lundi 16 novembre 2015

C'est la faute à Tolkien...

Bonjour!

L'autre jour, en repensant à tous les romans de fantasy que j'ai lu, je me suis rendue compte d'une constance quasi-navrante: ils se passent à peu près tous à une époque vaguement médiévale.  Comment je fais pour dire ça?  Et bien, premièrement, ils utilisent à peu près tous des chevaux, ont des structures sociales proches du féodalismes (roi, reine et suzerain en général), des valeurs souvent chevaleresques comme l'obéissance à l'autorité, les gens vivent la plupart du temps dans des châteaux où les paysans s'occupent des terres et d'autres font la guerre, etc, tout ça avec de la magie omniprésente.  Dans la plupart des cas je dis bien.  J'aurais aussi pu ajouter que souvent les pouvoirs religieux et séculiers se mélangent, que le personnage d'aubergiste médiéval est quasiment toujours là et que les conditions de vie en général sont celle qui prévalaient à l'époque, mais encore là, j'entre dans le domaine des petites variables.  Certains l'ont, d'autres pas, dépendant de l'imagination de leurs auteurs.  Mais reste que c'est plus rare d'entendre parler de montures reptiliennes ou de centres commerciaux dans un roman de fantasy que de science-fiction où l'imagination est bien plus débridée...

Pourquoi donc est-ce comme ça, pourquoi cette obsession pour le Moyen-Âge.  La réponse facile est simple: c'est la faute à Tolkien!!!  Non, mais pensez-y bien: dans Le Seigneur des Anneaux tout comme dans Bilbon le Hobbitt, les personnages se déplacent à cheval, vivent dans des châteaux si cela correspond à leur classe sociale, les valeurs chevaleresques sont très présentent, on voit très bien que certains sont des guerriers et d'autres des serviteurs...  Entre autres.  Parce en y repensant bien, je vois bien plus dans Tolkien une métaphore du Haut-Moyen-Âge, l'époque qui a suivi l'effondrement de l'Empire romain, plus que du Bas-Moyen-Âge, période auquel on se réfère bien plus souvent avec ses chevaliers, ses belles dames et ses châteaux.  Mais la façon de mener son histoire de Tolkien a marqué bien des esprits.

Cependant, il ne faut pas oublier que le Moyen-Âge se prête bien au genre du fantasy parce que... et bien on l'oublie, mais l'ambiance s'y prêtait!  En dehors de la grande Histoire, celle des rois, des reines et des châteaux, le peuple vivait dans des croyances qui voyaient le surnaturel et la magie partout.  Qu'on pense aux contes bourrées de sorcières (quand on ne les brûlaient pas dans la vraie vie), aux présages que l'on voyait partout, aux gris-gris et amulettes contre le mauvais sort, à l'omniprésence du religieux et de ses miracles.  Rien que le cycle arthurien le montre bien.  Évidemment, le fantasy moderne a emprunté bien des détours, s'éloignant plus ou moins de ses racines, mais reste que le fond est là.  Le cadre dans lequel prennent place la majorité des romans de fantasy est pré-industriel, relativement proche de la nature et lié à une certaine conception de la magie.

D'un autre côté, loin avant la naissance de Tolkien, des auteurs ont montré la voie vers autre chose que le Moyen-Âge.  Pour ne citer que cet exemple, le steampunk, lié à l'époque de l'industrialisation, à la vapeur, au développement des sciences et de la technologie commence à laisser sa marque propre dans notre vie et notre littérature.  Des auteurs de l'époque l'ont senti et l'ont écrit, des auteurs comme Mary Shelley et Bram Stoker pour ne nommer que ceux-là.  Pas de magie comme tel dans leurs livres, même si Frankeinstein et Dracula ne sont clairement pas liés de façon directe à notre monde.  C'est le fond de remise en question de notre univers et de ce que l'on en comprend qui est ici fascinant: dans le fantasy classique, c'est la magie qui explique tout, qui représente bien souvent le pouvoir face à ce que l'on ne peut pas expliquer.  Dans le steampunk, la science commence à entrer en ligne de compte: on peut l'étudier, l'explorer, mais on trouvera encore des morceaux du monde que l'on ne peut expliquer que par la magie.  Différence fondamentale dans les psychés: le monde contient de la magie, mais grâce à la technologie et à la magie, on peut en décoder une partie.

Lentement, on voit émerger une autre littérature, issue d'une autre époque de l'humanité.  Qui s'en inspire, en reprend les thèmes, les images fortes, tout en étant résolument dans le domaine de la fiction.  Le terreau du fantasy est riche parce qu'il se nourrit de tout.  Un jour, il se nourrira de nos conceptions du monde issus des années  1930 ou 1950...  Quand?  Dans un bout de temps sans doute...  Peut-être ne seront-nous alors même plus là pour le voir!

