Salut!
Récemment, ma mère s'est lancée dans une opération de grand ménage dans ses paperasses. Au travers de vieilles photos, elle a retrouvé une lettre écrite par ma grand-mère. Il y a parfois de drôles de hasard dans la vie, car c'est une lettre qu'elle a mise à la poste le jour de sa mort. Elle écrivait à mon oncle qui vivait à ce moment-là aux États-Unis. La lettre parlait de l'état de santé de mon grand-père, qui l'inquiétait beaucoup, d'un autre de mes oncles qui était venu repeindre chez eux avec mes cousins. Elle parle aussi de la visite de sa fille, ma mère, qui était venue faire un petit tour quelques jours avant. Ma grand-mère parle de sa visite comme étant «Christiane et sa famille sont venus dîner». J'étais donc là, ce jour-là, même si je ne m'en rappelle pas.
J'ai lu cette lettre très récemment. Je n'ai que très peu connu ma grand-mère, elle est morte lorsque j'avais à peine deux ans et demi. En lisant cette lettre par contre, je me suis rendue compte à quel point, l'image que j'en avais était figée dans le temps. J'y découvrais une maman préoccupée par ses oisillons, même loin du nid. Elle voyait l'état de santé de mon grand-père se dégrader et on comprend que même si elle ne le dit pas explicitement, ça l'inquiétait. Elle raconte qu'elle cachait les chocolats parce que ça lui causait des problèmes de digestion! Sous mes yeux est apparu une toute autre personne que celle que je connaissais par ma mère. Tout ça grâce à une simple lettre de trois pages. Même regarder son écriture m'a appris quelque chose. Ma grand-mère souffrait d'une grave myopie qui a joué sur la façon dont elle écrivait: les lignes de sa lettre était loin d'être droites, même si l'écriture était nettement lisible.
Autrefois, les gens s'écrivaient des lettres. Il y a des recueils et des recueils de correspondances pour le prouver. Que ce soit des lettres de nobles, d'intellectuels, d'écrivains, de journalistes, les gens, riches, pauvres, écrivaient. C'était un moyen de communication, le seul parfois, avant que le téléphone n'existe et que l'internet ne rejoigne tout le monde. Seulement, une lettre, ce n'est pas un simple document. Première des choses, ce n'est que très rarement conçu pour être lu par une autre personne que celle auquel c'est adressé. Les gens s'y livrent plus facilement, parce qu'ils parlent à une personne connue et souvent à une personne aimée. Ils parlent de sujets personnels, voire intimes. Par lettre, on se disputait, on se réconciliait, on se faisait de grandes annonces, de grands aveux ou on jasait du quotidien. On gardait le lien, la communication. On se parlait.
Lire la correspondance entre deux personnes, c'est entrer dans leur intimité, dans leur communication, dans leur vie. Quelque soit les personnes impliquées, nous avons un accès privilégié à leurs vies. Que ce soit les lettres entre Gérald Godin et Pauline Julien, les lettres entre Albert Einstein et Max Born, les lettres entre Winston et Clementine Churchill, ou la volumineuse correspondance de Voltaire (13 volumes en Pléiade...) toutes nous donnent un autre regard sur les personnes qui écrivent. Quand on pense à ce que l'on a appris avec sur le Frère Marie-Victorin grâce à ses fameuses Lettres biologiques, on peut se dire que ce sont aussi de formidables moyens de connaître une personne sous un autre angle! Mais même les anonymes peuvent, par leurs lettres nous apprendre beaucoup de choses. Les historiens peuvent vous le confirmer: les lettres sont une merveilleuse source d'information. Lire les lettres des soldats de la Première Guerre mondiale c'est avoir un tout autre regard sur cette guerre que celui des livres d'histoire.
Mais aujourd'hui, écrit-on? Qui prend la peine de s'asseoir avec papier et crayons pour écrire à une autre personne? Cet art de la correspondance se perd. Non pas qu'on ne communique plus, bien au contraire! Mais les conversations téléphoniques ne laissent pas de traces. Il y a les courriels certes, mais je ne me souviens plus de la dernière fois où j'ai écrit un courriel suffisamment long pour que ce soit digne de mention. Quand aux textos... Hum, vaut mieux ne pas en parler!
Quand j'étais au primaire, cet art de la lettre existait encore. Mes amies et moi, nous collectionnons le papier à lettre, celui qui empestait le parfum et venait avec les enveloppes assorties. Je les gardais pour les grandes occasions! Résultat, il m'en reste encore aujourd'hui (rassurez-vous, les feuilles ne sentent plus rien depuis des années). On avait des correspondant, on leur écrivait et on guettait la poste pour la réponse. On écrivait aussi au Père Noël! Tout le monde connaissait son adresse: Père Noël, Pôle Nord, H0H 0H0. Je ne sais même pas si Neveu a jamais écrit une lettre de ce genre...
C'est étrange qu'en moins d'une génération, cet art se soit perdu. La technologie y est certes pour beaucoup, mais sûrement pas que. Il faut du temps pour correspondre, se poser, penser à ce que l'on va dire. La rapidité des communications de nos jours nous décourage de prendre autant de temps pour un acte aussi simple. Il y a tant d'autres façons de se parler de nos jours... Cela causera des maux de tête aux biographes de demain, mais ça c'est sans doute un détail. Je ne m'imagine pas vraiment relire mes messages instantanés sur le Catalogue de visages et sincèrement, je ne pense pas qu'on pourrait en tirer tant de matière que ça!
Je regarde la lettre de ma grand-mère. C'est un témoignage de sa vie, un moment qu'elle a écrit, avec les outils dont elle disposait à son époque. Elle ne comprendrait peut-être rien aux émoticônes, aux textos et au langage d'abréviations dont j'inonde mes communications numériques. Mais moi, je peux comprendre sa lettre. Et c'est d'autant plus précieux.
Merci Grand-Maman, de l'avoir écrite.
XXX
Mariane
4 commentaires:
J'ai parfois une nostalgie des lettres papiers moi aussi... puis je pense au tant que ça prend parfois avant qu'une enveloppe se rende à destination (surtout quand elle contient un chèque et qu'on l'attend! lol!) et... bah finalement j'aime beaucoup le courriel.
Cela dit, j'ai plusieurs correspondants avec qui j'échange des courriels-fleuves. Isa, notamment, mais aussi Luc et, à l'époque où nous ne vivions pas ensemble, mon chum!
Bref, je ne devrais pas donner trop de maux de tête à mes biographes! lol! (Surtout qu'au pire, ils auront le contenu du blogue! hihihihi!)
Mais pour avoir fait ma maîtrise sur la correspondance personnelle de Cicéron, je comprends tout à fait ta fascination devant la lettre de ta grand-mère! C'est magique cette intimité des lettres!
Mes enfants deviennent fous quand ils reçoivent du courrier dans la boite postale... ils sont vraiment heureux de voir que "quelqu'un" leur a envoyé une lettre... même si souvent, c'est leur relevé de caisse scolaire! ;-)
J'ai écrit des dizaines de courriels-fleuves dans ma vie, mais disons que je me rends compte que j'en écris moins... C'est la vie faut croire!
Ça me fait penser à la première lettre qu'Harry Potter reçoit et il est surpris parce qu'il se dit qu'il n'a même pas un livre en retard à la bibliothèque!
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