jeudi 9 avril 2020

Dire l'autre: Appropriation culturelle, voix autochtones et liberté d'expression d'Éthel Groffier

Dire l'autre  Appropriation culturelle, voix autochtones et liberté d'expression  Éthel Groffier  Collection Présent  Leméac  141 pages


Résumé:
L'appropriation culturelle, particulièrement celle des voix autochtones, est devenu un sujet important de l'actualité au cours des dernières années.  Mais que veut dire ce terme?  Quel est sa portée?  Comment l'éviter?  L'auteur s'attarde à ces questions importantes sur lequel on s'est beaucoup déchiré, sans pour autant en explorer le fond.

Mon avis:
Ce livre est à la fois extrêmement intéressant et très agaçant.  Intéressant parce que dans le brouhaha médiatique, il est l'un des premiers à prendre calmement le temps de déposer les faits et de les analyser.  Et il est agaçant parce qu'en 130 pages forcément le survol, même si excellent, reste justement un survol.  N'empêche, il pose une pierre importante.

Première des choses, le livre s'attaque à définir la notion même d'appropriation culturelle et montre que même si certaines choses sont entendues, la portée varie selon le porteur du concept.  Tout emprunt à une autre culture serait une appropriation culturelle selon certains défenseurs, niant le principe de l'emprunt et du mélange des cultures.  À l'autre bout du spectre, ceux qui voient les pratiques culturelles comme étant un immense bar ouvert où les créateurs peuvent piger sans retenue en niant les rapports de domination qui sous-tendent les échanges font également fausse route.  L'auteure dénonce les uns et les autres dans son livre, mais avant tout, elle décortique les tenants et les aboutissants de chacune des positions.

Ensuite, elle s'attaque aux abus des uns et des autres et souligne à grands traits les risques, autant pour les voix autochtones que pour la culture en général, que les accusations d'appropriation culturelle font peser sur la création.  Elle cite largement les textes d'auteurs et de penseurs autochtones sur la culture, montrant le fossé entre les conceptions des deux cultures et dans les moyens de transmission.  Elle donne aussi des exemples de collaboration, illustrant les écueils auquel se heurte les créateurs blancs, même plein de bonne volonté, quand ils arrivent sur le terrain miné des cultures des Premières Nations.  Et c'est sans doute là que se déploie le coeur de son argumentation: les créateurs sont jugés haut et court, sans que leurs intentions ne soient prises en compte.  Ainsi, un artiste qui souhaite sincèrement tendre une main pour aider, à sa façon, à la réconciliation entre les peuples, sera jugé aussi sévèrement que le premier venu qui emprunte sans un regard en arrière.

Elle consacre un chapitre entier à la difficile question de la réconciliation.  Car justement, cette réconciliation tant souhaitée, tant du côté des autochtones que d'une partie croissante des populations blanches, ne montre pas le même visage et ne se vit pas sur les mêmes bases.  Elle en explique les complexités, le mélange des attentes de chacun et surtout, du poids de la colonisation que les uns et les autres portent encore, les autochtones plus encore que les blancs.  Le chemin qui y mène passe aussi par l'art nous dit l'auteure, mais comment le faire sans une certaine forme d'appropriation culturelle?

Bref, comme je le disais, intéressant, mais agaçant.  Le grand livre sur le sujet n'est pas encore publié, mais ce petit opus sera sûrement cité dedans!

Ma note: 3.75/5

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