mercredi 28 octobre 2015

Hanaken: 3- Le sang des samouraïs de Geneviève Blouin

Hanaken  tome 3  Le sang des samouraïs  Geneviève Blouin Éditions du Phoenix  216 pages


Résumé:
Il y a maintenant neuf ans que Yukié et Satô, ainsi que le seigneur Takayama vivent en exil auprès du daimyô Nobunaga.  Désormais mère et épouse, Yukié se sent à l'étroit dans sa vie, malgré son amour pour son époux.  Quand à Satô, maître d'armes, il est mêlé de près aux combats et aux stratégies entourant la cours du daimyô.  Alors que le puissant daimyô Imagawa, ennemi juré d'Obunaga, décide de porter un coup décisif, le daimyô des Hanaken imagine une stratégie audacieuse et terriblement risquée pour remporter la bataille.  Une stratégie qui pourrait changer l'histoire du Japon...  et où Yukié et Satô sont au centre du danger.

Mon avis:
S'il y a une chose qui m'a marqué en lisant ce tome, c'est à quel point l'auteure a su gagner en maturité et en confiance dans son écriture.  Par rapport aux premiers tomes, les scènes d'inspiration poétique sont beaucoup mieux maîtrisée.  On y voit un reflet de la culture et de la pensée japonaise au travers de ces moments qui mêlent esprit guerrier et philosophie.  Avec toujours en trame de fond cette image des fleurs de cerisiers, fragiles et fugaces auxquelles sont sans cesse comparés les samouraïs, aux vies trop souvent fauchées trop tôt.  Le dévouement et le devoir de loyauté des samouraïs est aussi clairement exprimé.  On ressent tout ça.  La maturité que les personnages ont pris au cours des années également, quoique que je l'ai davantage senti chez Yukié, qui doit faire face à ses devoirs d'épouse et de mère malgré que son caractère est celui d'une guerrière.  On passe d'ailleurs beaucoup de temps à exprimer comment les personnages ont changé depuis le dernier tome, ce qui place ce roman plus vers l'adulte que vers l'ado.  Leurs émotions sont celles d'adultes, avec toutes les nuances que cela comporte, alors que la série s'adresse à un public plus jeune.  Il y a là comme un décalage qui n'enlève rien au roman comme tel, mais qui risque de toucher son public.  J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de personnages secondaires importants, dans le sens, beaucoup d'aides de camps à Nobunaga et je me mêlais un peu dans les noms et les rôles, mais ça, c'est parce que j'ai du mal avec les noms en japonais :P (Pas eu de problèmes avec les vieux samouraïs cette fois-ci!).  Par contre, une chose qui m'a fait tiqué, c'est une explication durant la scène finale un peu déplacé.  On est dans le feu de l'action et tout à coup, on nous sort un paragraphe d'explication sur l'origine d'une épée...  et je sais pas, ça faisait à la fois un peu coït interrompu et un peu hors-sujet.  C'était logique d'avoir cette mention, mais pas à cet endroit de l'intrigue.  Avant ou après la scène (que je en veux pas nommer d'aucune façon pour ne pas gâcher de punch!), cela aurait été correct, mais en plein milieu?  Disons, moins.  Ce qui n'est pas cohérent avec le reste de l'intrigue qui est beaucoup plus continue.  C'est un détail en tant que tel, mais ça m'a fait décroché du livre à un moment où, et bien, vaut mieux pas!  La fin m'a prise par surprise, je dois l'avouer, je ne m'attendais pas à un tel dénouement, mais il est en complète logique avec le reste de la série.  Je dois maintenant dire adieu au pays des samouraïs et aux fleurs de cerisiers...

Ma note: 4.25/5

Je remercie Virgola Communication pour ce service de presse.

lundi 26 octobre 2015

À qui veut-on plaire?

Salut!

Souvent, je me demande en lisant un livre: à qui l'auteur cherche-t-il à plaire?  Aux critiques ou au public?  Bonne question.  Viser plus particulièrement l'un ou l'autre influence très certainement la façon dont l'auteur écrit son livre.  Je ne pense pas que tous les auteurs aient cette pensée en tête en écrivant, mais reste que j'ai déjà remarqué que certains auteurs visaient plus précisément l'un ou l'autre.  Alors, à qui cherche-t-on à plaire?

