jeudi 27 décembre 2018

La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen

La déesse des mouches à feu  Geneviève Pettersen  Alto  Lu en audio Raconté par Karelle Tremblay  4h 53 minutes  Disponible gratuitement sur le site de Radio-Canada


Résumé:
Le jour de ses quatorze ans, le père de Catherine emboutit le camion neuf de sa mère dans l'arbre qu'elle adore, marquant ainsi les débuts de la désagrégation du couple.  Sous le regard réaliste et impitoyable de leur fille, ils se séparent.  Catherine entre alors dans une nouvelle phase: de nouveaux amis, de nouvelles expériences, la rébellion de l'adolescence dans toute sa splendeur vu de l'extérieur, mais vu par ses yeux à elle.

Mon avis:
Ce qui est remarquable dans ce livre, c'est la voix de Catherine.  On est avec elle, littéralement, comme ça se passe dans la tête d'une adolescente.  Il n'y a pas de réflexions avant ou après l'action, il y a les actions, les réactions, rien de plus.  Tout est vécu dans le moment présent et très intensément.  Il y a peu de long terme, elle ne pense que très peu à hier et encore moins à demain.  De plus, elle ne juge pas les gens.  Elle va les traiter de con et la seconde d'après, être leur meilleure amie.  Ce qui ne l'empêche pas d'être d'une lucidité atroce concernant ses parents, entre autre.  Elle comprend les dynamique de leur relation, leurs défauts respectifs, leurs comportements problématiques.

D'ailleurs parlons-en de ses parents.  Si on a beaucoup de reproches à faire à Catherine, quand on regarde ses deux modèles parentaux, on comprend vite d'où ça vient.  Même s'ils se considèrent eux-mêmes comme de bons parents, leur comportement montre où sont leurs failles.  Une caractéristique importante: ils n'écoutent jamais leur fille.  Ils prennent des décisions et ensuite, ils lui en parlent, en lui demandant si elle est d'accord, mais on comprend vite que son consentement est tenu pour acquis par défaut.  Sa mère qui s'éclipse et la laisse seule dès qu'elle a un nouvel amoureux, son père qui prend toutes les décisions sans tenir compte de son âge ou de son niveau de maturité.  Mais surtout l'argent: la première promesse de sa mère quand elle quitte son père est qu'elles continueront à aller dans le sud trois fois par année...  Cette obsession pour les biens matériels, commun aux deux, est pitoyable à voir, surtout dans l'oeil décapant de Catherine, qui au fond, n'est guère mieux.

Catherine prendra donc une direction que d'un point de vue extérieur, on qualifierai de mauvaise.  Fréquentations louches, drogues, party, sexe, vol dans les magasins, tout y passe.  La drogue surtout, qui traverse le roman.  Pourquoi elle en prend?  Elle ne l'explique jamais, elle sniffe sa dose et se retrouver gelée, a peur d'en manquer, cela s'arrête là.  Mais comme on voit tout à travers ses yeux, on comprend une chose importante: Catherine n'a pas du tout l'impression de s'enfoncer.  Elle vit sa vie tout simplement.  Comme ses parents sont incapables de communiquer, perdus dans leurs conflits et perdus même dans leurs propres vies qu'ils ne savent pas gérer, elle fait ce qu'elle veut et suit ses mouvements d'humeur, même s'ils sont mauvais.  Tout en elle étant action/réaction aux événements, elle ne voit ni le bien, ni le mal.  Juste son intérêt.  C'est justement dans cette façon de voir et de raconter que l'on comprend le mieux Catherine.  Il n'y a aucun pathos.  Les grandes épreuves qu'elle vit sont à la même hauteur que les petits tracas du quotidien.

Autre point fort du roman: les références culturelles.  Ce livre est une plongée dans les années 90, la musique, les films, les vêtements, l'ambiance.  De la coupe de cheveux de Mia Wallace, au suicide de Kurt Cobain en passant par les mix de musique sur cassette, on retrouve l'ambiance d'une époque.  De plus, tout se passe à Chicoutimi, en région, ce qui donne une tonalité très différente des ambiances souvent montréalaise ou petite ville de banlieue des romans pour adolescents.

L'adaptation en audio a choisi la voix de Karelle Tremblay, une adolescente ayant un léger accent saguenéen.  Elle a la retenue, le côté boudeur et la fraîcheur de Catherine dans sa voix.  C'est juste parfait.

Un excellent roman.

Ma note: 4.75/5

2 commentaires:

Gen a dit…

J'avais adoré aussi! Contente de savoir qu'ils ont pris quelqu'un avec le bon accent pour le lire! (J'aurais pas imaginé ça lu avec une voix "Radio-Canada" standard! :p )

Prospéryne a dit…

Tout en ayant l'excellente prononciation radio-canadienne, le ton et la manière de raconter de cette histoire, la manière d'accélérer sur certains mots et d'étirer certains syllabes étaient typiques de l'accent saguenéen. Je dirais qu'avec ce livre, on a le meilleur de deux mondes.