lundi 11 janvier 2016

Quand passe-t-on de l'ado à l'adulte?

Salut!

Il y a, dans les rayons des librairies et sur les tablettes des bibliothèques, une catégorie qui tend de plus en plus à s'imposer: le young adult.  Cette catégorie, à cheval à la fois entre la littérature jeunesse et la littérature pour adulte a comme caractéristique principal de mettre en scène des adolescents qui en sont justement à franchir le cap de l'enfance vers l'autre grande étape de leur vie, l'âge adulte.  Dans la grande majorité, les héros de ces histoires ont entre 15 et 17 ans, l'âge charnière où l'on est plus tout à fait un enfant, plus dépendant totalement de nos parents, mais pas encore indépendant, autonome. À cheval entre deux périodes donc, un pied dans l'un pour certaines choses, mais plus du tout dedans pour d'autres.  Mais comment fait-on pour différencier les deux?

Croyez-moi, la ligne est dure à tracer.  Parce que le young adult ou la littérature pour adolescent en général n'est pas monolithique d'une part et que, comme les adolescents, elle a tendance à fouiller partout et particulièrement là où on ne l'attend pas.  Une chose est sûre, ce n'est pas le sujet du livre qui fait la différence.  Toutes les thématiques, des plus légères aux plus lourdes ont été abordées pour les adolescents.  L'avortement, le suicide, la guerre, l'intimidation, la mort, le crime, l'érotisme, la maladie, nommez-les, lâchez-vous, tous ces sujets ont déjà été abordés dans des romans pour adolescents.  Il y a pas de limites réelles à ce niveau.  En terme de traitement, oui, tous auront une teinte différente s'ils sont écrits pour des ados.  Même et surtout la sexualité.  Mais on ne peut dire d'un livre qu'il est pour les adultes ou l'autre pour la jeunesse à cause du sujet, parce qu'ils peuvent être également traités dans les deux catégories.

Ce n'est pas non plus sur l'âge ou la maturité des personnages.  Il n'y a qu'à penser aux héros de Stéphane Dompierre, des hommes pourtant dans la trentaine qui réagissent à tout comme une bande d'adolescents alors qu'ils sont pourtant des adultes...  Et des adolescents, surtout ceux qui font face à beaucoup de difficultés, peuvent avoir une grande maturité dans leurs actes et leur vision du monde.  De la même façon, des romans pour adultes mettront en vedette des adolescents, sans que le roman soit le moindrement du monde destiné à un public de l'âge des personnages.  L'âge et la maturité n'ont rien à voir là-dedans.

L'expérience?  On parle ici de l'expérience de vie.  De celle qui fait réfléchir sur le monde, de celle qui nous le fait remettre en question.  Je crois que oui, cela a un rôle à jouer.  Un rôle réel d'ailleurs.  Mais à mon avis, ce n'est pas ce qui trace la ligne entre les deux.  Parce que l'expérience ne détermine pas tout.  On peut avoir beaucoup d'expérience dans la vie comme les enfants des quartiers difficiles et pourtant rester un adolescent.  Le cap de l'âge adulte y sera plus facilement et plus rapidement franchi, mais ce n'est pas le vécu qui détermine le fait qu'un roman verse dans le young adult plutôt que dans l'adulte.

Je crois que ce qui fait la différence fondamentale entre un roman destiné aux adolescents et celui destiné aux adultes est le compromis.  L'adolescent croit qu'il peut changer le monde, est persuadé qu'il peut tout faire et qu'il n'a aucune limite.  L'adulte sait que ce n'est pas le cas.  C'est cette vision des choses qui fait la différence.  Avec l'âge adulte vient la désillusion sur le monde, vient la compréhension que rien n'est tout blanc ou tout noir, que l'on doit faire avec bien des réalités auquel on ne peut rien changer, alors que pour un adolescent, tout est possible et tout est faisable.  Cette espèce de sentiment d'invulnérabilité, peut importe ce qu'ils affrontent, est le propre des héros adolescent.  Katniss Everdeen croit pouvoir gagner les Hunger Games, Tris Prior croit pouvoir cacher son secret, Harry Potter espère gagner contre Voldemort, mais aucun d'entre eux, pour ne nommer que ces héros archi-connus, ne sont pleinement conscient des risques et des enjeux et ils foncent la tête baisser vers leur but.  Et ils ne négocient jamais sur leurs principes de base.  Ils croient qu'ils peuvent façonner le monde à leur manière.  Qu'ils sont assez forts pour le faire, qu'il peuvent le faire.  Comme tous les ados.  Comme bien des adultes continuent de rêver que le monde soit.

Le compromis, la négociation, le renoncement, l'ajustement au monde, n'est pas le propre des romans pour ados.  C'est le propre d'un adulte qui a compris que le monde ne tourne pas autour de lui et agis en conséquence pour y vivre au mieux.

@+ Mariane

7 commentaires:

Gen a dit…

Hum... Je ne suis pas sûre que je suis d'accord avec ton analyse, puisqu'on a souvent vu dans les romans adultes des héros tout blanc, pourfendeurs de tous les torts, qui refusent les compromis. (Il ne me vient pas de nom à l'esprit, puisque j'ai tendance à fuir ce genre de héros naïfs, mais je suis sûre que si j'y réfléchis, ça me reviendra). Cela dit, j'avoue qu'ils se font plus rares ces dernières années.

En Young Adult, les personnages ont souvent l'âge des lecteurs visés. Ce sont des adolescents ou de jeunes adultes. Et, surtout, même si on aborde toutes les thématiques, on les aborde toujours sous l'angle de la découverte. Le roman Young Adult, c'est toujours un Coming of Age Story. Le héros y devient véritablement adulte.

