Résumé:
Dans un royaume matriarcal, le prince d'Anan, plus puissant royaume du continent, est promis en mariage à la reine d'Ouran en échange de leur aide contre les Inares, royaume en guerre contre Anan. Une petite escouade de soldat triés sur le volet l'accompagne secrètement vers sa fiancée. Car la seule route qui mène de Anan à Ouran qui n'est pas directement menacée par les Inares est un territoire occupé par des êtres étranges adeptes du cannibalisme.
Mon avis:
Oh boy... Il y a beaucoup à dire sur celui-ci.
Première des choses, je ne comprends pas comment ce livre a pu être publié si l'on tient compte du nombre d'incohérences dans le texte, petites, moyennes et grandes. Dans le registre des petites, il y a tout un tas de détails qui ne tournent pas rond (un prisonnier avec les mains attachées dans le dos qui doit monter une échelle de corde deux paragraphes plus loin, une archère donc l'arc apparaît toujours dans ses mains au moment opportun, mais qu'elle ne semble jamais avoir sur elle autrement, torturer quelqu'un qu'on veut faire parler dans un fort rempli de soldats endormis, alors qu'on a tout fait pour entrer discrètement, etc). Ce sont pourtant des détails tellement visibles qu'en lisant, on lève les yeux au ciel. Le livre en est truffé de part en part. Dans la catégorie des grandes, il y a ce qui sous-tend l'intrigue principale du roman: pourquoi, dans un royaume où il est clairement établi au départ que la reine est élue et que ses enfants n'ont aucun droit à la couronne et aucune importance politique, conclure une alliance par un mariage entre un prince et une souveraine a-t-elle le moindre sens? Directement en partant, il y a là une contradiction totale et un manque de cohérence. Le livre au complet en souffre.
Ce qui pourrait aider à croire dans le reste de l'histoire, ce sont les personnages, mais eux aussi souffrent du problème de manque de cohérence. Le personnage principal, une capitaine de l'armée, que l'on présente comme une guerrière accomplie, héroïne de guerre auréolée de gloire, a un comportement extrêmement changeant et prend toujours les mauvaises décisions au pire moment qui soit... Ce personnage résume à lui-même beaucoup de problèmes récurrents du livre avec autant avec les personnages qu'avec le reste de l'intrigue. L'auteure nous dit que ses personnages sont X, alors que leur comportement est A, M, Z ou Q. Par exemple, alors que dans les premières pages, on décrit l'événement qui fait accéder la capitaine à la gloire, où sous une énorme pression, elle a su prendre une décision stratégique en quelques secondes, elle se laisse dominer par ses émotions à plusieurs reprises, toujours au pire moment, pour euh, ben, aucune raison. Par exemple, lors d'un simple interrogatoire, qui n'a aucune importance vitale, elle laisse voir son irritation au bout de trois questions. Elle est parfois capable d'analyser froidement des situations et au moment où elle devrait prendre les décisions les plus en phase avec son comportement précédent, elle fera le contraire. C'est à en hurler par moment.
Ce qui vaut pour elle vaut aussi pour l'ensemble des personnages, mais j'ajouterais un point encore plus dérangeant: on ne les connaît pas, même au bout de presque 400 pages. Que veulent-ils vraiment, ces gens qui partent pour cette mission? Aucune idée. Chacun a UNE motivation, bien mince, à faire parti de la mission et leur comportement n'est en aucun cas lié à celle-ci. On a droit à quelques bribes de leur histoire personnelle pour nous les faire comprendre, beaucoup trop tard dans le roman. Tous semblent agir pour faire avancer l'intrigue, sans souci pour la cohérence (oui, je reviens là-dessus) de la personnalité de chacun. Ce sont des marionnettes qui vivent une aventure, pas des êtres de chair et de sang. On a donc d'énormes difficultés à s'attacher à eux. Et on s'en fou un peu au fond si la mission réussit ou non. Le fameux prince entre autre, sur qui tout repose pourtant, est tellement mince qu'on dirait qu'il est fait de papier de soie.
