Michael Jackson, Arthur C. Clarke, Marion Zimmer Bradley, J.K. Rowling... Toutes des personnes qui ont été pointées du doigt pour leurs comportements ou opinions récemment, ceux-ci n'étant pas disons, exemplaires. Je ne mentionne ici que quelques exemples et que des exemples qui sont relativement connus. Je pourrais ajouter tous les films d'Harvey Weinstein à la liste. Possiblement ceux de Woody Allen. Et combien d'autres oeuvres d'art, qui sont plus ou moins anciennes? Je peux savoir que Léonard de Vinci a probablement eu un amant qui n'avait que dix ans lors de leur rencontre et continuer à regarder la Joconde. Je peux savoir qu'Alexandre Dumas a eu un paquet d'enfant hors-mariage et qu'il courrait allègrement la galipote sans pour autant bouder mon plaisir à lire Les trois Mousquetaires. Et pourtant...
La question de où commence l'oeuvre et où finit le créateur est une question qui reste d'actualité même si des générations de critiques et de penseurs avant nous se sont cassés les dents dessus. Parce que ce n'est pas une question si simple. «On ne parle que de soi, commentez», est une question qui est souvent posées aux auteurs dans une émission de radio que j'écoute régulièrement, Plus on est de fous, plus on lit. La plupart des auteur.e.s auquel on pose la question répondent que oui. Alors, dans ce cas, les oeuvres des artistes que l'on ne peut moralement endosser, on en fait quoi?
Le hic, c'est que l'on peut avoir envie de passer un.e auteur.e dans le tordeur... sans que rien ne transparaisse dans son/ses oeuvres. Avant ses commentaires transphobes, on connaissait avant tout les Harry Potter pour leur ouverture à la différence. Et même avec ses commentaires transphobes, l'oeuvre n'a pas changé, elle porte toujours le même discours. On n'avait juste pas remarqué l'angle mort de J.K. Rolwing dans ses livres, parce que ça n'y était pas. Si on relit à la lumière de ses récents commentaires, ça nous sautera peut-être aux yeux, mais justement... l'aurait-on vu sans ça?
Puis-je continuer à me trémousser sur Thriller? Parce que Michael Jackson a régulièrement été accusé de pédophilie. Or, quelle pédophilie y-a-t-il dans ses oeuvres? Ok, rien de contentieux dans Thriller, mais dans Billie Jean ou dans P.Y.T? Là, il y a un flirt qui justement, hors-contexte ne transparaît pas. On est loin des oeuvres de Gabriel Matzneff... Mais ça reste là et une fois qu'on a ouvert les yeux, l'ignorer devient plus difficile.
On peut savoir que l'artiste est loin d'être au-dessus de tous reproches, mais quand même apprécier ses oeuvres. On peut refuser de côtoyer des oeuvres quand ceux et celles qui les ont produites choque notre conception du monde. J'ai cessé d'écouter les pièces des Piano Guys après leur performance à l'inauguration de Donald Trump... même s'ils ne l'avaient pas endossé, ni rien. Parce que je ne pouvais juste pas. J'ai mis longtemps à regarder leurs vidéoclips après ça. Ils n'ont pourtant pas changé. Mais ma perception d'eux oui. Je ne peux pas entièrement l'oublier. Ça reste comme une petit note discordante à toutes les oeuvres d'eux que j'écoute.
C'est sans doute pour ça que la question n'est pas si simple à répondre. Parce qu'elle dépasse de loin l'oeuvre, la création et l'artiste. L'oeuvre peut exister sans l'artiste, mais ne peut avoir été créée sans lui. Et à partir de quoi créé l'artiste? Sa propre vie. Et c'est là tout le problème.
Je ne pense pas que la question sera jamais tranchée complètement, ni dans un sens, ni dans l'autre. Parce que justement, ce n'est pas une question simple; elle mêle plusieurs couches de sens et de création, de ce que fait l'artiste quand il crée et de ce que reçoit la personne qui entre en contact avec son art. Tout ça est beaucoup trop protéiforme pour être réduit à une question de oui ou de non on doit envoyer une oeuvre, quelle qu'elle soit, dans les limbes de l'oubli.
@+ Mariane
4 commentaires:
Je pense que dans le cas des écrivains, c'est plus facile de départager l'oeuvre de l'artiste. Si l'oeuvre ne parle pas des horreurs commises ou encouragées par l'artiste, on peut passer outre. Continuer d'apprécier l'oeuvre. Avec le matériel visuel, c'est plus dur. Par exemple, c'est difficile d'oublier que Kevin Spacey s'est servi de son allure et de son charisme pour commettre des actes dégueux quand on voit ce même charisme à l'écran au service d'un film ou d'une série télé.
Je pense qu'on finit par devoir chacun tracer la ligne là où on est à l'aise.
Et surtout, sans renier des oeuvres qu'on aime déjà (comme les Harry Potter), on peut boycotter les oeuvres suivantes d'un artiste sur lequel on découvre de puants secrets.
Il y a aussi le contexte, le terreau d'injustices vues comme "normales" enracinées dans la société, à l'extérieur des oeuvres, qui va accentuer l'impression négative des passages équivoques (pour être polie) dans les oeuvres.
En gros, si tout allait très bien, par exemple, sans que des noir-es se fassent battre/tuer par la police, et si les personnes racisées occupaient des postes autant que les blancs, l'impact d'un passage occasionnel dans un livre ou d'un mot dans un cours serait moindre.
Idem pour le sexisme en général. Je suis devenue allergique à certaines situations parce que je les ai vécues de l'intérieur. Je n'empêcherais pas cependant d'autres d'écrire selon leur inclination, mais je trace une ligne aux commentaires haineux/méprisants.
Hum, je crois que je suis plutôt d'accord, on finit tous par tracer nos propres lignes à ne pas dépasser.
Ah, c'est sûr que le contexte et le poids de l'histoire joue un énorme rôle.
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