vendredi 27 juin 2014

On peut sortir la fille de la librairie...

... mais pas la librairie de la fille!

Hé oui, ça fait près d'un an maintenant que j'ai pris ma grande décision de quitter la librairie et d'entamer une carrière de représentante.  Durant cette année fort chargée, (parce qu'elle a aussi inclus un déménagement et un changement radical de milieu de vie!) je me suis rendue compte d'une chose: je suis toujours aussi passionnée par le milieu de la librairie.  Pas que je n'aime pas mon nouveau boulot, loin de là!  Encore qu'il me tient très proche de mes anciens amours...  C'est juste que la librairie, c'est un milieu unique, tellement vivant, tellement riche!

En décembre, j'ai fait la visite d'une librairie, alors en plein rush de Noël.  Afin de faire mon travail, j'avais passé au peigne fin les présentoirs.  Le travail de représentant est souvent à l'inverse du travail en librairie: le rush est en amont, avant que les livres arrivent sur les tablettes.  Donc, j'avais le temps de faire mon tour au grand complet, alors que les librairies avaient la broue dans le toupette.  Installée à côté du comptoir, j'attendais que le gérant se libère afin de lui poser une question, quand arrive une cliente.

-Je cherche un livre, mais je connais pas ni le titre, ni l'auteur.

(Classique quoi!)

-Pouvez-vous me donner un indice, lui demande la librairie.

-Oui, ça parle d'oranges et d'un prêtre.

En moi, s'est dressée quelque chose, quelque chose qui avant que mon cerveau ne puisse dire stop! a passé le chemin de mes lèvres:

-Le livre, c'est Des pêches pour Monsieur le Curé de Joanne Harris, il y en a sur le step en avant.

La libraire me regarde pendant un quart de seconde (d'où elle sort elle?), mais la cliente avait déjà lancé un OUI, C'EST ÇA! retentissant, qui m'a permis de retomber dans mes souliers de représentante.  Ce n'était pas un livre d'une maison d'édition que je représente après tout!  Mais ça a été plus fort que moi!

Trouver LE livre que le client cherche, regarder passer les nouveautés, les résonances dans les médias, la façon dont un livre fait vibrer les lecteurs...  On a moins ce contact en tant que représentante et ça me manque.  Je ne suis plus autant au courant des parutions, tellement que souvent, quand je vois les nouveautés sur les tablettes, je ne peux m'empêcher de lâcher: Ah, un nouveau (mettre ici un auteur X dont j'ai déjà lu un livre que j'ai adoré, ça veut dire, beaucoup de monde potentiel!)!  Par contre, parmi les livres que je distribue, j'ai fait un sacré bon nombre de superbes découvertes!  Rien n'est noir, rien n'est blanc.  Je ne regrette pas ma décision, même si certains aspects me manquent.

Le rythme soutenu des nouveautés déboulant sur les tablettes par exemple.  Le fait de trouver de petites perles également.  De voir passer toutes les nouveautés, d'être au courant de toutes les parutions.  Le contact avec les clients, leur passion, leur amour.  J'en retrouve une petite partie avec les libraires que je rencontre, mais ce n'est pas la même chose.  C'est un peu moins intense, parce qu'après tout, je les rencontre pour parler des nouveautés à venir, pas des nouveautés qui viennent de paraître!

Ce qui ne me manque pas?  Les clients grincheux, les commentaires disant que les commandes sont plus vite sur le web via l'empire au sourire en coin (grrr...) ou encore que les livres sont moins chers au Wal-Mart (re-grrr...).  Le fait de ne pas pouvoir répondre à la demande d'un client qui cherche un livre précis.  J'aime la route, j'aime le fait de rencontrer des libraires passionnés, de visiter les plus belles librairies aux trois coins de la province (je fais pas la Rive-Sud).  De connaître par coeur les tours et les détours des autoroutes du Québec, de pouvoir répondre précisément si on me demande un livre sur tel sujet scientifique pointu (l'avantage de distribuer une maison d'édition de science!).  J'aime beaucoup mon nouveau boulot!

Mais je garderais toujours une pointe de coeur pour la librairie et les libraires sur le plancher!

@+ Mariane

4 commentaires:

Gen a dit…

Lolol! Je t'imagine tellement en train de conseiller la cliente et de la diriger vers le bon présentoir! Hihihihi! Je t'ai déjà vu faire quelque chose du genre dans un salon du livre! ;) T'es adorablement passionnée par les bouquins! :)

Prospéryne a dit…

Le pire, c'est que c'est vraiment pas contrôlé... Enfin, j'arrive à me contrôler la plupart du temps, mais pas toujours! ;)

Venise a dit…

C'était vraiment une très grosse décision. J'imagine qu'après un an, tu as encore plus de recul pour la soupeser. Tu as des réflexes de libraire dis-tu, moi j'ai le réflexe de dire : Mon doux que je préfèrais libraire à représentante. J'aime la candeur, la spontanéité, la passion à l'état brut, la maladresse, l'improvisation du client. J'aime tout ce qui n'est pas parfaitement sous contrôle. Je suis une femme dépeignée, et pas seulement quand j'ai la tête sur l'oreiller. Tu goûtes aux deux univers, tu ajoutes des poids sur un côté de la balance et dans l'autre, j'imagine qu'on ne pèse pas le pour et le contre une seule et définitive fois. Tant qu'on est vivant, on se pèse !

Merci d'avoir partagé ce pan de vie, lequel m'intriguait.

Prospéryne a dit…

Même si le public est parfois chiant, j'avoue que ça me manque aussi. Il se dégage une énergie des relations clients-libraires qui est difficile à oublier... Dans mon travail de représentante, j'ai moins la satisfaction de voir un client passer la porte avec un livre que j'ai adoré. Ça me manque. Par contre, je dois avouer que je ne suis sans doute pas une représentante modèle... J'ai un petit côté échevelé qui reste et qui je crois ne me quittera jamais! Sans doute parce que je connais les aléas de la vie de libraire pour les avoir connu, je comprends les deux côtés de la médaille. Je continue à contribuer de mon côté par mon travail et via mon blogue.

En tout cas, heureuse d'avoir répondu à tes interrogations! ;)