amis auteurs et je sais à quel point ça peut être dur de faire découvrir son livre.  Il y a les Salons du livre, il y a le réseautage, les blogues, plein de choses, mais créer le petit fil qui amènera le lecteur vers un livre demande une chose en priorité: de la visibilité.  Et ça, ce n'est pas toujours facile ou évident.  C'est pour ça que tant de livres passent dans le beurre et que le pilonnage est aussi intense.  On manque de temps et de moyen pour tisser ce petit lien, aussi fin qu'un fil d'araignée entre les lecteurs et les livres.  C'est dommage, parce que c'est ce lien essentiel qui les fait découvrir.

@+ Mariane

6 commentaires:

Isabelle Lauzon a dit…

Beau billet... qui fait réfléchir... :)

Sébastien Chartrand a dit…

Dans le métier de libraire comme dans plusieurs autres (enseignement, notamment – d’ailleurs les deux professions se ressemblent) on dénote deux types de gens : ceux qui ne sont motivés que par la paie et ceux qui ont la vocation d’ouvrir les esprits. Le libraire de « vocation » est celui qui aura toujours à cœur d’élargir les horizons de son client. Ce type de libraire compte pour beaucoup dans la promotion des auteurs émergents et tous, que nous soyons écrivain ou lecteur, devons remercier ces passionnés.
Pour un lecteur, créer les liens avec un nouvel auteur est difficile. Et comme en amitié, il faut souvent quelqu’un pour présenter l’un à l’autre. C’est le rôle du libraire, du bibliothécaire, du professeur, certes… mais aussi du lecteur.
Vous aimez un livre, faites-le découvrir ! Si vous avez tripé sur un univers, pourquoi ne pas offrir le même voyage à un proche (ou même à un étranger… vous est-il arrivé de jaser littérature en pleine librairie avec un étranger ?)
Par exemple, j’étais très heureux de dire à la Grande Dame, lors du SLM, que je venais d’offrir mon douzième Tyranaël-1 à une personne appréciée…
Comme lecteur, nous avons tous la responsabilité de faire partager nos coups de cœur. Je pense que nous le devons bien à nos auteurs qui nous font passer de si beaux moments…

Anne-Marie Bouthillier a dit…

superbe billet!

Prospéryne a dit…

@Isabelle, il est d'ailleurs le fruit de mes propres réflexions. À savoir pourquoi parfois, c'est si dur de vendre certains livres et d'autres nons.

@Sébas, un rôle de passeur, ah ça oui. Ce rôle ne peut pas vraiment être fait aussi bien par Internet, car il manque la connaissance de la personne (le contact visuel fourni beaucoup d'informations, croyez-moi!) Et 12 Tyranaël???? Ah, je suis chanceuse, j'ai tiré un numéro chanceux moi! :P

@Anne-Marie, merci!

Sébastien Chartrand a dit…

@ Prospéryne: héhé, numéro chanceux en effet... mais toi, c'est différent, je ne t'amenais pas à découvrir, tu connaissais déjà la Grande Dame ;-)

Prospéryne a dit…

@Sébas, surtout qu'elle me l'a elle-même recommandé...