@+ Mariane

6 commentaires:

Gen a dit…

Je dirais que tu as évoqué le deuxième coupable dans ton billet : Tolkien, oui (mais comme tu le dis si bien, il est plutôt au Haut Moyen Âge), mais le Cycle Arthurien surtout. La "matière de Bretagne" et le celtisme imprègnent eux aussi la production en fantasy.

J'vais dire comme toi, il serait temps qu'on change d'époque. Cela dit, pour conserver un univers très magiques, je pense qu'il vaudrait mieux reculer (les peuples de l'Antiquité étaient superstitieux eux aussi!) qu'avancer. Parce que dès qu'on passe la Révolution industrielle, on est dans le Steampunk ou la Urban fantasy et il faut aimer le genre. (C'est pas toujours mon cas)

Prospéryne a dit…

Ou une série à l'époque des hommes des cavernes comme dans les Enfants de la Terre de Jean M. Auel? Il y aurait pas de chevaux, pas de châteaux, mais du chamanisme et des trucs du genre ;) Ça pourrait être une bonne idée!

Calepin a dit…

Très intéressant comme billet, Prospéryne. Comme tu le sais déjà, j'ai un attachement tout particulier pour ce genre littéraire très hétéroclite avec les différents sous-genre de fantasy. Mais là n'est pas mon point. Qu'il y ait un lien entre la fantasy et le haut moyen-âge pour les raisons que tu cites, je suis d'accord là-dessus. Mais à la question pourquoi l'obsession du moyen-âge européen, je pense avoir une réponse : la pure opposition avec notre style de vie occidental absente de mystère et de foi. Comme nos racines d'histoires et de légendes y prennent forme, on peut y puiser notre dose de fascination pour l'inconnu facilement, contrairement à des parties du monde moins reliées (tout ce qui touche l'Orient, par exemple). On vient donc y combler un besoin, encore, encore, et encore.

Quant à la présence de la magie, c'est dans son degré de présence (parfois absente) et sa forme qu'elle trouve sa diversité et son originalité. Mais ça, c'est un autre débat.

Prospéryne a dit…

Oups Calepin, je ne suis pas certaine de comprendre tout ton commentaire, mais je retiens ceci: le fantasy a tendance à venir toujours se frotter au Moyen-âge occidental dans la majorité des cas, négligeant les autres périodes médiévales et les autres cultures de la planète. Tu as parfaitement raison. On va alors chercher dans un passé assez proche et assez lointain (pour les lecteurs occidentaux) pour bien le connaître, pour ne pas trop bousculer nos racines culturelles, pour nager un peu dans l'inconnu du connu.

Quand à la présence de la magie, elle peut l'être ou pas, mais c'est la certitude qu'elle existe et qu'elle est vrai que se situe la différence avec notre monde. Il n'y a pas tant de magie que ça dans les écrits de Tolkien, particulièrement dans Le Seigneur des anneaux. Mais tous les personnages savent qu'elle existe et agissent en conséquence.

Calepin a dit…

Pour la magie, je suis d'accord avec ta différenciation du fantastique et du fantasy (existence de la magie, réaction envers elle, etc.). Ce que je voulais dire est : pourquoi ressent-on le besoin, voire l'obsession, de revenir au moyen-âge occidental. J'ébauchais une théorie peut-être un peu vaseuse (ça reste une tentative, en tout cas) qui implique que dans nos sociétés occidentales, une grande part des mythes anciens, questions biologiques ou phénomènes naturels ont été expliqués par la science. Et de manière générale, la religion a été écartée énormément dans l'imaginaire collectif. Je pense qu'intrinsèquement, l'Homme a besoin de spiritualité, de mystère, d'une certaine forme de foi en quelque chose. Sauf qu'on s'évertue à éliminer tout inconnu pour la plus grande gloire de la science (encore là, tout dépend des points de vue). C'est peut-être pourquoi le haut moyen-âge (ou plutôt l'idée populaire qu'on s'en fait) est si séduisante : elle nous amène une part de rêve ancien qui ne peut presque plus être élucidée, hormis quelques détails, et qui demeurent parfois dans le domaine de la foi. C'est plus clair comme ça ?

Prospéryne a dit…

Oui, en bonne partie. La recherche de croyance peut-être? De pouvoir croire de toutes nos forces en quelque chose, d'un idéal de pureté? D'un monde où peu de choses risquent de perdre d'un seul coup leur éclat parce que trop expliqué? C'est drôle, moi, plus la science progresse et plus je trouve notre monde fascinant!