Enfin, dans le premier tome ou la première trilogie. Après, des fois, ça s'étire un peu! ;)

myr_heille a dit…

Je suis plutôt d'accord avec Gen, c'est surtout des romans avec des adolescents comme personnages principaux. En YA, aussi, il y a généralement plus d'action et moins de temps passé sur le style littéraire (pas que ça soit mal écrit, mais on perd généralement pas trop de temps en descriptions, mettons). C'est probablement pour ça que ça a beaucoup de succès ces temps-ci... ;)

M a dit…

Il y a le New Adult aussi, nouvelle tendance lourde aux USA.

WikiPA a dit…

Je suis d'accord avec Gen, et j'ajouterais aussi que pour moi, le roman pour ados vise un lectorat qui va de 12 à 15 ans environ, mais qui dépasse parfois jusqu'à 16 voire 17 ans. Le « Young Adult » quant à lui, s'adresse surtout à des lecteurs de 18-20 ans et le « New Adult » dont parle Mathieu vise les lecteurs dans la jeune vingtaine où on présente des thématiques qu'on a surtout en YA voire en ados, mais avec des personnages plus âgés.

Pour moi, le roman pour ado en est un d'apprentissage. On y exploite effectivement plusieurs thématiques, très souvent sous l'angle de la « première fois ». Mais dans le roman pour ados, on se rend très rarement au-delà du secondaire. Regarde « Le journal d'Aurélie Laflamme », « Cupcake et claquettes », « La vie compliquée de Léa Olivier », etc. La série se termine systématiquement à la fin du secondaire, parce que rendu au Cégep, ce ne sont plus des ados, mais bien de jeunes adultes (YA). La tendance lourde, en ce moment, dans le YA, ce sont les dystopies et autres histoires post-apocalyptiques. Pourquoi? Probablement pour donner l'impression aux lecteurs YA qu'ils sont les maîtres de leur destinée et qu'ils ont le pouvoir de changer le monde. Quand on analyse la production YA, on se rend compte que les histoires sont très, très individualistes. Tu as le personnage principal qui est vu comme un sauveur/un rebelle/une figure de proue d'un mouvement et ce sont les actions de ce personnage principal qui influencent tout le roman.

Le « New Adult », finalement, cherche à proposer des intrigues plus légères à des lecteurs qui n'ont pas encore envie de se plonger dans la littérature « adulte ». Pour moi, cette tendance lourde est la prolongation logique de la littérature YA, qui elle-même est destinée aux lecteurs ados qui ont vieillis. Bref, on segmente de plus en plus la clientèle en leur proposant des œuvres qui sont supposément ciblées pour eux en fonction de leur âge, mais on ne fait que retarder leur entrée dans la littérature « adulte » dans un but purement mercantile.

Et pour moi, il y a une réelle différence thématique entre le roman pour ados et le YA, sans parler du New Adult. On commence à voir apparaître du roman érotique pour YA qui se réclame de 50 Shades of Grey! o.O Alors que dans le roman pour ados, on est encore et toujours dans l'identitaire. « Qui suis-je? » « Où vais-je? », « Qu'est-ce que je vaux, comme individu »? On voit beaucoup moins ce genre de réflexions en YA et plus du tout en New Adult.

mais bon, il n'en reste pas moins que ton questionnement est non seulement valide, mais fichtrement intéressant, et heureusement pour moi, je suis aux premières loges pour pouvoir l'étudier attentivement! :D

Prospéryne a dit…

Quand tu parles de héros qui refuse tout compromis, je pense automatiquement à Rorschach, l'un des personnages des Watchmen. Mais même lui, pourtant si jusqu'au-boutiste dans son refus du compromis, n'est pas un adolescent dans sa psychée. Il est conscient qu'il ne peut pas changer le monde, il refuse consciemment de laisser ce fait entamer ses actes. Pour les héros en chevalier blanc, moi non plus, je n'ai pas beaucoup d'idées de nom, sans doute parce que c'est plus une vision qu'un personnage réel. À part pour Don Quichotte! :P

En effet, en Young Adult, les personnages ont l'âge de l'adolescence ET leurs aventures se vivent sous l'angle de la découverte. Tu as tout à fait raison, mais j'aime surtout la dernière phrase de ton paragraphe: Le Héros y devient véritablement un adulte. L'essentiel des romans de YA se passent justement AVANT ce moment, avant ce moment où l'on commence à faire des compromis, avant ce moment où l'on cesse de croire que l'on est invulnérable, avant ce moment où l'on croit encore que tout est possible. C'est justement l'intérêt de ce passage qui fait la force du genre. De raconter ce passage, ce moment de la vie à cheval entre les deux.

Ah et oh oui, tu as raison, des fois, ça s'étire vraiment... Et justement, à ces moments-là, on perd l'intérêt parce qu'on tombe dans la catégorie des héros tout blanc et ça ne devient pas intéressant ;)

Prospéryne a dit…

Le style du YA est plus orienté sur l'action en effet, et le style y est totalement adapté. Cependant, pour moi, si ça en fait partie, ce n'est pas une caractéristique du genre en particulier parce que ça peut faire partie du style d'autres oeuvres, comme par exemple le policier qui en général ne s’embarrasse pas beaucoup de longues descriptions non plus (à part pour décrire les scènes de crime! :P)

D'ailleurs qui ne trippent pas sur bon roman bien page turner? C'est vrai que la plupart des YA le sont après tout...

Prospéryne a dit…

Ok, ça paraît que je ne suis plus en librairie: c'est quoi le New Adult?

(En espérant que ce ne soit pas une série d'histoire où la seule différence serait que l'héroïne ait 22-23 ans au lieu de 16-17 ans...)