Salut!
Dans le langage des maisons de haute couture, les petites mains sont les innombrables ouvrières qui réalisent les robes de rêve qui défilent sur les podiums. Tailleuse, brodeuse, plieuse, ourleuse, perleuse et autre sont des femmes (le plus souvent) qui ont du métier et de l'expérience dans leur domaine. Leur immense talent est souvent précis, dans un domaine particulier, mais il est indispensable pour la réalisation du but final de l'entreprise: créer des vêtements destinés à attirer le regard et à briller de mille feux.
Sans elles, pas de mannequins, pas de défilés, pas de photos léchées dans les magasines, pas de tapis rouge et même au global, d'industrie de la mode.
Toutefois, à part les gens qui travaillent au sein de l'industrie, personne ne peut nommer le nom d'aucune d'entre elles. Même si leur travail est indispensable. Tous n'en ont que pour le ou la designer. C'est l'esprit créatif derrière les vêtements, c'est à cette personne que vont tous les éloges et le mérite. Sans une bonne équipe toutefois, rien ne peut exister.
C'est à toutes ces personnes de l'ombre derrière les grandes créations auquel j'ai pensé lorsque le scandale concernant le comportement de Neil Gaiman a surgi dans les médias. Parce que le prolifique auteur était surtout connu ces dernières années pour son travail d'adaptation de ses oeuvres au petit écran. The Good Omens pour n'en nommer qu'un seul, qui avait une troisième saison complète de prévue, n'aura finalement droit qu'à un final de 90 minutes. Bon, entendons-nous, David Tennant et Michael Sheen vont se retrouver du boulot, je ne suis pas inquiète pour eux. Mais les décorateurs, maquilleuses, coiffeuses, éclairagistes, preneurs de sons et toutes ces autres personnes indispensables à une production télévisée se retrouvent elles, au chômage. Ils sont indispensables au succès de cette série, mais ils aussi sont les premiers à souffrir de l'annulation prématurée de celle-ci. Ainsi en a-t-il été des employés de The Weinstein compagny: ils n'avaient rien à voir avec les agissements de leur patron, ils se sont quand même retrouvés au chômage.
L'impact des agissements de certaines personnes, le plus souvent des hommes, dans la sphère de leur intimité, dépasse largement le cadre de celle-ci. Tant mieux pourrait-on se dire, tellement certains d'entre eux ont pu agir dans l'obscurité en parfaits salauds, voir en criminels et continuer leur carrière sans le moindre problème. Ceci dit, l'impact sur les autres personnes impliquées dans leurs projets est disproportionné: eux et elles n'ont rien à voir avec ces actes... Mais ils devront de nouveau se trouver un boulot pour mettre du pain sur la table dans un milieu où il y a toujours beaucoup d'appelés, mais peu d'élus.
Tout ça parce que les idées, la création, l'imagination sont encore entourées d'un aura de mystère qui fait que les créateurs ont un statut à part. Ils sont le sommet de la pyramide, mais on oublie si facilement qu'une pierre au sommet d'une pyramide n'est rien sans les centaines d'autres qui sont en dessous d'elle. On pourrait dire la même chose d'une maison d'édition: les auteurs sont sur le devant de la scène, mais les directeurices littéraires, les réviseuses, les responsables de la promotion, tout ce beau monde en prendra pour son rhume si l'une de leurs plumes est éclaboussée par un scandale.
Pas pour rien que l'on en vienne à mettre de la pression sur les créateurs pour garder leur vie intime en ordre: de là dépend beaucoup de choses. L'éléphant dans la pièce est que cela aurait toujours dû être ainsi. Le rééquilibrage des privilèges que l'on vit est dur, mais nécessaire. Il y aura encore beaucoup de chute du piédestal et de personnes dont on découvrira que l'image ne correspondait pas à la personne. Sauf que remettre les pendules à l'heure a un coût. Et c'est surtout cruel pour toutes les petites mains qui paient pour les actions des autres.
@+ Mariane