vendredi 25 avril 2014

Question de fond

Salut!

Quand on parle de fond en librairie, on parle des livres que vous pourrez trouver sur les tablettes semaine après semaine.  Des classiques en bonne partie.  Que serait une librairie si on ne pouvait y trouver Les trois mousquetaires ou 20 000 lieues sous les mers?  Le fond, c'est ce qui fait la marque d'une librairie.  C'est tout un art à gérer.

Parce que le fond, ce sont des livres avec lequel on vit tout le temps.  Sur les nouveautés, appelés offices dans le milieu, il y a des droits de retour au distributeur.  Pas sur le fond, qui est la plupart du temps commandé sans droit de retour.  Alors le libraire a avantage à choisir sagement les livres qu'il va garder en magasin.  Des livres qu'il va vendre avant tout.  C'est pourquoi le fond est constitué en partie de classiques, de tous les horizons.  Du québécois certes (Bonheur d'occasion, Le Survenant), mais aussi des auteurs français (Dumas, Verne, Duras, Daudet, Proust et cie) et mondial (Homère, Poe, Hemingway, Austen, Cervantes, Kafka Goethe... Alouette!).  Et ici, je parle surtout des formats poches!

  Quel livre devrait-on tenir de façon permanente?  Souvent des auteurs qui ont déjà publié et qui publient encore.  La plupart des librairies tiennent beaucoup plus que le dernier Michel Tremblay par exemple.  Ou encore les séries en cours, dont on garde au moins un exemplaire des premiers tomes.  Que ce soit pour les auteurs québécois ou étrangers, dans tous les domaines de la fiction, du polar au fantasy.  Tiens par exemple, garder en rayon les trois tomes du Seigneur des anneaux semble aller de soi, mais doit-on aussi garder un exemplaire du Silmarion  ou des Contes et légendes inachevés?  Ça vous donne une idée du genre de question qu'un libraire doit se poser.

Et ça ne s'arrête pas là.  Du théâtre?  Oui, pourquoi pas!  De la poésie, mais que choisir?  Dans la bande dessinée, quels auteurs doit-on privilégié?  De la BD classique?  Ok, Tintin et Astérix sont des incontournables, mais pour les autres?  Quels sont les classiques de la BD?  Des livres de cuisine?  Des livres de psychologie?  Des romans jeunesses?  Des albums?  Ouf!  Plus on va dans le détail, plus on a de questions.  Une partie de la réponse est assurée par les ventes: si on vend un livre ou un auteur régulièrement, on aura davantage tendance à le recommander plus souvent.  Le reste, c'est le choix du libraire.  Mine de rien, c'est un choix très important.

Quand vous passez la porte d'une librairie, en-dehors des étalages de nouveautés et des titres les plus évidents, le fond d'une librairie est le reflet des personnes qui y travaillent et qui la fréquentent.  Les libraires teinteront le choix des livres en magasin par leurs goûts, leurs influences et ce qu'ils veulent présenter au public.  C'est ce qui fait l'âme d'une librairie, qui fait que toutes les librairies sont uniques.  Car si on pense souvent à une librairie comme étant tenue par une seule personne, c'est bien plus souvent qu'autrement un travail d'équipe qui se fait entre les tablettes.  Une libraire enrichira ainsi le fond de science-fiction, une autre celui des romans jeunesses, une autre préférera les livres sur la maternité et ainsi de suite.

D'autre part, une librairie n'est pas un magasin planté là dans le décor sans états d'âmes.  Il est aussi le reflet de la communauté qu'il dessert.  Si les clients qui fréquentent la librairie ont une fibre profondément développée en ce qui concerne la botanique, la librairie offrira forcément un choix plus important dans le domaine.  En fait, ce phénomène n'est pas à sens unique.  C'est un échange.  Des clients fréquenteront la librairie et développeront une bonne affinité avec un libraire, achèteront plus de livres dans un domaine, ce qui encouragera le libraire à augmenter cette section, et ainsi de suite.  Les sections et les choix varieront toujours au fil du temps et des modes, mais les mieux ancrés seront celles pour laquelle une clientèle est bien établie.

Si anodine que ça la question du fond en librairie?  Pas du tout, mais ce n'est pas un point que le grand public saisit comme tel.  C'est un détail dont les gens sont souvent conscients en parcourant des yeux les tablettes, mais sans pouvoir mettre le doigt sur ce que recouvre cette réalité.

@+ Mariane

6 commentaires:

myr_heille a dit…

Intéressant! J'avais pas réalisé les choix que ça représentait.

Prospéryne a dit…

Le fond est ce qui donne sa couleur à une librairie, mais il faut aussi savoir choisir sagement. C'est ce qui fait qu'aucune librairie n'est pareille à une autre. :)

Gen a dit…

Coudonc, est-ce que les grandes chaînes fonctionnent de la même façon? Parce que je me souviens avoir cherché en vain Dracula de Bram Stoker dans un Renaud Bray. Je l'avais finalement trouvé chez Alire, à Longueuil, qui eux ont clairement un fond de SFFF développé. :)

Prospéryne a dit…

Ouf! Question large Geneviève! Les libraires des chaînes ont beaucoup moins de marge de manoeuvre, les achats étant centralisés. Ceci dit, oui, elles ont un fond, mais il sera souvent plus généraliste et sauf exception, on y trouvera moins de fonds plus spécialisé. Par contre, dans les nouveautés, ils auront un stock plus large, parce qu'ils souhaitent attirer la clientèle à l'affût de nouveautés. Pour le reste, il y a la commande., comme partout :)

Josée a dit…

Il y a aussi d'autres stratégies: la mise en place et le dépôt. Ce type de livre est retournable, mais le libraire doit faire une sélection et trouver un arrangement avec le distributeur/représentant. Les distributeurs sont de moins en moins chauds pour les dépôts, qui ne sont pas toujours bien gérés. Et il y a des collections qui sont retournables en tout temps.

Personnellement, je préfère la chaîne du livre en anglais, où le droit de retour est toujours d'un an, sur la date d'achat, et non d'un an sur la date de sortie du livre.

Le libraire a clairement une forte influence sur le fond, mais il n'est pas facile de discerner ses propres intérêts et ceux de ses clients, qui ne convergent pas toujours. En même temps, on peut développer l'expertise de sa librairie sur le sujet qui nous attire, et aller chercher des gens plus loin.

Prospéryne a dit…

La mise en place et le dépôt feront l'objet de d'autres billets Josée ;) C'est une autre facette de la gestion des stocks en librairie. Quoique tu as raison, les distributeurs sont de moins en moins chaud avec les dépôts. Reste qu'une librairie peut difficilement fonctionner sans un fond minimum, surtout les librairies agrées.

Dans mon expérience, dans la chaîne francophone, la date de retour des livres est faite en fonction de la date de facturation et dure un an sur les offices (nouveautés). Les MEP ont des dates de retour variables, selon les besoins.

Quand à la question de l'influence du fond entre les libraires et les clients, c'est un peu comme un tango: ça se danse à deux. Les deux ont de l'influence. Quand j'étais en librairie, la section SFF a sérieusement augmenté: j'attirerais une clientèle dans ce domaine. Même chose avec la collègue qui m'a précédé qui avait doublée l'importance de la section voyage. Ça a diminué ensuite. Et durant le temps que j'ai été en librairie, plusieurs sections ont ainsi augmenté ou diminuer, dépendant de la demande. Pendant la dernière année par exemple, la section sur la littérature érotique avait quintuplée à cause de l'effet Fifty Shades -_-