jeudi 1 avril 2021

L'atelier de Marie-Claire de Marguerite Audoux

 L'atelier de Marie-Claire  Marguerite Audoux  Talents hauts Collection Les plumées 348 pages


Résumé:
Marie-Claire est désormais installée à Paris et travaille dans l'atelier de Madame Dalignac.  Celle-ci, une patronne généreuse, fourni du travail à ses employées et les paie le mieux possible. Ça n'empêche pas les périodes de chômage, les clientes difficiles, les logements minuscules et la maladie qui frappe, alors que l'on ne peut pas prendre une seule journée pour s'en remettre.  Dans cet atelier où elle est penchée sur son ouvrage, Marie-Claire continue sa vie.

Mon avis:
Suite sans en être une, ce roman peut se lire de façon tout à fait distincte de Marie-Claire, auquel il fait au fond très peu référence.  C'est le même personnage, mais à une autre époque de sa vie.  Marie-Claire est la même: toujours observatrice fine de son environnement, du comportement de ses compagnes de travail, sans jamais juger, ni même se mettre en avant dans les histoires.  Elle est plus active, plus présente dans cet opus, mais reste quand même effacée par rapport aux événements qui semblent la porter plus qu'elle les vit.

L'atelier est un lieu important de l'histoire.  C'est là que les ouvrières se rassemblent, parlent en cousant, chantent, se racontent des histoires.  Comme aujourd'hui, elles amènent des parcelles de leur vie quotidienne au travail et on est témoin des vies des unes et des autres.  De Bergeonnette la bretonne qui regrette son coin de pays et en chante les chants marins quand elles s'installent devant leurs machines à coudre.  De Bouledogue qui est l'éternelle fiancée et rêve du jour de son mariage.  De Sandrine, éprise du père de ses enfants, qui pourtant ne l'a pas épousée, même si tous deux s'usent au travail pour subvenir à leurs besoins.  De Mme Dalignac, femme bonne, qui se fait littéralement exploiter par ses clientes aux exigences impossibles et mauvaises payeuses, pourtant soutenue et aimée par le patron, son mari, ce qui ne suffit pas à payer les factures.

La description du travail de couture, la minutie et le talent exigée par celle-ci, tout autant que l'absence de reconnaissance et de salaire pour ceux-ci, sont décrites avec talent.  De même, l'atmosphère de l'atelier, les heures passées courbées sur l'ouvrage, parfois même toute la nuit.  La solidarité qui y règne face au dur labeur, alternant entre la surabondance sous laquelle elles croulent et les périodes mortes où elles doivent s'engager ailleurs, faute de travail.  L'impact sur leur santé, fait de dizaines de petits détails, nous plonge mieux que n'importe quel manuel d'histoire dans cette période, cette classe sociale et ce milieu de travail.  

On retrouve ici l'extrême sens de l'observation de l'auteure, ses descriptions aiguisées et qui rendent tellement bien les atmosphères que même si elle décrit peu les lieux, on croirait y être parce qu'on est plongée dans l'atmosphère sensorielle de ceux-ci.  Ceci dit, par rapport au premier, ou peut-être est-ce que j'avais déjà goûté à la plume de l'auteure, m'a moins plu: on est toujours dans la suite de tableaux qui sont plus ou moins liés aux autres, mais l'effet d'ensemble est plus réussi.  Peut-être est-ce en partie dû au fait que la campagne se prête mieux à ce genre d'exercice qu'un atelier de couture ouvrier.  L'écriture somme toute plutôt contemplative de l'auteure n'est pas entièrement adaptée à la ville.  Elle reste toutefois magnifique et porteuse de la poésie qui la caractérise.

Point à noter: un personnage que Marie-Claire croise est une personne noire.  Elle trouve le moyen de faire comprendre à une occasion qu'un autre personnage prononce ce mot aujourd'hui honni pour désigner les afro-descendants, sans le mentionner dans le texte.  Preuve que même à l'époque, il était connu comme une insulte et que ce n'est pas tout le monde qui était prêt à l'endosser.

Ma note: 4.5/5

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