Si on cherche à plaire aux critiques, qui sont un public particulièrement exigeant et qui en a vu d'autres, il faut aller chercher loin.  Le style doit être particulièrement ciselé, étudié.  L'intrigue doit être sérieusement pensée et même plus que ça, inspirée.  On ne peut pas se contenter d'écrire simplement une bonne histoire, il en fait plus, mais il n'en faut pas trop.  C'est un casse-gueule que d'essayer d'écrire pour les critiques: ils ne sont jamais complètement satisfaits.  En fait, c'est même leur boulot!  Croyez-moi, comme critique, notre job n'est pas de trouver des chefs-d'oeuvres, mais bien de faire du ménage dans tout ce qui est produit.  Alors si quelqu'un essaie d'écrire pour m'impressionner, c'est raté.  Ça va sentir à la lecture.  La ligne entre le pédantisme et le génie est parfois mince et tomber d'un côté de la ligne est très facile.

Alors, le public?  Oui, mais le public est aussi pire que les critiques en un sens.  C'est un critique qui dit c'est nul, mais multiplié par des dizaines de lecteurs qui disent: c'est ordinaire.  Parce qu'encore là, trouver le juste équilibre entre le livre hautement commercial et la dose de talent d'écriture nécessaire pour réussir sans effrayer de potentiels lecteurs, ce n'est pas simple.  Les grands succès publics sont rarement dénués de toute substance littéraire (enfin, il existe des exceptions...), même s'ils figurent rarement au sommet du panier en ce qui concerne la qualité.  Pour l'auteur, ça reste un exercice d'équilibriste!  Et il faut le dire, le public est toujours très sollicité par tout le monde, alors pour le séduire, si c'est le but, il faut faire des acrobaties remarquables.  Il faut aussi aussi en même temps chercher l'amour du public, mais sans être à sa merci.  Bref, c'est pas plus simple.

Le point commun, c'est que dans les deux cas, l'auteur n'essaie pas de donner le meilleur de lui-même, mais bien de répondre aux attentes des autres.  Et c'est là le problème.  Écrire, la création, est déjà un acte difficile, alors autant se faire plaisir en écrivant!  Et d'ailleurs, les meilleures oeuvres sont celles qui sont venus d'une idée de l'auteur non pas pour faire plaisir à qui que ce soit, mais bien parce que cette histoire-là les obsédaient.

Les meilleurs histoires ne cherchent pas à plaire à personnes d'autres qu'à leurs auteurs.  C'est au public et aux critiques à suivre, ou non.

@+ Mariane

lundi 19 octobre 2015

Le foutu triangle amoureux

Salut!

Me semblait que j'avais déjà écrit là-dessus il y a un moment, mais apparemment, non, alors lançons le sujet dès le départ: le foutu triangle amoureux.  Oui, c'lui-là!  Celui qui traîne en trame de fond d'à peu près tous les romans pour ados comme si d'avoir une autre personne dans le décor et ralentir le rythme de la relation avec le héros (ou l'héroïne) va finir, le temps que l'on lise les trois, quatre ou autre tomes en se demandant s'il y a un risque réel que tout ne finisse pas comme on l'a deviné au départ.  Je ne crois pas m'être souvenue d'un seul cas où c'est arrivé...  Même Bella finit avec Edward, mais en aurait-on jamais réellement douté?

Bon, au travers de beaucoup d'autres éléments de l'intrigue, la grande question est: est-ce qu'il (ou elle) va finir avec elle (ou lui)?  Variation à l'infini sur le même thème en vue.  D'un coup, on pense que oui, oui, et puis, finalement, non, mais bon, peut-être, et ah, oui! mais il est arrivé ceci et cela et...  OK, soyons honnête.  À la longue, c'est lassant.  Lassant, parce que ça revient tout le temps au même, à chaque fois.  Parce qu'on finit par voir venir les choses au moins 600 pages à l'avance.  Et que l'on sait très bien que les choses vont traîner en longueur.  Malgré tout, on reste à l'écoute, parce que l'on sait, mais on ne sait pas comment.  C'est ça qui fait le piquant, même si c'est de l'archi-connu (belle incohérence dans ma dernière phrase non?)

