jeudi 5 novembre 2020

Les New Yorkaises d'Edith Wharton

 Les New Yorkaises  Edith Wharton  

Résumé:

Pauline Manford est une femme du monde et une femme du monde très occupée.  Du matin au soir, tout son horaire est minuté: manucure, coiffeuse, rencontre avec une cheffe d'association, rencontre spirituelle, exercices, dîner, essayage de robes...  Autour d'elle, sa fille Nona regarde les agitations de sa mère avec détachement et cache son amour pour un homme marié, son mari Manford l'avocat, avec lequel se creuse de plus en plus une distance qu'elle ne comprend pas, son fils Jim, amoureux d'une femme-enfant qui se verrait bien faire carrière à Hollywood, sont autant de météores qui ne semblent pas pouvoir la distraire de sa trajectoire.  Sauf que peut-être bien, finalement...

Mon avis:

L'écriture de ce roman est absolument délectable.  C'est un régal de lire les descriptions ciselées et imagées qui font ressortir toute la saveur de chaque situation.  Je me suis surprise à maintes reprises à lire des phrases deux ou trois fois et même à voix haute.  Chaque chapitre nous surprend par une tournure de phrase, une description, une métaphore qui tombent pile en plein milieu de la situation, laissant voir les émotions, les pensées, la face intime de chacun des personnages.  Les femmes sont ici à l'honneur, mais les personnages masculins ne sont pas en reste, excepté ce pauvre Jim qui fait malheureusement un peu trop figure de plante verte.

Le personnage principal est Pauline Manford, une femme que l'on devine cinquantenaire sans que cela soit jamais nommé.  Le genre de femme ultra-occupée et hyper-efficace, mais étant donné son statut social et l'époque où elle vit, Pauline se consacre aux réceptions, aux associations de charité et de promotion d'idées, aux gourous qui s'avèrent être autant de charlatans, mais dont elle change comme elle change de chemise.  Pauline a de l'argent et elle en use, autant pour son confort que pour installer chez elle les technologies dernier cri.  Le roman se passe dans les années 20, donc, téléphone et système d'alarme sont les technologies qu'elle parade comme nous le ferions aujourd'hui de nos dernières bébelles technos.  L'époque est différente, mais l'attitude est la même.

Ce qui ressort quand même de ce personnage est une incapacité à une vie intérieure.  Pauline s'étourdi, se passionne pour les sujets les plus divers, change d'idées, essaie des nouveautés, se contredit dans ses propres discours (elle appuie avec une égale force la Société de contrôle des naissances et l'Association pour la fête de la maternité...) et ne se rend pas compte le moins du monde du grand écart entre les idées promues par ses divers engagements.  Tout simplement parce qu'elle ne réfléchit pas.  C'est dans ce portrait, derrière cette façade de réussite et d'occupation, d'une femme incapable de gérer ses propres sentiments et qui bien malgré elle, se retrouve à négliger sa famille que l'auteure réussit le plus grand tour de force de son roman.  Réglant à coup de chèques les situations émotionnellement trop tendues, autant avec les siens qu'avec les autres membres de son cercle élargi, Pauline montre autant sa capacité d'action que son incapacité en terme d'émotion.  Pour elle, il y a une solution à tout, qu'elle soit technologique, spirituelle ou mondaine.  L'argent est un langage qu'elle comprend, celui de l'émotion lui est inconnu.

Les autres personnages tournent autour d'elle et sont autant de portrait réussis des chemins possibles dans ce milieu social: Lita, la femme-enfant, qui n'a à aucun moment la narration de l'histoire (qui est racontée du point de vue de Pauline, de Nona sa fille et de Dexter son mari) qui songe à une carrière à Hollywood, lassée de sa vie de mère et d'épouse.  Nona, qui, à dix-neuf ans, cherche son chemin dans la vie, mais ne veut pas faire comme sa mère et vit une histoire d'amour impossible avec un homme marié auquel sa femme refuse le divorce.  Dexter, qui arrivé à l'aube de la cinquantaine, remet maintenant en question ses choix de vie et traverse une crise existentielle.  Pauline ne voit rien, entre deux conférences et une séance de  manucure, elle est aveugle à ce qu'elle a sous les yeux et c'est cela, ce trou béant qui traverse le roman et que l'auteure réussit à nous transmettre avec autant de talent.

Ce n'est pas un roman d'action, l'intrigue tient à peu de choses, mais on reste quand même accrochée à cause de la prose magnifique de l'auteure et à ces personnages, tous imparfaits, perdus dans un tourbillon propulsé par Pauline, mais oh combien attachants.  Le seul défaut que j'ai trouvé à ce roman, comme un petit quelque chose de dérangeant en arrière-plan est sa longueur.  Ayant déjà lu l'auteure en nouvelle, le roman émousse un peu la puissance de son écriture et de son évocation, mais ne gâche en rien le plaisir de la lecture.  

À savourer avec un Manhattan à portée de main.

Ma note: 4.5/5

3 commentaires:

Gen a dit…

Le Manhattan est un argument convainquant! lol!

Prospéryne a dit…

Ça correspond tellement bien à l'ambiance!

(et bon, t'as un expert en cocktail personnel! :P)

Gen a dit…

Hihihihi, oui! :D (comme en témoigne l'augmentation de mon tour de taille)