mardi 28 mai 2013

Thérèse Casgrain la gauchiste en collier de perle de Nicolle Forget

Thérèse Casgrain La gauchiste en collier de perles  Nicolle Forget  Fides  552 pages


Résumé:
Née littéralement une cuillère d'argent dans la bouche, Marie-Thérèse Forget, fille d'un requin de la finance du début du siècle, aurait pourtant eu une voie toute tracée pour vivre dans le luxe, se contenter de mondanités et faire uniquement ce qu'on attendait d'elle.  Au lieu de ça, elle aura été de toutes les luttes pour les droits humains, prenant bien souvent en charge des causes très éloignées d'elle avec passion.  De la lutte pour le droit de vote des femmes à celle pour les droits des amérindiennes, elle aura été de tous les combats, collier de perles au coup et chapeau sur la tête.

Mon avis:
Ouf, il y a beaucoup de choses à dire sur ce livre!  Première des choses, on ne s'y embarque pas comme pour une lecture tranquille, même si comme tel, le livre se lit avec facilité: c'est que Thérèse (l'auteure l'appelle ainsi familièrement tout au long du livre) a été impliquée dans tellement de causes que l'on est estomaqué devant une vie aussi dense.  Que d'engagements, de luttes, de discours, de voyages, de tribunes, mais aussi de revers, de déceptions!  Quelle vie! La simple énumération de toutes les combats de Thérèse prendrait au bas mots quatre pages!  Mais le problème réside justement là.  Autant l'auteure nous montre la richesse de ses recherches, des innombrables archives qu'elle a consultée et du travail colossal qu'elle a abattu en nous faisant découvrir tous les engagements de Thérèse Casgrain, mais autant est presque absent de ce la question de base auquel doit répondre toute biographie: qui est Thérèse Casgrain?  Aucune idée.  Je sais ce qu'elle a fait, mais pas qui elle était.  Et c'est une très très grosse lacune.  Pourquoi s'est-elle engagée, au début des années 1920 dans la longue lutte pour le droit de vote des femmes?  Une vague idée, quelques pistes, mais pas de réponses.  Pourquoi cet engagement sans fin envers les plus pauvres, les démunis, les sans-droits de la société?  Là encore, on ne sait pas.  Et c'est terriblement frustrant.  L'auteure elle-même avoue ne pas le savoir (ce qui est en quelque sorte encore plus frustrant!)  Autant on ne sait pas d'où lui venait l'inspiration pour agir dans cette direction, autant on sait qui a été la personne qui l'a lu plus inspirée dans le combat, soit son père, Sir Rodolphe Forget, un magnat de la finance du tournant du XXe siècle qui lui a montré comment on fait pour faire avancer ses causes.  Thérèse avait beau être une fille, elle a appris en observant le comportement de cet homme qui était un véritable requin dans son domaine, mais qui savait rendre une partie des immenses revenus qu'il tirait de ses affaires pour le bien public.  Elle a recyclé le tout dans un domaine tout à fait inverse: au lieu d'essayer d'accroître ses revenus, elle a essayé de défendre les droits de tous.  Dans le portrait qu'elle en dresse, l'auteure en fait d'ailleurs une constante: Thérèse était une femme qui défendait les droits de chaque être humain, ce qui n'en faisait pas pour autant une défendeuse des paresseux, au contraire!  Elle était d'avis que les droits amènent des devoirs et elle les a tous accomplis. On comprend la logique de l'engagement, mais la femme, la personne derrière l'image publique?  Qui était-elle, qu'est-ce qui la motivait à agir?  Ou encore, sans doute plus simple à répondre comme question, comment a réagi son mari face à tous ses engagements?  Ils ont été ensemble pendant près de  35 ans, il a sûrement eu son mot à dire sur les luttes de celle-ci, non?  À peine quelques mots disant que le travail de sa femme le dérangeait car juge, il avait un devoir de réserve.  Ses enfants?  Comment s'est-elle débrouillée avec eux jeunes?  Quelle mère a-t-elle été?  Une vague idée, mais il est clair qu'elle n'a pas été une femme d'intérieur!  Cela peut paraître voyeur de vouloir savoir ces détails, mais ceux-ci nous permettent de comprendre la personne, au-delà de l'image que les médias peuvent en faire.  En fait, de la personne, de la femme, en-dehors de sa vie publique, on sait peu de choses, et le peu qu'on en sait porte sur la fin de sa vie avant tout, la période du grand âge, d'où viennent beaucoup de témoignages, alors qu'il y en a peu portant sur les soixante premières années de sa vie côté personnel.  On découvre par contre que Thérèse n'était pas une femme qui avait peur des débats d'idées: sa table étaient ouvertes aux idées et aux débats et ce, de tous les côtés.  L'auteure met l'accent sur son caractère difficile, voire épouvantable par moment!  Elle le disait elle-même, elle pouvait être fatiguante quand elle le voulait!  Quand elle avait une idée, elle n'en démordait pas.  Au point de rendre la situation difficile pour ceux qui l'entouraient.  N'empêche, à travers la personne de Thérèse, cette biographie a le très grand intérêt de nous faire traverser le XXe siècle du côté des défenseurs des droits humains, autant au Québec qu'à l'international.  À travers cette femme, on en apprend des choses!  On comprend également combien fragiles sont ces droits, toujours menacés, alors qu'ils ont demandés tant de luttes.  L'auteure a réussi un petit tour de force en écrivant une biographie où l'on ne s'emmêle pas parmi les innombrables compagnons de luttes de Thérèse et en gardant le point de vue près de ses actions, en permettant de suivre une ligne logique simple.  Par contre, je devais souvent relire certaines phrases deux ou trois fois avant de les comprendre, les conjonctions de coordination étaient parfois mal utilisées (pour que je le remarque, c'est que ce n'était pas anecdotique).  Et l'auteure avait un certain vocabulaire familier à de nombreuses occasions qui détonnait dans l'ensemble... Bon, de petits défauts, mais qui n'enlève rien à l'intérêt de cette biographie, puisqu'elles sont davantage dans la forme que dans le fond. Dernière chose: je déteste l'image que la maison d'édition a choisi comme couverture.  On dirait une starlette éthérée du cinéma des années 1930.  Thérèse Casgrain est tout à l'opposé de cela.  Ce n'est pas lui rendre hommage que de mettre une telle photo sur la couverture de sa biographie.

Ma note: 4/5

Je remercie les éditions Fides et plus particulièrement (et chaleureusement!) David pour ce service de presse.

4 commentaires:

Sébastien Chartrand a dit…

Excellente et très intéressante critique... et un titre de plus sur ma LAL !

Prospéryne a dit…

@Sébas, tu fais gonfler ma PAL, je fais gonfler ta LAL! :P

Sébastien Chartrand a dit…

Si je fais gonfler ta PAL c'est parce que, quand tu reçois un nouveau livre, t'as l'air d'une p'tite fille devant le cadeau de Noël qu'elle avait demandé... ;-)

Prospéryne a dit…

Moi? Pas du tout voyons! :P