Mais il y a plus à mon sens, surtout que les triangles amoureux pullulent dans les romans pour ados.  Contrairement aux romances destinés aux adultes qui donnent plutôt dans la suite de se disputent, se réconcilient, se jurent amour éternel, se disputent, se réconcilient et on recommence ad nauseum le triangle amoureux supposent que les amoureux ne s'engagent pas trop loin.  C'est la manie de vouloir rester toujours sur les débuts de la relation amoureuse, sur les premiers élans, les premiers penchants.  D'ailleurs, le summum de l'érotisme y dépassent rarement le baiser.  Baisers qui sont autant de scène de sexe soft vu les effets qu'ils ont sur leurs protagonistes (à lire les descriptions, on peut parfois se demander si leurs baisers ne sont pas orgasmiques...).  On garde le meilleur de la relation amoureuse, à peu près au même niveau que les lecteurs, mais sans aller plus loin et risquer d'aborder d'autres thématiques qui ne seraient peut-être pas aussi cool, comme les disputes, les relations avec les autres, le besoin d'exprimer ses besoins, de se réajuster dans une relation et tout le tralala.  Non, on ne déborde pas des débuts et on s'évite bien des problèmes.  Et puis, il faut le dire, c'est aussi la période du cycle amoureux qui promet le plus d'émotions, qui plus est quand on est adolescent et qu'on a des pics hormonaux abyssaux.

Cependant, le cliché durant souvent et se répétant à l'extrême, il ne peut que devenir lassant.  Et aussi le fait que dans ce genre de livres, les meilleurs amis finissent souvent ensemble et qu'on peut ainsi dire qu'il est presque impossible pour les gens de s'imaginer que deux personnes du sexe opposé puissent être de simples amis.  Comme si un autre modèle n'était pas possible.  La logique qui sous-tend le triangle amoureux en est une de désir après tout: désir d'être aimé, d'aimer et aussi, sans doute, un désir tout simplement sexuel.  Une frustration constante.  D'autant plus que le coeur du triangle amoureux est souvent le héros que l'on suit et qui doit faire un choix entre deux personnes.  On est rarement dans la chaise de celui qui essaie d'être choisi...  sans doute parce que ce n'est pas la chaise la plus confortable et que personne ne souhaite s'y retrouver.

Et bon, je dois le souligner, l'idée de ce billet m'est venue quand je me suis rendue compte que dans la série Divergence, il n'y a pas de triangle amoureux.  Que Tris est avec Quatre et qu'ils s'aiment, peut importe les épreuves qu'ils traversent, sans troisième larron dans le décor pour brouiller les cartes.  On peut trouver bien des défauts à cette série, mais je dois dire qu'elle a au moins une qualité: il n'y a pas de triangle amoureux.  Ça fait du bien parfois...

@+ Mariane

mardi 13 octobre 2015

Exponentiel

Salut!

Lors d'une discussion lors d'un récent Congrès Boréal (lire, cette année :P ), en plein milieu d'un échange sur la science-fiction, l'une des personnes avec lequel je discutais a fait une réflexion comme quoi, il était désormais impossible de se tenir au courant de tout ce qui se publie dans le genre chaque année.  Jusqu'aux années 1970, c'était encore possible pour quelqu'un qui s'y consacrait entièrement.  Plus aujourd'hui.  C'est une augmentation nette en matière de ce qui est publié, on ne parle pas ici de qualité, mais bien de quantité.  Et uniquement pour le cas de la science-fiction.  Imaginez le reste...

Ça me fait penser à cette caricature qui circule depuis quelques années à chaque automne:



C'est un peu réducteur comme idée, mais reste que le nombre de gens qui désirent publier est grand et comme les auteurs déjà sur le marché doivent aussi produire pour vivre, ça donne une multiplication des textes disponibles.  Sans compte la multiplication des plate-formes de diffusion (oui, je pense à l'empire au sourire en coin!) qui permettent à chacun de proposer leur texte.  Ajouter à cela que tout le monde essaie d'attirer l'attention et de crier un peu plus fort que les autres pour avoir un peu de visibilité et ça donne une joyeuse cacophonie pour le lecteur qui s'intéresse le moindrement au milieu de manière un peu plus attentive.  Il y a tout simplement trop de chose pour pouvoir être au courant de tout.

