mardi 19 mai 2015

Le besoin d'être guidé

Salut!

Je suis tombée sur cet article sur lapresse.ca il y a quelques temps.  On y parlait du métier de disquaire, mais avant tout de sa fonction première que l'on oublie trop souvent: le conseil.  Un disquaire, ce n'est pas qu'un vendeur de disques, c'est avant tout un fin connaisseur de la musique.  Il ne connaît pas que les derniers tubes pop à la mode, il va aussi connaître ce charmant chanteur de jazz qui vient de sortir son troisième disque.  Ou la chanteuse africaine qui fait de l'indie-pop.  Et tous ces groupes de rock, alternatif, hip-hop et autres artistes émergents.  Et surtout, il est au courant de ce qui se brasse dans la musique, des artistes qui montent et les autres qui font un travail à surveiller.  Il ne les connaîtra pas tous, bien sûr, mais il sera toujours un mélomane plus érudit que la moyenne des gens.  J'ai un ami qui fait ce métier.  J'adore ses conseils.  Justement parce qu'il connaît son affaire.  Il est un «vrai» disquaire.  Évidemment, il y aura toujours des vendeurs de disques plus préoccupés par leurs chiffres d'affaire que par la qualité du service et du choix en magasin.  Ce sont aussi ceux qui sont les plus sensibles aux variations de ventes étant donné qu'ils misent essentiellement sur le volume de ventes pour assurer leur survie et non sur une fidélisation de la clientèle à long terme.

C'est la même chose avec les librairies dans le fond.  Certes, une librairie est un endroit où l'on vend des livres, mais avant tout un endroit où l'on entre pour se faire conseiller, se faire guider dans le monde labyrinthique de la littérature d'aujourd'hui.  On s'attend d'un libraire qu'il ait une connaissance approfondie des livres et on veut qu'il nous conseille.  En entrant dans une librairie, on s'attend à avoir ce genre de services.  Sauf que l'on ne devient pas libraire en criant ciseau.  Il faut avant tout la passion.  Il faut aimer les livres.  Ne pas les regarder uniquement pour leur valeur de vente, mais aussi pour leur valeur littéraire, pour l'intérêt qu'ils peuvent susciter chez des lecteurs.  Ça demande du temps, du doigté et un certain flair, des talents qui ne se développent pas en un jour.  C'est dans beaucoup de cas un métier que l'on apprend sur le tas et j'ai même remarqué que les meilleurs dans le domaine sont ceux qui y arrivent un peu par hasard et qui font le travail au lieu d'essayer de se couler à un moule.  Parce qu'il y a autant de libraires qu'il y a de librairie.  Et que chaque libraire apprend à s'adapter à sa clientèle.

Conseiller dans le domaine de la littérature est un exercice d'équilibriste.  On ne sait jamais à l'avance, le détail qui fera reculer un lecteur, le style qui le rebutera.  On apprend à connaître nos clients, à tisser entre eux et les livres ce fil qui fait tomber le bon auteur dans les bonnes mains.  Reste que souvent, on croise des lecteurs perdus dans les librairies.  Des lecteurs qui ne demandent rien de mieux qu'à être guidés, conseillés.  Parfois, ils ne savent même pas ce qu'ils veulent en mettant les pieds dans une librairie.  Mais ils savent qu'ils peuvent compter sur l'expertise de quelqu'un en mettant les pieds là.  Quelqu'un qui connaîtra son affaire et qui sera au courant de ce qui se brasse en littérature.  Et ça c'est précieux.

À part les libraires, qui prend le temps aujourd'hui d'être au courant de tout ce qui se passe dans le milieu du livre?  La vitesse à laquelle tout bouge et change amène le besoin d'être guidé.  Et donc à des professionnels.  Mais pour qu'ils existent, il faut qu'ils puissent en vivre...

@+ Mariane

8 commentaires:

myr_heille a dit…

Je sais que ce sujet est vraiment important pour toi et j'espère ne pas te froisser avec mon commentaire, mais personnellement, je n'ai jamais eu besoin de conseils d'un libraire pour trouver des livres à lire. J'ai l'impression qu'une fois qu'on est "experts", ou un grand lecteur comme toi et moi, ce n'est plus nécessaire. On dirait que chaque livre lu ajoute 2-3 livres à la pile à lire. Avec GoodReads où j'attrape toutes les critiques positives de mes amis, je ressens jamais le besoin de demander des suggestions à quelqu'un...

Prospéryne a dit…

Tu ne me froisses pas ;) Par contre, j'aimerais te souligner que tu es experte dans un ou deux domaines (et moi de même!), la quantité de livres publiés empêchant de l'être davantage. Si tu cherches un livre sur un sujet précis, par exemple, de santé pour ta fille, tu risques d'être perdue assez vite. Ou si tu cherches des albums pour celle-ci afin de l'initier à la littérature? Ayant été en librairie et ne l'étant plus, je peux te dire que la différence est énorme. J'ai un ami qui est encore libraire et je suis ahurie devant les trucs dont je n'entends jamais parler et qu'il voit passer. Les pairs aident, mais à un moment donné, avoir quelqu'un de spécialisé et qui fait ça à temps plein est précieux devant l'abondance de l'offre.

