lundi 19 août 2019

Les livres qui nous hantent

Salut!

Quand j'étais en secondaire 5, j'ai lu un livre dont une scène m'a marquée.  C'était une autobiographie et même plus de vingt ans après, j'ai l'impression que ce livre a laissé une brûlure au fer rouge dans ma mémoire.  Le sujet n'a au fond pas d'importance, ce qui est important, c'est l'impact.  Ce livre, surtout cette scène, me traverse encore l'esprit régulièrement.  Comme une trace que les mots ont laissé dans ma tête.  Ça peut paraître bizarre, mais certains livres nous hantent, même longtemps après les avoir refermés.

Il y a des livres dont l'impact est immédiat, tangible.  On le ferme, et pourtant, on est encore prisonnier de ses images, de ses concepts, de son histoire.  Certains éléments de l'histoire nous fascinent ou nous répugnent, au point où on n'arrive pas à oublier.  On est hanté.  Hanté par une histoire.  Il y en a d'autres dont on minimise l'impact.  On a tiqué à la lecture, ah ça oui!  Mais le lendemain, on pense avoir oublié.  Sauf que ça revient, encore.  Dans les moments les plus inattendus.  Cette histoire laisse des traces.

Attention, ici, il y a une distinction importante à faire avec la littérature d'horreur en général.  Un lecteur qui s'y frotte cherche les sensations fortes.  Une lecture qui nous hante va chercher la peur à un niveau beaucoup plus personnel.  Ce n'est pas la même chose.

Je crois que les livres qui nous marquent le sont avant tout pour des raisons personnelles: notre passé, notre histoire, mais aussi, beaucoup plus profond, nos peurs.  Parce que ce qui finit par nous hanter, résonne souvent parmi nos craintes les plus intimes, nos anxiétés, nos traumatismes petits et grands.  La littérature a ce pouvoir: nous mettre dans la face ce qui nous dérange.  Les auteurs ne sont pas des bibittes différentes du reste du genre humain: eux aussi ont leurs propres craintes, leurs propres angoisses.  Parfois de l'écrire (et je commence de plus en plus à pencher sur cette hypothèse) permet de l'exorciser, d'en parler, d'y faire face d'une certaine façon.  Sauf que l'auteur contrôle ce qu'il écrit, il peut changer l'histoire, l'atténuer, en couper des bouts, la rendre plus ou moins acceptable pour lui (ou elle).  Ce que le lecteur reçoit, ça lui appartient.  Et personne n'a de contrôle sur ce qui le marquera.

Les histoires qui nous hantent le font parce qu'elles sont en résonance profonde avec ce qui nous terrifie, mais surtout parce que cela donne un exemple concret à notre esprit pour se fixer.  Tant que c'est une crainte indistincte, on peut garder ça à la périphérie de nos pensées.  Si on l'a eu en dessous du nez, si on peut s'identifier à l'histoire, aux personnages, on a un point d'ancrage à donner à nos peurs.  Et notre imagination se charge du reste.

La littérature est donc une porte d'entrée vers ce qui nous terrifie, mais aussi une façon de les combattre, parce que justement, elle pousse à les affronter, de façon indirecte, mais réelle.  Lire une description d'une noyade pour quelqu'un qui a peur de l'eau peut être aussi terrifiant que de le vivre, mais sans être réellement en danger.  Ça ne veut pas dire que le livre ne hantera pas la personne pendant des jours, des semaines, des années.  Juste à cause de cette scène.  Et ce même si des milliers d'autres lecteurs n'ont pas tiqué à la lecture.  Confronté à l'eau, cette personne aura la description en tête.  Ça peut stimuler sa peur ou au contraire, la pousser à la voir autrement, à mieux analyser le danger, réel ou imaginé.  Peut-être de la vaincre.  Peut-être pas.  Ça lui restera en tête, ça c'est certain.

Un livre hantera un nouveau lecteur, mais ce n'est pas la faute du livre.  Ce sont les peurs intimes du lecteur qui résonne un peu trop avec le récit qu'il a lu.

@+ Mariane

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