Bon, une partie de ce qui se publie n'en vaut peut-être pas la peine.  Même si certains atteignent des sommets en terme de ventes malgré leur nullité littéraire (M. Grey?), tous les auteurs croient en leur texte et veulent avoir leur place au soleil.  Il y a très peu de place au sommet de la pyramide par contre, et sur ce point, rien n'a changé au cours des années.  Que ce soit dans les années 1950 ou aujourd'hui, des auteurs qui font lire des milliers de lecteurs, il n'y en a pas des tonnes.  

Alors, pour le lecteur qui se retrouve sous le feu des projecteurs de la littérature?  Comment tirer le meilleur parti de tous ces textes, de toutes cette littérature qui se publie?  On en vient vite à être dépassé, débordé.  Étant libraire, chaque année, je ne pouvais m'empêcher de comparer la rentrée littéraire à un mur, un mur gigantesque, fait de tous les livres publiés au cours de l'automne.  Bon, mauvais, grand roman, roman historique, roman jeunesse, policier, livres pratiques, bande dessinée, livre de psychologie, de philosophie, albums, fantasy...   Il m'arrivait de m'imaginer à ce point débordée par tous ces livres à connaître, tous ces auteurs à découvrir, tous ces livres à lire, que j'avais l'impression que le mur s'écroulait sur moi et m'étouffait.  C'était à l'époque où j'essayais d'être le plus possible au courant de ce qui se publiait, raisons professionnelles oblige.  Je ne suis plus libraire et je ne ressens plus une telle pression, mais reste l'impression d'être écrasée parfois, devant tout l'éventail des publications qui défilent sous mes yeux.

Face à cela, il n'y a qu'une seule chose que l'on peut se dire: il est impossible de tout lire.  C'est une grande vérité.  Il faut savoir l'accepter.  Maintenant, le plus dur, c'est que l'on aura jamais le temps de lire tout ce qui nous intéresse et ceci est encore plus important.  Parce que de savoir qu'on ne lira pas tout est une chose, mais de savoir que l'on ne lira pas bien des romans que l'on aimerait pouvoir lire est plus difficile à accepter.  Personnellement, j'en aie pris mon parti.  Je préfère savourer chaque livre que je lis, un à la fois.  Peu importe la quantité de livres publiés, l'important est, pour chaque lecteur, de trouver ceux qui le rendront heureux.  Le reste n'appartient pas aux lecteurs, mais aux éditeurs, auteurs et peut-être aussi aux libraires (malgré qu'ils soient les premiers à râler qu'il se publie trop de livres).  Parce que ce n'est pas le lecteur qui demandent autant de choix, c'est l'offre qui dépasse bien souvent la demande.  

@+ Mariane

vendredi 9 octobre 2015

Les eaux de Jade de Francine Pelletier

Les eaux de Jade  Francine Pelletier  Collection Jeunesse-Pop Science-fiction  Médiaspaul  160 pages


Résumé:
Jade, fille d'Arialde Henke, a failli se noyer lors d'une baignade dans la rivière.  Depuis, elle cache soigneusement sa phobie de l'eau.  Seulement, lorsqu'un étranger vient offrir à ses parents une mission secrète, elle apprend à l'insu de ceux-ci qu'elle va servir de couverture à une expédition de recherche.  Qui aura lieu dans l'océan et implique de faire la plongée sous-marine.  La jeune fille saura-t-elle triompher de sa peur de l'eau pour aider ses parents?