Gen a dit…

Je me demande si, comme le souligne Myr_Heille, le milieu du livre ne vit pas une situation particulière : passé l'âge scolaire, il y a peu de lecteurs "moyens". Il y a les lecteurs avides (qui pourraient devenir libraires) et qui n'ont donc pas besoin de conseil. Et il y a les lecteurs occasionnels, qui ne penseront probablement pas à demander conseil à un libraire. Entre les deux, c'est un peu le néant.

Gabrielle Syreeni a dit…

Pour répondre à ta question, je dirais les Recherchistes culturel, peut-être. Et les journalistes culturels ou spécialisés dans le livre. Et les représentants de distributeurs.

Prospéryne a dit…

Les représentants des distributeurs n'ont pas le choix, ayant fait le métier, je peux te le confirmer! Pour le reste, je remarque que ce sont des métiers de prescripteurs qui attirent ton attention. Justement, le métier de libraire en est un ;)

Prospéryne a dit…

Ouch, désolé Gen, mais là, ton commentaire fait mal à mes yeux :(

«Il y a les lecteurs avides (qui pourraient devenir libraires)»

Euh, c'est un peu comme si tu disais que la dame qui tient un journal depuis ses douze ans serait capable de pondre un best-sellers juste parce qu'elle écrit beaucoup et depuis longtemps... Je sais que ton idée exprimée ainsi est incomplète, mais honnêtement, c'est tellement méconnaître la réalité du métier!!! Il y a un pas et une marge entre dire que l'on lit avidement et connaître être capable de vendre les livres, de faire les liens entre les lectures passées et celles susceptible de plaire, de parler des livres pour donner envie de lire, pour être capable de comprendre les besoins de la personne que l'on a en face de nous... Ok, je l'ai déjà fait, j'en vois tous les défis et toutes les nuances, ce qui n'est peut-être pas le cas de quelqu'un qui ne l'a pas vécu. Cependant, c'est faux, archi-faux de dire que les lecteurs avides n'ont pas besoin de conseils. Ils vont en chercher PARTOUT!!!! Parce que justement ce sont les gens les plus à la recherche de conseils, parce qu'ils veulent en savoir plus! Mais c'est impossible de tout connaître à moins de passer des heures de fouilles sur Internet, temps qu'on a pas à passer à lire et encore! Si je puis utiliser une comparaison, le poste de libraire est comme la personne qui reçoit les SP chez Solaris ou Alibis: elle voit TOUT passer, le pire comme le meilleur. C'est justement ce siège, cette position qui permet de mieux conseiller parce qu'on est au courant de presque tout. Évidemment, c'est impossible physiquement de tout connaître en profondeur vu le nombre de publication, mais un librairie en connaîtra toujours plus long qu'un lecteur avide parce qu'il aura vu passé dans ses mains une quantité très supérieure de livres. À moins d'être un professionnel, c'est excessivement dur de suivre le rythme. Je sais de quoi je parle, il y a un gouffre immense dans ce que je connais depuis que je ne suis plus libraire.

Gen a dit…

S'cuse moi, je ne voulais surtout pas t'insulter! Mais c'est que je suis une lectrice avide et la job de libraire m'a toujours intéressée, alors j'ai généralisé. Justement parce que j'aurais ainsi vu passer plein de trucs qui, pour le moment, sont difficiles à repérer. :) J'ai toujours l'impression que tout lecteur avide est capable de faire des liens entre les lectures et de vendre ce qu'il a lu, mais tu as raison : ce n'est pas nécessairement le cas (et là je pense à deux ou trois exemples de personne où ce n'est certainement pas le cas! lolol!)

Désolée, commentaire écrit trop vite! ;) (je blâme le fait que je l'ai écrit en rush avec la puce sur les genoux).

Ce que je voulais dire, c'est qu'il me semble qu'en littérature, les consommateurs sont souvent "tout ou rien" : ils savent ce qu'ils cherchent et ne pensent pas à consulter le libraire ou alors ils ne lisent pas vraiment, ne savent pas que le libraire existe et partiront avec le dernier best-seller présenté en grosse pile à l'entrée. Ma sœur a travaillé dans un magasin de musique et la majorité des gens qui venaient acheter des CD lui posaient des questions. C'est pas le cas en librairie.

Prospéryne a dit…

Tu ne m'insultes pas tant que ça Gen, tsé, j'en aie entendu des biens pires! Mais ça me fera toujours réagir, on ne se refait pas... (Oh et puis, l'excuse de la puce est très bonne! :P )

Pour faire la comparaison avec ta soeur et le magasin de disque, c'est vrai que ce ne sont pas les mélomanes qui viennent le plus chercher de conseils chez un disquaire. Mais ils adopteront souvent un magasin en sachant qu'ils peuvent y trouver ce qu'ils cherchent. C'est un peu la même chose en librairie.

Quand aux lecteurs moyens et bien, souvent, c'est qu'on ne les remarque pas, mais ils viennent en librairie. Des fois, les libraires sont juste là pour chauffer le moteur et ensuite, ils se débrouillent seuls pour trouver leurs lectures, mais ils reviennent acheter (ou ils vont à la bibliothèque!). Ou encore, ils passent à autre chose. Ce n'est pas une clientèle stable, je le reconnais, mais ce sont des gens qui autrement ne franchirait pas le pas vers les lecteurs avides dans bien des cas. D'où l'importance du métier. Et aussi parce que les libraires se font un métier de parler de livres à longueur de journée. Qui d'autres fait ça de nos jours? S'ils n'étaient plus là, je ne donne pas long du milieu du livre!