Me lever avant l'aube, me préparer, sauter dans la voiture alors que le soleil est à peine levé. Partir sur la route, rouler, rouler des heures, remonter la 40 ou la 20 selon ce qui adonne le plus. Arrêter en chemin ramasser un petit déjeuner parce que le prendre avant de partir voudrait dire avoir l'estomac dans les talons avant l'arrivée. Ma famille élargie n'a jamais compris que quand on monte de Montréal, prévoir le salon funéraire à 9h le matin à Québec est beaucoup trop tôt.
Et oui, le fameux salon... De toutes les funérailles auquel j'ai assisté, le lien commun est toujours ce fameux passage dans cette salle bondée aux bruits de conversations jamais brisées par un éclat de rire. Le ton est solennel et ennuyeux. Mes oreilles d'enfant se rappellent de cette rumeur, moi qui aie bien trop fréquenté ces endroits à cet âge. Sans le comprendre. Maintenant adulte, je retourne au salon funéraire à l'occasion des morts qui commencent à tisser la trame de l'histoire familiale. C'est la seule occasion que j'ai de revoir mes cousins et cousines, tous mariés et bien occupés avec leurs familles. De toutes façons, les partys de Noël ont pris fin avec la mort des grands-parents, je ne les connais que très peu. J'ai même parfois un peu de mal à replacer certains noms sur des visages que je reconnais pour le reste.
Ma tante F est morte le 2 octobre 2018. Une femme discrète que je n'avais pas vue depuis des années. Depuis son ACV survenu en 2011, elle n'était plus guère sortie du centre de soins où elle vivait. Je garde par contre un très bon souvenir d'elle. Nous avions toutes les deux en commun deux amours: les livres et les chats. C'est la seule de la famille à part la mienne à jamais avoir eu un félin et elle en parlait toujours avec une grande affection. Et puis il y a les livres...
Lorsque j'avais une dizaine d'années, ma tante m'a offert lors d'une visite à Québec une boîte de livres. Une boîte dont elle voulait juste se débarrasser. Ce n'était sans doute pas les meilleurs choix littéraires, mais quand même. C'est à elle que je dois d'avoir lu du Danielle Steel, du Barbara Taylor Bradford et du Kathleen E. Woodiwiss. Ma mère qui m'interdisait les romans Harlequin n'y a vu que du feu. J'ai tenu un bon bout de temps sur cette boîte de livre. Je les aies presque tous lus et presque tous donné lors d'un grand ménage de bibliothèque, vers la fin de mon adolescence. N'empêche...
Tante F m'avait donné des livres. Des livres qu'elle aurait pu revendre à une bouquinerie, ce qu'elle n'a pas fait. Ce sont sans doute les premiers livres que j'ai lu qui sortaient du domaine de la littérature jeunesse pour rentrer dans celle des adultes. Cette boîte de livres a tenu occupée la jeune adolescente que j'étais, qui habitait loin d'une bibliothèque, pendant un sacré bon bout de temps. Ce sont les premiers romans épais que j'ai lu. Ça m'a fait découvrir une façon de raconter des histoires différentes des romans jeunesse, ça m'a appris que ces livres-là étaient dorénavant à ma portée. Mon cerveau a pris bonne note de cette information.
La main sur son urne, j'ai pris un bref moment pour lui souhaiter bon voyage. Elle venait d'être libérée de son corps qui la gardait prisonnière d'elle-même depuis des années. Et j'ai ajouté en mon fort intérieur: «Merci pour les livres!» Elle avait sans doute oublié cette boîte depuis des années, mais pas moi. La pré-adolescente que j'étais a bien profité de ce don, fait sans doute sur un coup de tête. C'est un lien d'une lectrice à une autre, un lien silencieux, mais précieux, que celui de donner ses livres.
Merci pour les livres Tante F. Et bon voyage.
Mariane
2 commentaires:
Toutes mes condoléances...
Ah, les salons funéraires... remarque, dans ma famille paternelle, les cousins et moi nous étions tannés de nous voir juste à ces occasions (et de se sentir gênés de rire), alors on s'est mis à se faire des "soupers de cousins" à tous les ans. Justement, tu me rappelles qu'on est dûs!
Et Barbara Taylor Bradfort... OMG! Ce nom sort des tréfonds poussiéreux de la bibliothèque de ma mère, qui m'interdisait elle aussi les romans Harlequin, mais n'avait pas de problème à ce que je lise ceux-là! (Et les Danielle Steel, évidemment) lol!
Mes parents ayant fondé leur famille longtemps après leurs frères et soeurs, Frérot et moi avons une différence de près de 30 ans avec certains de mes cousins. Ils jasent de la date de leur retraite et des études universitaires de leurs rejetons et nous, ben... Donc, on va oublier ça pour les soupers de cousins, mais je te souhaite bien du plaisir avec les tiens!
Je pense que ta mère et la mienne avaient des visions très réduites de ce qu'était la romance en littérature... Quoique, j'ai lu de très bons Barbara Taylor Bradford et ce ne sont pas tous les Danielle Steel qui parlent de rencontre entre un homme ayant un magnifique torse et une femme en pâmoison... (on garde ses lectures-là pour Luc Dagenais)
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