Mon avis:
Évidemment, c'est un roman jeunesse et c'est en quelque sorte un peu frustrant: j'aurais pris une bonne cinquantaine de pages de plus pour étoffer cette histoire.  Parce que les éléments de base étaient très intéressants: une jeune fille qui a peur de l'eau et devra affronter cette peur (même si l'on passe un peu vite sur la victoire sur cette peur), mais aussi tout le regard d'une enfant qui sait sur ses parents qui pensent lui cacher la vérité dans le but de la protéger.  Cet aspect est particulièrement bien développé dans le roman.  La relation de la jeune fille avec les zébréfants, étranges créatures marines, bien intelligentes pourtant, est aussi bien suffisamment étoffée pour en valoir largement la peine.  Mais en dehors de ces éléments, l'auteure passe vite, pour aller au plus court, au plus direct et éviter, sans doute, le trop grand nombre de pages.  De ce fait, l'univers est à peine esquissé.  Cela peut aussi venir du fait que la mère de l'héroïne a déjà fait l'objet d'une série de romans, l'auteure ne repassant donc pas dans des sentiers déjà parcourus, mais c'est un peu dommage quand même.  N'empêche, beaucoup de mystères restent, dont celui justement des zébréfants dont on sait au final peu de choses, même si on parle souvent d'eux.  L'auteure n'a pas creusé davantage alors que les occasions d'approfondir affluaient de par son imaginaire riche et foisonnant.  Les personnages, Jade en tête, sont tous attachants de par leur humanité, tous ayant des qualités et des défauts.  Évidemment, les méchants sont plus manichéens, mais sans être totalement dépourvus de chair, de contradictions, d'ambivalence.  Je l'ai déjà dit, mais la relation avec les parents est ici intéressante, car ceux-ci sont incarnés et ne servent pas seulement à planter le décor.  La relation avec leur fille comptera pour beaucoup.  Cette relation est au coeur des ressorts de l'intrigue.  Comme science-fiction, le roman est une très bonne introduction au genre, car si on est clairement dans le bain, on reste dans des zones simples à comprendre et à appréhender pour des jeunes lecteurs.  De quoi faire un voyage sur une autre planète, sans être trop dépaysé.  Le fait de centrer l'intrigue sur une cellule familiale y aide beaucoup.  Donc, bon livre, mais frustrée de sa brièveté: il y aurait eu là de quoi faire beaucoup plus.

Ma note: 4.25/5

mercredi 7 octobre 2015

Ab Irato : La trilogie de Thierry Labrosse

Ab Irato Tome 1 Riel Scénario et dessins de Thierry Labrosse  Vents d'Ouest 56 pages


Ab Irato Tome 2  Descente aux enfers  Scénario et dessins de Thierry Labrosse  Vents d'Ouest 56 pages


Ab Irato tome 3  L'enfant prodigue  Scénario et dessins de Thierry Labrosse  Vents d'Ouest 56 pages


Résumé:
Montréal, 2111.  Le réchauffement climatique a provoqué une montée des eaux apocalyptiques, faisant de la ville une sorte de Venise.  Dans ce monde, c'est la loi du plus fort qui règne et le plus fort, c'est la compagnie Jouvex, qui vend une cure de rajeunissement permettant de vivre jusqu'à 200 ans... si on en a les moyens.  Les inégalités et la violence règnent en maître, mais comme toujours, la marmite sociale surchauffe.  C'est dans ce contexte plus que tendu qu'arrive Riel de la campagne, jeune homme désirant s'installer en ville pour améliorer son sort.  Sa rencontre avec Nève, jeune femme cherchant comme lui à avoir une meilleure vie sera brève, mais suffisante pour laisser des traces.  Quand des terroristes prennent en otage des centaines de civils dont Nève, Riel se sent tout de suite interpellé.

