lundi 24 février 2014

Le feu...

Salut!

À une époque, la majorité des gens étaient analphabètes.  Les paysans pour la plupart n'avaient qu'une vague idée de ce que pouvait être l'idée de lire.  Par contre, ils savaient ce qu'était un livre.  Pour une triste raison: c'est là que l'on cumulait leurs dettes.  Et pour quelqu'un qui ne sait pas lire, quel est la différence entre un livre et un autre?  Lors des soulèvements populaires, les bibliothèques ont souvent fait des frais de cette ignorance.  Comme ils ignoraient quel livre étaient celui rappelant leurs dettes, les paysans mettaient le feu à la bibliothèque.  D'innombrables ouvrages ont ainsi été perdus.  Sans parler des incendies ordinaires!  Le livre, fait de papier, brûle très bien, malheureusement.  L'histoire est remplie de feux dévorant du papier.

Au secondaire, je me rappelle très bien que devant l'interrogation d'une élève, ma professeur d'histoire avait répondu que les documents permettant de répondre à sa question avaient été brûlés durant la Révolution Française.
-Ben voyons! avait rétorqué l'élève avec une verve toute adolescente, me semble que tu regardes avant de brûler quelque chose!
-Les révolutionnaires mettaient carrément le feu aux maison tu sais.
Et vlan!  Le feu, destructeur, a ainsi perdu d'innombrables documents.  Beaucoup de généalogistes se heurtent à cet obstacle: les archives de telle église ou telle paroisse ont disparus dans un incendie.  Impossible de poursuivre les recherches au-delà de cette date.  De grands pans de l'histoire sont ainsi réduits à l'oubli plus ou moins complet.

Quand ce n'est pas à la connaissance, c'est à l'imaginaire que l'on s'attaque en brûlant des livres.  Malheureusement, cela a souvent été le cas de façon volontaire.  L'Inquisition espagnole l'a fait et a même donné le nom à cette pratique: l'autodafé.  Phénomène porté au maximum par la machine de propagande nazie qui a brûlé des montagnes de livres, d'auteurs juifs, communistes, ou tout simplement qui écrivait des oeuvres contraires à leur doctrine.  Les autodafés du 10 mai 1933 sont restés célèbres.  On possède encore des photographies de ces montagnes de livres enflammés derrière lequel se tiennent des SS faisant le salut hitlérien.  L'auteur Stefan Zweig, auteur autrichien de confession juive, fut durement éprouvé par la destruction physique de son oeuvre.  Comme bien d'autres.  Ce qui rend d'autant plus émouvante la scène de La voleuse de livres où la petite Liesel réussit à s'emparer d'un livre à demi-brûlé.  Lecture condamné par le régime parce qu'écrit par un auteur qui était né dans la mauvaise foi, mais qui pourtant, le remarquera la jeune fille, n'avait rien de condamnable en soi.

Le feu est une crainte récurrente de ceux qui aiment les livres.  Parce que de voir sa bibliothèque réduite en cendre est une crainte affreuse.  Je me rappelle les larmes d'un étudiant en littérature fouillant dans les cendres de sa bibliothèque dans un reportage sur un incendie.  Au-delà des histoires perdues, au-delà des livres qu'il ne retrouverait jamais, cet étudiant pleurait en quelque sorte ses amis.  Une bibliothèque, c'est une chaleur dans une pièce, c'est une présence.  La perdre dans les flammes, c'est perdre une partie de soi.  Cet homme avait perdu son foyer, mais c'est sur ses livres qu'il pleurait.  Amant de la littérature, il savait qu'une part de lui-même étaient dans ces cendres.

Le feu...  Il nous fascine, il nous enchante, nous réchauffe et nous protège depuis des temps immémoriaux.  Son pouvoir destructeur nous a toujours autant fasciné.  Quel dommage que les livres lui soient aussi sensibles.  On voudrait parfois qu'ils fussent en pierre pour ne pas être aussi facile à détruire.

@+ Mariane

P.S.  Pour ceux qui voudraient pousser le sujet, un excellent livre est disponible chez Folio: Livres en feu de Lucien Xavier Polastron.  Pas lu encore, mais dans ma LAL...

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