mercredi 29 février 2012

Raconter nos héros

Salut!

En lisant l'excellente série de BD Radisson de Jean-Sébastien Bérubé, je me suis sincèrement demandée pourquoi je n'avais jamais entendu parler de ce type avant.  Pourtant, j'ai suivi des cours d'histoire, ah ça oui, du secondaire à l'université, j'ai mis les pieds plus souvent qu'à mon tour dans les salles de classe pour entendre parler du passer.  Je peux vous parler en détail du système seigneurial français et vous expliquer tout aussi en détail les causes et les conséquences de l'AANB en 1867, mais je suis pas foutue de vous donner le nom de trois coureurs des bois célèbres (la série Radisson m'a permis de connaître Radisson et des Groseillers, c'est pourquoi je dis trois).  Ou d'un seul foutu jésuites qui a essayé d'évangéliser les amérindiens.  Et à part Frontenac, Vaudreuil et Jean Talon, je ne connais pas non plus beaucoup de gouverneurs ou d'intendants.  Quand on passe sous le régime anglais, c'est encore pire.  J'ai fait de l'histoire pendant des années, mais les gens qui ont fait l'histoire de mon pays, je ne les connais pas.  Ou si peu.

Pourtant, il y a là un terreau riche à souhait!  Prenez les aventures de Radisson, quelle vie bourrée d'aventures!  Louis Hébert et Marie Rollet, on les a déjà vu dans un roman eux?  Champlain?  Jean Talon?  Louis-Hippolyte Lafontaine?  Prenez Georges-Étienne Cartier et regardez ce qu'en a fait Micheline Lachance! J'adore ses romans pour cette raison: elle nous fait découvrir des pans entiers de notre histoire à travers des personnages que l'on gagne à connaître.  Ces gens-là ont construit notre pays.  Ils n'ont pas toujours été droits, ils ont parfois été rebelles, tricheurs, menteurs, voleurs, ils ont échoués, ils ont parfois fini dans la pauvreté, mais sans eux, nous ne serions pas ce que nous sommes. 

J'ai déjà entendu dire qu'au Québec, on admirait les beautifuls losers, les magnifiques perdants.  Si on prend cette idée dans le sens que l'on ne veut pas parler de perdants, je peux comprendre.  Mais j'ai pas toujours l'impression que ce sont réellement des perdants.  Parce que René Lévesque n'a pas su faire l'indépendance, il est regardé comme un perdant.  C'est oublier tout ce qu'il nous a apporté en tant que chef du gouvernement du Québec.  Et c'est regarder sa vie à travers le prisme d'un seul échec.  Chevalier de Lorimier a été pendu.  C'est oublié qu'il a été l'un des chefs d'un des plus large et des plus puissant mouvement de contestation de notre histoire.  Et que c'est en partie grâce à ce mouvement que l'on a pu garder notre langue et notre culture.  Radisson est mort dans la pauvreté, soit, mais il a de son vivant accompli de nombreux exploits.  Si on regarde la fin de nombreux autres héros nationaux, on ne peut pas dire que ce soit mieux.  On doit regarder les actes accomplis et non la réussite de l'objectif, car, comme j'ai déjà entendu dire, les rêves sont souvent rebelle.

C'est vrai quoi!  Aux États-Unis, ils parlent facilement de leurs grands héros (peut-être même un peu trop!), autant que des gens ordinaires, des gens du quotidien.  Et pourtant, ici, on se concentre plus facilement sur la petite histoire de la grande.  Je n'ai rien contre l'histoire des gens ordinaires, mais sans tomber dans la grandiloquence prônée à une époque par l'Église qui avait soif de modèles à proposer à ses ouailles, on pourrait parler un peu plus des gens marquants de notre histoire, entre autre de l'époque de la Nouvelle-France.  Mettre des visages et des noms sur notre histoire pour mieux la faire comprendre et la perpétuer.  Par contre, lâchez un peu les Patriotes, on dirait que tout le monde ne veut parler que de ça ces temps-ci...

@+ Prospéryne

4 commentaires:

Gen a dit…

Je suis parfaitement d'accord avec toi : il y aurait matière à faire des cours super intéressants en les centrant autour de figures importantes de notre histoire, puis en remettant ces gens dans leur contexte.

D'ailleurs, c'est ainsi que nos grands-parents apprenaient l'histoire.

Malheureusement, enseigner l'histoire de cette façon, ça veut dire placer un personnage sympathique (français ou anglais) en conflit avec l'autre "peuple fondateur" du pays. Ça a aussi tendance à ramener à échelle humaine les conséquences des différents traités. Or, savoir que le Serment du Test a complètement ruiné la vie d'un tel (parce qu'en ne le prêtant pas il perdait sa job, mais en le prêtant il devenait un paria dans son village) ça le rend beaucoup plus grave que lorsqu'on apprend simplement que "ça obligeait les gens à renoncer au catholicisme".

Bref, à ce que j'ai compris de mes discussions avec des profs d'histoire, cette approche de l'enseignement a été abandonnée parce qu'elle exacerbait les passions (indépendantistes).

Cela dit, les écrivains n'ayant pas à répondre de leurs actes devant les pédagogues gouvernementaux, oui, ils devraient piger davantage dans notre passé. Ils y trouveraient de la matière à faire des romans passionnants... j'ai des projets du genre sous le coude, d'ailleurs! ;)

Prospéryne a dit…

@Gen, ouais, je n'y avais pas pensé dans le contexte de cours d'histoire. Au secondaire, bien d'accord, ça n'a pas sa place, pour les raisons que tu cites. Mais à l'université? Pourquoi j'ai pas entendu parler de Radisson dans mes cours d'intro à l'histoire du Canada avant 1867? Je suis déçue là. En tout cas, on va peut-être combler cette brèche avec toi! :D

Gen a dit…

Ben techniquement, à l'université, si tu veux en savoir plus sur Radisson, t'es supposée être capable d'aller fouiller toute seule. L'enseignement à travers les grands personnages serait, tant qu'à moi, bien plus adapté au primaire et au secondaire. Beaucoup plus intéressant pour eux. Et j'pense qu'en se forçant à trouver des héros "anglais", on pourrait contourner les problèmes que j'évoquais. Mais bon...

À l'université, ils sont trop occupés à nous emmerder avec les écoles d'interprétation et les théories économiques sous-tendant le commerce du triangle. :p

Prospéryne a dit…

Gen, j'en aie même pas entendu parler, c'est bien là le problème! Parce qu'effectivement, après, j'aurais fouiné par moi-même. Et heureusement ou malheureusement, je sais pas trop, je n'ai pas trop goûté à la médecine des écoles d'interprétation, dans le cadre de mon bac, on avait pratiquement que des cours d'intro...