Mon avis:
Ok, c'est assez rare que je fasse une critique pour trois tomes d'une même BD, mais là, j'ai réalisé à la lecture du troisième tome que ce n'était pas tant une série que ça, mais bien une seule histoire racontée en trois chapitres.  C'est le genre d'oeuvre qui se lit vraiment mieux si on a les trois tomes sous la main plutôt que de façon indépendante, les deux premiers tomes se finissant sur des espèces de points de suspension qui ne sont pas vraiment des fins.  Le genre de série qui serait très bien regroupée en une seule intégrale.  Mais bon, commençons.  L'auteur, qui est à la fois le scénariste et le dessinateur de cette série, a campé son action dans un Montréal futuriste.  On reconnaît plus ou moins les bâtiments à cause de la distance temporelle (forcément, ça a un impact sur l'architecture!) et de la montée des eaux, mais tout de même, on reconnaît l'ambiance de la ville, son mélange entre ses héritages francophone et anglophone et les noms de ses lieux.  L'action est d'ailleurs en bonne partie campée dans le Vieux-Montréal.  Pour donner à la ville un aspect futuriste, l'auteur a choisi de travailler avec des teintes rabattues et beaucoup de bleus.  Peu de couleurs vibrantes, mais beaucoup de camaïeu dans les teintes d'orangé sombre, de gris, de chair et aussi parfois d'une teinte de jaune.  Ce qui ne fait que davantage ressortir le sang quand il gicle et ici, ce ne sera pas qu'une fois.  Les scènes d'action sont magnifiquement bien faites, on sent la tension, le combat, le mouvement dans ces scènes.  Les personnages sont parfois très bien faits, parfois peu développé.  Riel est un archétype du jeune garçon perdu en ville qui tombe éperdument amoureux, mais on sent sa sincérité.  Nève est une fille fonceuse qui ne s'en laisse pas imposer, quitte à jouer les pickpockets quand elle en a besoin.  Malgré tout, mes préférés restent Chogan et Gana.  Chogan l'indien, au faciès clairement identifié à ses origines autochtones, mais chef de police et très capable, qui aura à faire un choix clair entre faire uniquement son devoir et faire ce qui est juste.  Et Gana, la mystérieuse et silencieuse Gana.  Je crois qu'elle ne parle pas avant le troisième tome de la série et même quand elle l'a fait, j'ai douté tellement j'étais certaine qu'elle était muette!  Gana aux étranges pouvoirs qui permettent littéralement à l'auteur de s'éclater côté effet spéciaux.  Et qui est la clé de cette histoire.  Le contexte est un peu mince puisqu'on a déjà vu des dizaines d'univers mettant en vedette les méchantes entreprise contre le pauvre peuple, mais en même temps, comme c'est archi-connu, l'auteur ne s'y attarde pas.  On comprend le filigrane de l'histoire assez vite ce qui est à la fois une force car on ne se perd pas dans les détails et une faiblesse car ça enlève de la richesse à l'univers.  Beaucoup de pistes sont d'ailleurs ouvertes au fil des tomes, mais certaines ne sont pas complètes ou du moins, auraient pu être étoffées.  L'intrigue est très riche, mêlant la crise des otages au parcours de Nève et Riel, ainsi qu'à la quête très personnelle de Gana.  Trop riche peut-être, l'univers créé étant très ambitieux.  Malgré tout, on plonge dans cette histoire.  Peut-être avec moins de satisfaction à la lecture des premiers et deuxièmes tomes, mais avec beaucoup de plaisir à la lecture du troisième car c'est à ce moment que toutes les ficelles se nouent pour que l'on découvre les fondements de ce que l'on voit sans comprendre depuis le premier tome être dévoilés.  Une BD qui ne passera sans doute pas à l'histoire, mais un vrai travail, réussi à bien des niveaux, mais sans avoir le fini d'une oeuvre finement ciselée, particulièrement au niveau du scénario.

Ma note (pour l'ensemble de la série): 4/5

lundi 5 octobre 2015

La fin au début?

Salut!

Il y a quelques années (et je ne vais rajeunir personne qui a vu ce film au cinéma en disant cela) j'ai été voir au cinéma le film Mission impossible 3, un film qui avait la particularité de montrer au départ une scène complètement hors-contexte que l'on allait revoir vers la toute fin.  On savait donc une partie de la fin... au début.  J'avais lu dans une critique du film qui disait qu'à cette époque (c'était vraiment il y a dix ans???), les réalisateurs avaient tendance à commencer leurs films... par la fin.  Et c'est vrai que durant quelques temps, cette manie a pu être vue dans plusieurs films.  Beaucoup de gens n'aimaient pas, personnellement moi, j'adorais!  C'est un peu comme dans les Colombo: on sait qui est le meurtrier, mais le plaisir est de voir comment le célèbre inspecteur à l'éternel imperméable beige allait remonter les ficelles jusqu'à lui.

Et dans les livres?  Évidemment, certains auteurs ont déjà fait la tentative et il me semble que cette recette peut donner de bons résultats.  En fait, ça peut être un avantage, parce que le but, ce n'est pas de dévoiler le dénouement final, mais justement de nous montrer juste assez de la fin pour nous donner le goût de rejoindre ce moment en découvrant au fur et à mesure tout ce qui s'est passé entre cette scène et le moment où l'on nous introduit à l'histoire.  Étant donné que la scène de la fin est fournie sans contexte, de connaître celui-ci nous donne souvent la clé pour la comprendre, bien au-delà de ce qui s'y déroule.  Un personnage de la scène peut être un agent double, un traître, ou bien une entourloupe dont on ne sait rien peut avoir été mise en place plus tôt sans que l'on n'en sache rien.  Tout ceci nous mets sur les dents, nous donne envie de savoir.  C'est un procédé qui ne plaît pas à tous, mais disons-le, moi, j'adore.

