lundi 18 janvier 2021

Prospéryne

 -Mais d'où est-ce qu'il sort ce nom-là?

La vétérinaire venait d'ouvrir la porte de la salle de consultation.  J'étais assise dans la salle d'attente, une cage contenant mon chaton gris tout neuf sur les genoux.  D'où il venait ce nom-là?  C'est simple, j'avais fait la rencontre de cet adorable chaton une semaine plus tôt.  En la voyant, j'avais tout de suite su: celle-là, elle est pour moi.  Je voulais avoir un chat gris.  Pour la simple raison que j'avais déjà gardé des enfants qui avaient des chatons et que les gris étaient les plus affectueux.  Dès que je l'ai vu, ça a été un coup de foudre, pour sa fourrure, mais pas uniquement.  Je l'avais prise sous les pattes avant et l'avais levée dans les airs.  N'importe quel autre chat aurait rentré ses griffes dans mon bras, incertain de mon geste.  Pas elle.  Elle n'a jamais eu une once de malice en elle et a dû donner moins de dix coups de patte dans toute sa vie.  Dans ma tête, en la tenant dans les airs, ça a fait: Prospéryne.  Et c'est ainsi que je l'ai appelé.  Quelques années plus tard, au moment d'ouvrir mon blogue, j'avais d'abord essayé de le nommer du nom de mon autre chatte, Patchoulie, mais le nom était déjà pris.  J'avais alors levé les yeux de mon ordi et croisé son beau regard vert.  Et voilà pourquoi mon blogue porte son nom.

Et il continuera, même si elle, elle est partie.

La vie de mon petit trésor gris à quatre pattes a pris fin jeudi soir, le 14 janvier 2021, après 13 années passées dans ma vie.  

Prospéryne, mai 2007-14 janvier 2021


Dire que j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps est une assez bonne image.  Elle allait bien durant le temps des Fêtes.  Et puis, après le jour de l'An, j'ai remarqué son manque d'appétit.  Ça lui arrivait de temps en temps, quand elle avait l'estomac plein de poils.  Et après, j'ai remarqué une bosse sur son ventre en la caressant.  J'ai pris rendez-vous pour la faire examiner, mais mon instinct me disait que ça sentait mauvais: j'ai eu des chats plus jeune et croyez-moi, je sais à quel point ça peut partir vite ces petites bêtes-là.  J'avais un espoir, très mince, mais mon mauvais pressentiment a augmenté au fil des jours.  

J'ai pleuré quand le vétérinaire m'a annoncé qu'elle avait l'abdomen plein de liquide et que même si on investiguait pour trouver ce qu'elle avait, le pronostic n'était pas bon.  C'était soit un cancer, soit des problèmes cardiaques et au moment même où on se parlait, il m'a dit qu'elle avait probablement du mal à respirer.  Je crois que je vais être hantée jusqu'à la fin de ma vie par les images des radiographies, montrant son petit ventre distendu jusqu'à la limite de ce qu'il pouvait supporter.

J'ai regardé ses beaux yeux verts.  Elle était calme.  Même les techniciens en santé animale qui l'ont examinée l'ont trouvé remarquablement facile.  Elle ne se plaignait pas, n'a pas craché, n'a pas fait signe de vouloir les mordre.  Elle se laissait faire.  Elle était probablement épuisée et à bout.  Le dernier soir, quand je suis rentrée du travail, juste avant de l'emmener chez le vétérinaire, elle ne s'était même pas levée pour me dire bonjour, ce qu'elle avait pourtant fait chaque soir depuis que je l'avais adoptée.  J'ai eu peur qu'elle soit partie sans moi.  Mais non.  Elle m'a attendu.  Je savais qu'elle souffrait, même si elle ne se plaignait pas.  J'ai préféré ne pas la laisser souffrir plus longtemps.

Main dans la patte, jusqu'à la fin


Je l'ai tenu dans mes bras, tout du long.  Le personnel de la clinique m'a laissé seule avec elle, le temps que je lui fasse mes adieux.  Je l'ai cajolé jusqu'à la toute fin.  Son dernier souffle a été un ronronnement, à l'image de cette petite bête douce et gentille.  Fort heureusement, le personnel de l'hôpital a été compréhensif, surtout face à la cliente larmoyante que j'étais.  Avec les mesures actuelles et ils ont gardé son corps durant la nuit pour que je puisse aller la chercher le lendemain et aller l'enterrer.  Je ne supportais pas l'idée qu'elle finisse dans les poubelles.  

