mardi 7 février 2012

La preuve d'Agota Kristof

La preuve  Agota Kristof  Points  187 pages

Résumé:
Claus est parti, il a franchi la frontière qui sépare désormais les jumeaux.  Seul, Lucas doit réapprendre à vivre.  Continuant sur la lancée que son frère et lui ont mis en place, il vivra une vie exempte d'émotions.  Une vie dure, sous un régime de fer dont il s'accommodera pourtant bien.  Avec autour de lui une pléthore de personnages étranges et pourtant plus réels que lui, il continuera son chemin, seul.

Critique:
Le changement de ton avec Le grand cahier est net dès le début: on passe d'un narrateur nous à un narrateur omniscient parlant à la troisième personne.  Lucas est donc mis en scène et non en train de parler.  Mais le caractère de celui-ci ne change pas.  Toujours la même absence d'émotions, toujours la même sensation de détachement par rapport au monde.  Il vit, mange, dort, mais ne se pose aucune question, il n'a aucune morale.  Rien du tout.  Autour de lui, on sent qu'avec la fin de la guerre se met en place le système tentaculaire soviétique, mais comme il n'a ni besoin, ni désir, il vit les choses avec détachement.  Ce n'est pas nommé, on ne sait d'ailleurs toujours pas où est situé cette histoire, mais tous les indices que donnent l'auteur tendent vers cela.  Son «amitié» avec le secrétaire du parti local le sauvera à quelques occasions, mais pour le reste, c'est un solitaire égoïste qui se fout royalement du monde.  Les autres gens, il les utilise, mais ne les aime pas, de la bibliothécaire au fermier voisin.  Il n'est pas nécessairement injuste, simplement, il regarde les gens selon ses propres besoins et non comme des êtres humains.  Il ne faisait pas la même chose avec sa grand-mère pourtant...  En tout cas, j'ai trouvé extrêmement étrange que personne, absolument personne ne fasse de commentaires sur l'absence de son frère.  Ça m'a pris un bout de temps avant de cesser de guetter le commentaire qui trahirait l'absence de la moitié de lui-même.  En dehors de Lucas, personne ne parle de Claus.  Et il ne s'attache à personne non plus, exception faite de Mathias, l'enfant difforme qu'il sauve de la noyade.  Mais cet amour est une possession, une possession terrible, qui étouffera l'enfant.  Il lui appartient, il le dit.  Mathias n'y survivra pas.  Pas plus que Yasmine, sa mère.  Son besoin de posséder ceux qu'il aime, aussi rare soit ces personnes l'empêchent de mettre une ligne claire entre l'amour et le contrôle.  J'ai trouvé la fin étrange, c'est difficile de faire la part des choses entre le rêve et les pensées des jumeaux.  Et texte final n'aide pas non plus à le savoir.  Étrange livre, peut-être encore plus que le premier.

Ma note: 4.25/5

4 commentaires:

ClaudeL a dit…

Je me souviens en effet que ces romans m'avaient beaucoup dérangée, mais c'est tout ce que j'ai retenu. Je les aurais quand même recommandés juste parce que c'est différent, unique, ne ressemble à aucun autre auteur.

Prospéryne a dit…

Il m'en reste un à lire de sa trilogie. C'est très personnel comme écriture et très dérangeant en effet. J'ai pris une pause entre le deux et le trois pour cette raison.

Jules a dit…

C'est une série que j'ai beaucoup aimé mais qui m'a profondément dérangée! Je me promets de la relire car j'ai eu l'impression d'en perdre des bouts! C'est très psychologique et je pense que je l'ai lu trop rapidement, c'est le genre de livre qu'il faut "absorber" pour bien en saisir l'essentiel...

Prospéryne a dit…

Absorber... J'aime bien le mot Jules, c'est très juste.