Par contre, tout les genres ne s'y prête par d'une manière égale.  Prenons le policier.  Pour beaucoup de gens, le moteur pour tourner la page suivante, c'est justement de trouver le meurtrier.  Au fur et à mesure de l'intrigue, on prend mentalement note des différents indices que l'auteur nous glisse sous le nez pour trouver le responsable.  Personnellement et je l'ai déjà dit, ça m'énerve.  Je lis pour me détendre, avoir à me creuser la tête pour trouver qui a fait le coup...  ça me tape sur les nerfs!  Merdouille, dites aux flics de trouver le coupable et racontez-moi une bonne histoire à la place!  Par contre, je dois avouer que si je sais qui est le tueur et que je doive suivre l'inspecteur dans son enquête pour le trouver (un peu comme Colombo), ça, ça m'accroche.  Le processus n'est pas commun dans les romans policiers parce qu'il en est l'antithèse, mais c'est justement ce qui fait son charme à mes yeux.  On voit l'inspecteur passer par-dessus un indice et on se dit, non, regarde, il est LÀ, C'EST LUI!!!!!!  Chacun ses goûts, mais j'ai remarqué que ces précisément ces livres-là qui m'ont le plus plu dans le genre du policier, au point que j'ai eu plusieurs coups de coeur grâce à eux.

Dans le fantasy, honnêtement...  On sait que dans la très grande majorité des cas, ce sont les bons qui vont gagner, alors, ce n'est pas le fait de savoir qui va changer grand chose.  Par contre, de mémoire, j'ai lu peu de scène du genre.  Ce qui est nettement plus courant, c'est d'avoir une scène qui aura un énorme impact sur le personnage, mais complètement sortie de son contexte.  Un bon exemple est le début des livres Eragon, la scène où Arya envoie l'oeuf de dragon un peu nulle part pour ne pas que Galbatorix mette la main dessus.  Prise séparément, cette scène n'a aucun sens, mais c'est elle qui met l'action en marche.  Par contre, elle sera vite reliée au reste du livre parce que, et bien, si vous ne le savez pas, lisez le livre.  ;)  Ce genre de scène, même si elle n'est pas située à la fin, répond un peu aux mêmes critères parce qu'elle est hors-contexte et qu'on ne la comprendra qu'en lisant le livre.  C'est une autre utilisation, mais comme on ne la reverra pas plus loin dans le livre, c'est à la base autre chose, bien qu'étant proche des mêmes principes.

Dans le roman hors-genre, le roman ordinaire pourrait-on dire...  Quelle importance?  Cela ne devient qu'un simple jeu narratif.  Cela peut être utilisé, comme cela ne peut pas l'être.  Tout dépend alors de ce que l'auteur en fait.  Je ne connais pas beaucoup d'exemples, mais je sais que j'en aie déjà lu.  En fait, pour qu'une scène de fin placée au début aie un impact, il faut que la trame narrative du livre soit adaptée.  Et quand on raconte une grande histoire d'amour, de commencer par la scène où les amoureux se dévoilent me semble un peu...  euh, pétage de bulle?  Pourquoi lirait-on la suite, on sait déjà comment ça va finir!  Même chose pour les aventures d'un trentenaire qui quitte sa blonde en espérant mener une vie de débauche pour se rendre compte que ce n'est pas le cas (bonjour Stéphane Dompierre!): dans ce cas, l'anticipation de la fin n'est pas ce qui pousse en avant, on a avant tout du plaisir à suivre l'histoire avec le personnage.  Le plaisir, ce n'est pas le point d'arrivée, mais de parcourir le chemin.  C'est pourquoi de lire une scène de la fin au début ne fonctionnerait pas ou du moins, pas autant.

Commencer par la fin reste une astuce narrative, une façon de faire, de présenter une histoire.  Comme bien d'autres astuces, c'est un outil, il faut savoir bien s'en servir pour que cela soit efficace.  N'empêche, je trouve parfois des avantages à jouer avec l'ordre chronologique de façon non-linéaire.  Les allers et retours dans le temps sont une façon de nous pousser à nous interroger et à être plus attentif.  On sait comment cela va finir, alors comment l'auteur réussira-t-il à nous piéger quand même dans son livre?  C'est là que commence vraiment l'histoire.

@+ Mariane