Et là, il y a l'absence, le trou dans ma vie, comme une griffure en continu.  Un chat, c'est un petit être vivant qui emmène une incroyable vie dans un foyer.  Ma Prospéryne était pantouflarde et dormait une bonne partie de la journée, elle était goinfre et vidait ses bols de nourriture en un éclair et elle était peureuse comme quatre mais elle était aussi beaucoup plus que ça.  Elle avait tout un tas de petits rituels avec moi qui la rendait unique.  Elle venait dormir contre mon ventre la nuit et elle attendait que je sois couchée, les bras sous les couvertures pour venir s'installer, même si c'était complètement stupide parce que je ressortais mon bras dans les secondes suivantes pour la caresser.  Tant que mes bras étaient visibles, elle ne sautait pas.  Elle a toujours miaulé d'un miaulement de chaton, presque étouffé, même si elle avait le coffre d'une cantatrice d'opéra.  Attention par contre, si elle était dans une situation qu'elle détestait, comme un tour en voiture où un passage sous la douche, le volume pouvait atteindre des proportions épiques!  C'est elle qui venait s'installer contre moi quand je lisais ou regardais la télévision.  Elle pouvait rester là pendant très longtemps, à se faire gratter le bedon.  C'est aussi elle que je collais contre mon coeur au pire du confinement, quand le manque de contacts physiques frisait la douleur.

Depuis jeudi, je désapprends tous les petits gestes quotidiens qui liaient ma vie à la sienne.  J'ai pleuré en enlevant son bol de nourriture, quand j'ai mécaniquement remis la cuillère dans la canne de bouffe pour servir une deuxième portion, quand je me suis assise devant la télé et que j'ai fait son petit nid où elle venait s'installer dans la couverture...  Des dizaines de petits trucs comme ça, que l'on fait avec les êtres qui partagent notre vie au quotidien.  

En fin de semaine, j'ai passé l'aspirateur et vidé la litière, faisant disparaître les dernières traces de son passage chez moi.  Il me reste une touffe de poils et ses empreintes de pattes.  C'est tout.  Juste ça après treize années de vie commune.  

J'ai toujours ma Patchoulie et elle va bien.  Fort heureusement.  Sans ça, je ne suis pas sûre que j'aurais supporté le vide.  Elle a toujours été moins affectueuse que Prospéryne, mais elle est là, à sa façon à elle.  Ceci est un dernier hommage à une petite personne qui a vécu toute sa vie avec moi et qui me manque terriblement, même si elle restera toujours avec moi, mon identité numérique étant fortement liée à elle.  Et ça ne changera pas.  Je sais que ce n'est pas tout le monde qui a la même relation avec ses animaux de compagnie, mais moi, j'ai toujours considéré ces petits êtres comme des membres de ma famille.  Attention, je sais bien que ce ne sont pas des êtres humains, j'ai bien conscience que c'est d'un chat dont on parle, mais sa petite présence était quotidienne et me manque terriblement.  Je n'ose même pas penser au vide de ceux qui ont perdu un membre de leur famille en ces temps de pandémie...  J'ai un merveilleux réseau de soutien.  J'ai une famille et des amis qui m'ont entouré (virtuellement et par téléphone) depuis son départ.  Ça va aller, je vais passer au travers.  C'est juste qu'en ce moment, c'est dur.

Je tenais à faire ce billet, parce que c'est ma façon de lui dire: 

Bon voyage au paradis des chats, Prospéryne

@+ Mariane

4 commentaires:

nathalie FT a dit…

Des gros hugs. Oui c'est qu'un chat, C'est ce que diront peut être certains. Elle a partagé ta vie, vu ce que d'autres ne voyaient pas. Donné de l'affection. Oui cela compte, un être vivant qui est là tous les jours, qui a sa place dans le quodien. Merci de nous partager ces moments privilégiés entre vous. Je repense à ma belle Saba, elle a eu une belle vie aussi et elle me manque. Bravo pour ce bel hommage et des gros hugs.

Prospéryne a dit…

C'était ma façon de lui rendre hommage, c'était une merveilleuse petite chatte et elle m'a beaucoup donné au fil des années. Et bon, mon blogue porte son nom, je ne me sentais pas capable de ne pas en parler ici.

Chat Pitre a dit…

J'ai perdu mes 2 compagnons de vie l'année dernière et on se dit que c'est trop dur, que l'on en reprendra pas. Et puis 4 mois plus tard un être vous regarde avec ses yeux de matou à l'école du chat. Vous fondez et vous le prenez, puis vous vous proposez comme famille d'accueil pour 6 chatons et leur mère. Et vous en gardez un. Voilà mon histoire de 2020. Il s'appelle Vasco et Phébus et ils remplissent la maison sans pour autant faire oublier les 10 autres qui les ont précédés. Bon courage. CHRISTINE

Prospéryne a dit…

Merci Christine! Pour l'instant, il en reste une et j'ai bien l'intention de m'en occuper autant et aussi longtemps que je le pourrais.