lundi 2 mars 2020

Parler la langue de...

Salut,

Je me rappelle comme hier de ce critère d'évaluation à mon premier stage d'enseignement:

-La stagiaire maîtrise le vocabulaire lié à son domaine d'enseignement.

Dans mon cas, il s'agissait de la géographie.  Mon enseignant-associé, qui avait 37 ans de métier et avait eu genre 26 stagiaires dans sa carrière, m'avait d'ailleurs félicité à ce sujet.  Je me rappelle des chatouilles de plaisir que cela avait eu sur mon orgueil.

J'avais eu une bonne note sur ce point parce que je savais utiliser les mots justes pour tout ce qui relevait de mon domaine d'enseignement, même si ça me valait parfois des regards perdus de la part de mes élèves qui ne comprenait pas toujours ce que je voulais dire, surtout au début.  Je maîtrisais donc le langage de ma spécialisation, mais il fallait maintenant l'enseigner aux petits cerveaux qui se trouvaient devant moi.

J'ai depuis changé d'emploi et de domaine et je me suis retrouvée à travailler avec des techniciens.  Et c'est à mon tour d'avoir des regards perdus.  Parce que les techniciens ont leur propre langue que j'ai gentiment surnommé le technicien, mélange d'abréviations, de chiffres, d'anglicisme et de codes qui sont totalement hermétique à toute personne non-initié à ce langage.  Je le sais, ça fait cinq ans que j'essaie de comprendre leur jargon sans y parvenir...  Je sais reconnaître certains mots, mais je ne comprends pas le sens général.  Quand je leur demande une traduction en français, ils éclatent habituellement de rire!

Suffit pas de connaître les mots pour comprendre le sens de ce que l'on dit.  La langue française (comme toutes les autres d'ailleurs) permet plusieurs sens aux mots, dépendant du contexte.  Et en plus, chaque mot a un sens littéral et un sens symbolique (un crâne signifie un os du corps ou la mort).  Et que selon les groupes sociaux auquel nous appartenons ou que nous fréquentons, des sous-cultures naissent, se développent et créent leur propre sens aux mots, voir carrément leurs propres mots.  Mettons que c'est pas pour rien que les ados ont un langage incompréhensible aux oreilles de leurs adultes de parents, même s'ils parlent techniquement la même langue!

La langue est une question de vocabulaire, de mots, mais aussi de sens donné aux mots.  Quand je parlais de volcan à mes élèves, ils ne pensaient pas comme moi aux structures géologiques, à la tectonique des plaques et aux nuées ardentes.  Ils pensaient surtout aux montagnes d'où coulent des quantités gigantesques de lave rougeâtre, aux explosions, bref aux images vues au cinéma.  Mon travail en tant qu'enseignante a été à ce moment-là de faire des liens entre le sens qu'ils donnaient au mot volcan et le sens que la géographie lui donnait.  J'ai vu la lumière briller dans leurs yeux quand je prononçais le mot une nouvelle fois, j'ai vu la compréhension s'étaler sur leurs mines épanouies et une nouvelle réalité leur apparaître grâce au nouveau sens d'un mot qu'ils connaissaient pourtant déjà.  À partir de ce mot, je leur avais fait faire un pas vers un nouveau langage, celui de la géographie.  Parce que de parler de lave et de cratère ne suffit pas à apprendre, il faut trouver le sens de tous ces mots et parfois, faire des liens vers d'autres réalités qu'ils connaissent déjà.

Quand on parle la langue de quelqu'un d'autre, bien au-delà des mots, c'est le sens commun qu'on leur donne qui permet la conversation et l'échange.  Si ce n'est pas le cas, ça ne passe pas, c'est l'échec, même si on utilise les mêmes mots.  Il n'y a qu'à penser à cette fois, que tout le monde a vécu, où l'on parle, on essaie d'échanger, mais où on ne se comprend pas, où le sens des mots que l'on échange n'est pas le même pour les deux personnes qui essaient de communiquer.  C'est triste, c'est source de beaucoup de malentendus, de discordes et de conflits, mais cela part d'un simple fait:

Il ne suffit pas de parler une langue pour communiquer.  Il faut bien comprendre le sens des mots que chacun utilise pour pouvoir communiquer avec les autres.

@+ Mariane

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