Si on penche du côté de l'écriture, c'est... assez catastrophique: l'auteure multiplie les infodumps , même dans les moments de tension, cassant son élan (on sent ici l'influence de l'écriture journalistique, ce qui n'a pas sa place dans un roman). Elle a une tendance au tell agaçante tout au long du livre, qui nuit entre autre beaucoup au lien d'attachement avec les personnages. Les scènes de combat sont rythmée, mais à pleurer tellement elles sont truffées d'invraisemblances. Elle a prit la solution de facilité de changer de narrateur au gré de ce qu'elle raconte, une tendance contemporaine, mais qui ne sert pas du tout son récit. Éparpillé entre les points de vue, on se perd et on ne gagne rien. Par contre, je donne à la plume de l'auteure d'avoir su créer quelques moments de très bonne tension qui donne envie de tourner la page pour savoir la suite. Le roman est truffé de rebondissements qui nous tiennent en haleine. Plusieurs m'ont fait lever les yeux au ciel d'exaspération, mais ils étaient là. Sans ces moments-là, j'aurais viré le livre longtemps avant la fin.
L'univers de fantasy représenté a des idées intéressantes, mais elles sont partielles ou inabouties. C'est que l'auteure les lance en l'air... puis, comme elle l'a dit, elle poursuit son intrigue sans plus en tenir compte. L'idée d'une reine élue est bonne, mais ne cadre pas avec le reste de l'intrigue. L'idée d'un sénat élu qui gouverne, reléguant la reine à un poste de type présidentiel, est très bonne, mais c'est beaucoup trop secondaire à l'histoire. La façon de fonctionner du gouvernement d'Anan est un modèle de quelqu'un qui a essayé de faire différent... mais uniquement en plaquant des trucs dans un univers, sans chercher à en voir les travers, les défauts, les impacts, bref, ce qui permet à un univers d'être réaliste. Personne à Anan ne peut hériter de la fortune de ses parents, pas même les enfants de la Reine? Mais alors pourquoi sont-ils comme des princes classiques de fantasy, pétris de privilèges au point d'être gâté pourri? Leur vie n'est pas destinée à être éternellement telle quelle est pendant la période du règne de leur mère. Alors pourquoi ne pas intégrer cette donnée dans l'intrigue? C'est pourtant la base de la fantasy que de créer des univers et de voir comment les personnages vont interagir avec celui-ci, créant des contraintes et des possibilités. De ce côté-là, c'est une immense déception parce que ce n'est pas du tout maîtrisé dans le livre.
L'auteure est une féministe connue et dans cette oeuvre, elle a essayé de détourner les clichés de la fantasy, mais justement, elle s'en est tenue à ça: des clichés. Si on renverse les rôles des genres, cela peut être intéressants, mais si ce renversement est dépourvu de réflexion sur les impacts du renversement... et bien, ça fait couic au mieux et ça ne passe pas pour le reste, soit la grande majorité. Les femmes occupent tous les postes de pouvoir? Mais pourquoi donc on retrouverait quasiment à l'identique les mêmes structures de pouvoir classique? Ce sont les hommes qui sont des esclaves sexuels? Il ne suffit pas de le dire, il faut explorer l'idée, entre autre l'impact sur la vision d'eux-même des hommes. Et quel est l'impact du matriarcat sur ceux-ci? Ils sont admis dans l'armée, pour des postes inférieurs seulement semble-t-il, mais outre cela, ils n'ont pas l'air d'être victimes de sexisme. Les effets sur la famille, les relations sociales sont complètement évacuées. Ce qui entraîne, et oui, j'y reviens, de l'incohérent dans le récit. Parce que les idées lancées à un moment ne sont pas utilisées par la suite. Vers la moitié du livre, un personnage amorce un début de réflexion sur le sujet, mais cela dure une page à peine et le sujet n'est qu'effleuré, alors que soyons honnête, l'auteure a fait de ce renversement la base de son livre (p.176-177 pour ceux que ça intéresserait). Cela aurait été très intéressant de l'explorer, par petites touches tout au long du livre, mais là, ça tombe à plat parce que c'est beaucoup trop dans le genre, dans ta face! C'est comme le passage un autre personnage utilise des arguments typiques du véganisme pour justifier le cannibalisme... C'est trop flagrant, ça ne passe pas.
C'est pas qu'il n'y a rien dans ce roman, certaines idées sont bonnes et l'auteure a un embryon de talent, mais ceci aurait dû être la version de pré-travail du roman, pas l'oeuvre finale. Elle est trop écartelée, trop pleines d'erreurs, pas assez peaufinée dans ses idées. Dommage...
Ma note: 2/5
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