lundi 20 août 2018

Homo Homini Lupus est

Salut!

Cette phrase est une citation latine que nous a souvent dit notre père, à Frérot et à moi.  Mon père a fait son cours classique à l'époque où faire des études supérieures signifiait se frotter au latin et au grec.  Il nous a souvent régalé d'histoires de la période de ses études, ainsi que de citations grecques et latines.  Ces citations sont un régal pour se faire l'oreille à la petite musique d'une autre langue, mais aussi pour accéder à une sagesse datant d'une autre époque.

Traduite en français, la phrase dit littéralement, L'homme est un loup pour l'homme, ce qui peut être interprété par L'homme est le pire ennemi de l'homme.  Par cette phrase, son auteur voulait dire que l'être humain, par son essence, était aussi son pire ennemi, de lui-même, mais aussi de ses semblables.  Quand on regarde tout au long de l'histoire de l'humanité, on ne peut s'empêcher de se dire qu'il n'avait pas tort.  Massacres, guerres, meurtres, viols, mutilations, esclavage, vols, la trame des événements parle de violence, parle de tout le mal que peuvent se faire des êtres humains entre eux.  Quand on regarde les livres d'histoires, le sang coule à chaque chapitre...

C'est comme quand on se fait raconter une histoire.  Souvent, ce qui nous accroche, les grands moments, sont ceux d'affrontements: c'est la confrontation finale au tribunal dans le film, c'est la scène de bataille dans la série télé, c'est la dispute violente entre les amoureux dans un Harlequin: ce sont ces moments qui marquent, ceux que l'on retient ceux dont on reparle en sortant du cinéma ou en fermant le bouquin.  L'Histoire étant avant tout la suite de multiples histoires que se rappelle les humains sur leur passé, il est normal que les événements dont on garde le plus la mémoire soient ceux-là: on garde la mémoire des événements qui marquent.  Et bien souvent, les événements qui marquent font suite à un conflit.

Le conflit...  Dans la fiction, c'est un outil précieux.  Le conflit fait avancer un récit.  C'est parce que nous voulons que nos personnages préférés gagnent que l'on suit leurs aventures.  C'est parce qu'ils ont des ennemis et vivent des épreuves que l'on s'accroche à leurs histoires.  C'est parce qu'il y a de la tension que l'on ne lâche pas le livre ou la télé et qu'on reste bien assis sur son siège au cinéma.  Le conflit crée tout ça.

Sauf que... le conflit n'est pas tout.  S'il y a un conflit, il y a aussi, pas très loin, de la collaboration.  S'il y a une guerre, il y aura des soldats qui feront front commun et iront se battre ensemble.  Ils collaborent.  S'il y a une révolte contre un gouvernement oppressif, personne dans son coin ne vaincra.  Les gens vont se rassembler pour lutter.  Ils collaborent.  Si on veut construire une cathédrale ou un château, il faut que les gens travaillent ensemble.  Ils collaborent.  Si une catastrophe naturelle survient, il y aura toujours quelqu'un pour chercher dans les décombres voir s'il reste des survivants, au lieu que tous prennent leurs jambes à leurs cous.  Les gens collaborent.

La vérité est que même si nos livres d'Histoire sont remplis de conflits, ils sont aussi remplis d'histoires d'alliance, de buts communs, de collaboration et d'entraide.  Il ne s'agit pas que de combattre, il s'agit aussi de travailler ensemble pour améliorer la vie de la majorité.

Sauf qu'il faut bien le dire, la collaboration n'est pas ce qui fait les meilleures histoires.  Elles en font de bonnes certes, mais leurs récits sont moins prenants, moins enlevant.  Il peut y avoir des conflits au sein des collaborations, mais moins que si un ennemi est clair et précis et qu'on mobilise nos énergies pour lutter contre celui-ci.  Cependant, mine de rien, l'histoire de l'humanité est bien plus fait de collaboration que de conflits.  Simplement, collaborer fait moins de bruit.

En ce sens, l'homme est bien un loup pour l'homme.  Parce que comme les loups, les humains ont compris depuis longtemps que de chasser en équipe est plus efficace que de chasser seul.

@+ Mariane

4 commentaires:

Alain a dit…

Tu rejoins des réflexions que je fais depuis un certain temps. Je pense que présenter des émotions fortes positives peut être tout aussi efficace en fiction que d'exacerber les drames (basés sur des émotions fortes négatives). Tolkien avait trouvé un néologisme: l'"eucatastrophe", pour représenter un retournement de situation vers le mieux plutôt que vers le pire. Le contraire d'une catastrophe, donc.

Cependant... pour un auteur, je pense que c'est vraiment beaucoup plus difficile. C'est un peu comme l'humour: faire rire le lecteur est une tâche plus ardue que faire pleurer!

Prospéryne a dit…

Ce n'est peut-être pas plus difficile, mais c'est marcher dans des terres inconnues... On a moins de modèles, moins d'idées faciles à réutiliser, moins de schémas dans lequel piger. J'ai déjà entendu dire: le drame, c'est plus facile que la comédie, on a tous déjà pleuré dans notre vie. Le rire? Pas toujours!

Gen a dit…

J'arrive ultra en retard (désolée, vacances! hihihihi!), mais... j'adore ce texte!
Tu vois, le conflit est au coeur de ma démarche artistique. Presque toutes mes histoires partent d'un conflit : personnage vs personnage, personnage vs lui-même, un groupe vs un autre groupe, un groupe vs la nature... Le conflit raconté de près, de loin, résolu ou non résolu... Bref, j'adore les conflits.
Et pourquoi? Parce que, comme tu le soulignes, le conflit implique la confrontation, oui, mais surtout la collaboration, le compromis. Bref, le conflit fait ressortir ce qu'il y a de plus humain (ou de plus loup) en nous. ;)

Prospéryne a dit…

Ravie que tu es aimé Gen! (je me demandais pourquoi tu n'avais pas répondu aussi...)

Tiens, si ça fait ressortir nos instincts de loup, ça peut être une des sources de cette maxime? C'est une bonne idée à creuser ça... :D