Cette semaine, c'est la Saint-Jean-Baptiste, la Fête Nationale des Québécois. Contrairement à l'an dernier, je ne pourrais pas aller assister à un spectacle et à des feux d'artifices, entourées de centaines de personnes, dans la chaleur, les moustiques et les relents de légalité qui flottaient dans l'air. Alors, je vais me permettre de rendre hommage à quelques-uns des nombreux auteur(e)s d'ici que j'aime tant, que j'admire et qui me font tant de bien avec leurs mots. J'ouvre au hasard les pages de quelques-uns des livres que j'ai tant aimé et je vous les livre.
«Je suis assis sur la galerie, presque sur le bout, dans l'angle droit. J'ai vu le manège d'Oginé. Il a déplacé le cheval de Naréus et l'a mis tout près de la jument de Chaël Charles. Deux bêtes tranquilles. Brusquement, le cheval se met à hennir et à tirer sur sa corde. Il a le sexe droit comme un balai. Le camion de Gros Simon passe, au même moment, en soulevant un peu de poussière. Marquis, couché près de la balance, se réveille, brusquement, et se met à aboyer. Le camion était déjà près de la croix du Jubilée quand le cheval a cassé sa corde pour sauter sur la jument. Da m'envoie chercher sa cafetière juste à ce moment.» Dany Laferrière, L'odeur du café, p.88-89
«L'enfant s'agita dans le ber. Didace ne l'avait pas bien regardée encore; il avait attendu d'être seul. Il se pencha au-dessus du ber, une première fois d'abord. Puis, une deuxième, pour plus de certitude. Il se frotta les yeux. un gros noeud se formait dans sa gorge. Mais oui, l'enfant avait le front bas, volontaire, des Beauchemin, avec les cheveux noirs et drus et le nez large, incomparable pour prendre l'erre du vent. Comme lui! À son image, elle était de sa race!» Germaine Guèvremont, Marie-Didace, p.155
«Mon père et moi aurions logiquement dû nous placer au centre du troupeau, dans la section de ceux qui font la course en quatre heures. Seulement voilà, pour un gnou comme lui, un gnou habitué à donner des coups de cornes, un gnou qui n'en fait qu'à sa tête, il est inadmissible de se placer au milieu du peloton. Je me retrouve donc, à douze ans, aux côtés des meilleurs coureurs, à quelques mètres de la ligne de départ.» Bryan Perro, Pourquoi j'ai tué mon père, p.31
«Les bûcherons enlevaient le mackinaw, prenaient la hache et han! han! Le bois voisin répondait han! han! Oooh! criaient les hommes, oooh! répliquait l'écho, et crac, griche, frouche, crac! un arbre plongeaient en hurlant, secouait la neige...» Félix Leclerc, Pieds nus dans l'aube, p. 129
«L'hiver, j'apprécie toujours de ne pas avoir assez de fric pour me payer une voiture. J'ai le temps de me rendre tranquillement au travail les mains dans les poches en sifflotant, d'acheter mon café et de manger deux croissants, que mes voisins en sont encore à dégivrer leurs serrures et à donner des coups de pied sur les pneus en hurlant contre l'inutile nouvelle patente de Canadian Tire, qui vient tout juste de leur casser dans les mitaines.» Stéphane Dompierre, Un petit pas pour l'homme, p. 128
«Aussitôt, avec un ronronnement accéléré, le robot se tourne d'un bloc et glisse vers la cuisine. Adam remarque trois petites roues surgies sous l'appareil. Zabulon, jusqu'ici indifférent, n'apprécie pas le monstre bourdonnant qui s'approche vers lui. En bon chien de garde, il gronde de son ton le plus menaçant, poil hérissé, crocs découverts.» Suzanne Martel, Nos amis robots, p.24
«Ça le fait sourire. Sa mère pouvait être drôle. Oui, elle pouvait être drôle, mais aussi casse-pieds. Elle n'a jamais aimé les filles qu'il amenait à la maison, mais ça il le sait, c'est un classique, c'était comme si elle lui disait, chaque fois, pourquoi tu ne me choisis pas?» Marie-Sissi Labrèche, La vie sur Mars p. 62
«Il y a ces gestes que je n'ai pas appris à faire quand j'étais petite. Je n'ai pas appris à cogner à une porte avant d'entrer dans une maison. Je n'ai pas appris l'importance d'arriver à l'heure à un rendez-vous. Ma mère ne m'a pas appris à gérer convenablement mes finances.
Et toi Julie, sais-tu reconnaître les pistes du lièvre? Sais-tu lire le temps qu'il fera sur les feuilles des arbres? Sais-tu entendre, au-delà de la souffrance qui est visible, le pouls d'un coeur qui s'accélère pour continuer à battre?» Naomi Fontaine, Shuni, p. 31
«3 juillet
M'enfuir. J'ai claqué toutes les portes pour aller m'échouer dans mon auto et j'ai grignoté les routes du Québec, kilomètre par kilomètre, conduisant mon désarroi fugitif sur les chiffres: la 31, la 40, la 55, la l38.» Roxanne Bouchard, Whisky et paraboles, p. 9
«Veux-tu que je te dise comment elle est cette langue?
Vois la montagne, elle se nomme otso... Mais dis-le dans un chuintement, les sons à peine portés, les lèvres demi-fermées.
Et si la montagne (otso) s'ajoute à d'autres montagnes et devient une chaîne, c'est nattekam. Un mot pour chaque chose et pour chaque chose un mot différent, un mot seul et non les phrases assemblées de tes langues pauvres.» Yves Thériault, Ashini, p. 46
«Nous parcourûmes ainsi toute la maison, ou plutôt, j'eus l'impression que je volais à travers toute la maison. J'étais à six pieds au-dessus du sol et je me glissais partout sans avoir à marcher! Le corridor défilait à toute vitesse, les différentes pièces de l'appartement étaient parcourues comme si j'étais un oiseau pressé en visite, les portes s'ouvraient sans que j'ai à tendre la main. Et tout ça à une telle vitesse! J'étirais la main pour voir si je ne sentais pas l'air passer, comme en voiture. Non. Quand même, on allait pas si vite que ça! Le téléphone mural, l'objet le plus défendu de toute la maison, passa à côté de moi, à hauteur d'épaule de mon père. J'aurais aimé qu'il sonne, répondre, crier: «Chus dans les bras de mon père pis c'est la plus grande aventure de toute ma vie!» » Michel Tremblay, Bonbons assortis, p. 56
«Le lavoir
«Pour une heure de travail, une éternité de bonheur.»
Cette bonne pensée est affichée au mur du lavoir, dans la buée des bouilloires fumantes et des cuves. Savonnage, brossage, rinçage, essorage. Tout le linge du mois y passe, petit linge et gros linge. Penchées sur les cuves, les religieuses font la lessive, sans parler, dans un bouillonnement d'eau et un frottement de planches à laver.» Anne Hébert, Les enfants du sabbat, p. 57
Bonne fête nationale du Québec à tous!
@+ Mariane
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