lundi 10 mai 2021

La classe moyenne n'est pas très fantasy

 Salut,

L'autre jour, en fouinant dans mes livres, je suis tombée sur mes romans de fantasy.  Dans ce type de roman, le personnage du chevalier/guerrier/mage/roi/prince etc domine, c'est souvent l'une des caractéristiques du genre.  Les versions plus actuelles mettent aussi en vedette leurs contreparties féminines et on y verra sûrement des personnes non-binaires un jour, si ce n'est pas déjà fait.  À l'autre bout, on se frottera aussi à la populace, ceux qui vivent dans la pauvreté et la crasse, voir la criminalité.  Ceux qui se battent pour manger chaque jour et où vont s'encanailler ceux de la haute société.

Entre les deux?  Pas grand chose.

Il y a les aubergistes, les marchands et les artisans, grosso modo.  Certes, la société médiévale était séparée entre des classes sociales ne laissant pas beaucoup de place entre le peuple et les nobles, mais entre les deux, prise en sandwich, la classe moyenne a pas mal toujours existé, plus ou moins grosse selon les époques.  Seulement, dans les romans de fantasy, elle est juste.. en arrière-plan.  Et pourtant!

Celui qui n'a jamais croisé un aubergiste dans un roman de fantasy n'a probablement pas lu grand chose: roman de fantasy = voyage et donc, de devoir se loger de temps en temps.  L'aubergiste, homme ou femme, est donc un personnage qui fait partie du décor.  Le hic, c'est qu'il n'est jamais le personnage principal.  C'est toujours un personnage en lisière de l'histoire, qui sert le plus souvent  à alimenter les péripéties, rarement un protagoniste et si c'est le cas, il sera le plus souvent secondaire.  Pourtant, des histoires qui se passent dans une auberge, ça pourrait alimenter pas mal d'univers, tout simplement parce que toute la société finit par avoir besoin de cet endroit un jour ou l'autre.  Mais... non.

L'artisan est aussi présent, mais encore là, il n'est pas le protagoniste de l'histoire.  Il ou elle est le soutien du héros ou de l'héroïne, c'est la personne qui forge les armes, répare les armures, invente parfois de nouveaux objets.  Mais rarement a-t-il ou a-t-elle le premier plan.  Comme si les aventures d'un.e artisan.e, de la création à la vente, n'était qu'un fond sonore, alors que souvent, se batailler avec une épée à forger dans un métal rare, une armure à réparer dans un temps record ou un vêtement à coudre avec la pression d'un.e client.e ingrat.e sur le dos peut être assez houleux comme aventure.  Quant au service à la clientèle, peu importe l'époque, il aura toujours une part d'épique...

Ce qui me tape un peu sur les nerfs par contre, c'est la quasi-absence du marchand comme figure.  Ok, sa place est moins réduite, il aura plus de chances d'être un personnage, voire même principal parfois et ça se comprend: après tout, les marchands voyagent autant que les chevaliers!  Ils peuvent en vivre des aventures!  On parle ici des voyageurs, mais ceux qui restent en ville et brassent des affaires peuvent très bien avoir un joli impact sur les affaires de la cour, surtout s'ils sont riches.  

L'absence de cette classe moyenne en fantasy est parlante par ce qu'elle ne dit pas.  Après tout, soyons honnêtes: la majorité des lecteur.rices du genre sont des membres de la classe moyenne.  Pas parce que les riches n'en font pas partie, mais ils sont moins nombreux.  Et pas parce que les pauvres ne lisent pas, mais ils en ont souvent moins le temps, voire moins les moyens s'ils n'ont pas une bonne bibliothèque à proximité.  Donc, une bonne partie de la classe sociale qui consomme de la fantasy... ne retrouve pas son équivalent dans la fantasy.  On cherche à rêver et à s'évader en lisant ce genre de livres, mais quand même.  On dirait que l'on a du mal à s'imaginer l'entre deux, quelque part entre le haut de l'échelle sociale et le bas.

C'est d'autant plus surprenant que le classique des classiques du genre met en vedette quatre membres de cette classe moyenne que tant d'autres oeuvres boudent: en effet, qui a-t-il de plus classe moyenne que quatre hobbits pantouflards lancés à l'assaut du Mordor?  Et pourtant, qui pourrait nier que ce livre ait une dimension épique?  Qu'il a passionné des millions de lecteur.rice.s?  

Oublier les hiérarchies, fouiller les zones inexplorées, renverser les clichés: la fantasy a encore bien des ressources et bien des choses à faire découvrir, il faut juste arrêter de retourner les mêmes pierres pour renouveler le genre.  Parce que bien des personnages, des situations et des intrigues moins clichés sont sous nos yeux depuis le début.

@+ Mariane

2 commentaires:

Nathalie Faure a dit…

Oui je crois que tu tiens un point important : possible que les lecteur.ices ne souhaitent pas forcément se retrouver dans un livre basé sur l'imaginaire. Oui les Hobbits sont des gens de la classe moyenne (comme Tolkien lui-même) qui sont largement bousculés par les événements et deviennent des héros à leur manière. Ils n'ont pas appris à manier l'épée ni à monter à cheval et doivent s'accomoder d'un mode de vie différent. c'est peut être là le vrai défi à relever : dans les contes on voit les princes et princesses vivre au milieu des gens du commun, c'est moins le cas dans la littérature récente il me semble ? Alors pourquoi pas de la classe moyenne ? Louis XVI aurait paraît il troqué sa couronne contre un travail en serrurerie ou l'horlogerie.. imaginer un roi qui abdique pour se monter une boutique dans l'un ou l'autre domaine serait intéressant

Prospéryne a dit…

@Nathalie, peut-être que les gens de la classe moyenne ne veulent pas se voir dans ce genre de récit non plus! Je n'y avais pas pensé au départ, mais ça reste une possibilité, parce qu'entendons-nous, le genre est souvent vu comme un moyen d'évasion. Moi-même, j'en lis souvent pour décrocher! Ceci dit, cette notion de classe me semble intéressante à explorer!