vendredi 31 juillet 2015

Mémoria: 2- L'abîme de Jean-Paul Eid et Claude Paiement

Mémoria  tome 2  L'Abîme  Texte de Claude Paiement et Jean-Paul Eid  Dessins de Jean-Paul Eid  Les 400 coups  64 pages


Résumé:
Un an après avoir fermé son attraction la plus populaire, Mémoria, Brainstorm est sur le point de la rouvrir.  Mais Karina Kuan, la chef-conceptrice mis à pied à la suite de l'affaire Abel Schultz/ Benjamin Blake veut résoudre l'énigme qu'elle n'a pas su dénouer un an plus tôt.  Avec l'aide de celui qu'elle sait être Benjamin dans le corps d'Abel, elle va retourner à Mémoria.  Entre le PDG Steve Bates qui veut que la machine reparte et les deux alliés circonstanciés, le drame est en place.  D'autant que dans l'ombre de Mémoria, Zalupski n'est pas disparu.

Mon avis:
Encore une fois, chapeau!  Une excellente SF mis en place avec un très beau dessin pour l'appuyer.  On change de teinte pour les camaïeus en délavés qui peuplent le livre.  Ici, le vert domine dans Mémoria au lieu du bleu, symbole que si tout est comme avant, tout a quand même changé.  La quête de Kuan la scientifique, la rationnelle, confrontée à quelque chose qu'elle ne pouvait même pas imaginer est extrêmement intéressante.  Et nous ramène à la philosophie de manière habile: la matière qui acquiert la capacité de penser, la conscience de sa propre existence, qu'est-elle au fond?  Le plasmide, ce liquide intelligent présenté dans le premier tome permet ici de poser la question.  Zalupski, premier, unique, est la créature-créateur qui se rend compte que d'autres que lui tirent les ficelles.  Intéressante métaphore.  Ce qui est surprenant avec cet opus, c'est la grande qualité de la SF présente dans le livre, magnifiquement bien servi par le dessin.  Les idées sont présentées d'une manière que je n'avais jamais vu et le côté gouailleur du dessin issu des années 1930 donne une touche de légèreté au récit.  Les personnages sont bien développés, particulièrement Benjamin Blake, perdu, mais déterminé, avec un petit côté exalté qui convient bien.  Face à lui, Kuan est un peu un agent Scully face à Mulder.  Elle mettra du temps avant de comprendre.  Steve Bates (Bates?  Jobs?  une allusion?) est l'archétype du PDG qui regarde ses colonnes de chiffres plutôt que les vies en jeu.  Bien amené, mais nécessairement superficiel.  Par contre, Zalupski, oh, mais quel personnage!  Sombre, mystérieux, il en sait plus qu'il n'en a l'air et tire d'habiles ficelles!  Bref, une excellente BD que j'ai beaucoup aimé.  Par contre, ben, malgré tous les commentaires positifs, non, pas un coup de coeur.  Une réussite complète, mais ça ne trônera pas au sommet de mes meilleurs lecteurs parce que je n'ai pas été transportée comme dans d'autres BDs.  Peut-être un peu trop cérébrale.  Ce qui n'enlève rien à ses autres qualités!

Ma note: 4.5/5

lundi 27 juillet 2015

Apnée de Zviane

 Apnée  Zviane  Pow Pow  88 pages


Résumé:
Sophie est en apnée.  Il y a autour d'elle une odeur d'eau.  C'est la dépression et tout ce qui vient avec: l’insupportable mal de vivre, l'incapacité à agir, mais aussi le regard des autres qui juge et ne comprend pas.

Mon avis:
Comme toujours, Zviane vise très juste avec cette BD sobre pour parler d'un sujet difficile: la dépression.  Aucun pathos, l'auteure montre avec art la difficulté de remonter la pente, l'impression de vivre sous l'eau, d'être suspendue hors du temps.  D'attendre que ça passe, même si c'est long et difficile de continuer à se battre jour après jour pour que ça aille mieux.  Le regard des autres est aussi très bien montré.  Le fait que l'on sache que les collègues, les amis, les confrères/consoeurs de classe s'attendent que tout aille mieux d'un seul coup alors que remonter d'une maladie mentale, peut importe laquelle, prend du temps.  Et beaucoup de courage aussi.  On ressent tout ça à la lecture de cette BD, toutes ces difficultés qu'une personne dépressive affronte, sans l'énergie nécessaire pour les affronter.  Pour illustrer son propos, l'auteure énormément joué avec les plans et les perspectives.  Cela permet d'entrer à fond dans son sujet parce que rien n'est comme dans une BD normale.  Comme une personne dépressive n'est pas dans une vie normale.  Les plans qui montre le personne principale par-dessus l'épaule, l'absence des yeux chez tout les personnages et les gros plans, soigneusement utilisés pour montrer différents moments.  Les réflexions du personnage principal aussi.  Bref, comme d'habitude, rien à redire.  Sans conteste (je me répète!), Zviane est une auteure de BD géniale.  Je vais arrêter de vous le dire pour un petit moment maintenant, j'ai pratiquement lu tout ce qu'elle a publié!  Avertissement par contre: ne pas lire cet opus une journée où vous avez les bleus, ça vous aidera pas...

Ma note: 5/5

vendredi 24 juillet 2015

1000 coups de fouet parce que j'ai osé parler librement de Raïf Badawi

1000 coups de fouet parce que j'ai osé parler librement  Raïf Badawi  Édito  60 pages


Résumé:
Arrêté en 2012 à cause de ses billets de blogue critiquant le régime, Raïf Badawi a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison en plus d'une forte amende.  Ce livre est un recueil de certains de ses textes, démontrant sa pensée, son implication et ses luttes.

Mon avis:
Après avoir lu ce livre... je comprends pourquoi Raïf Badawi est en prison.  Pas tant à cause de ce qu'il a écrit, de nombreuses personnes ont écrit pour réclamer plus de libertés.  Non, c'est à cause de la pensée qu'il y a derrière.  Raïf Badawi est un libéral dans le sens vrai du terme, quelqu'un qui réclame plus de libertés.  Il est articulé, structuré et sa parole reflète ses idées.  Loin de tomber du ciel ou de répéter les paroles des autres, il a su mener une réflexion approfondie, originale, nourrie de ses lectures et des philosophes occidentaux, mais ancrée en Arabie Saoudite, dans le monde musulman dont il est issu et où sa pensée s'est élaborée.  Il parle des siens, de son peuple, c'est à eux qu'il s'adresse.  En lui, les leaders politiques et religieux ont trouvé leur homme, parce que ses convictions sont profondes (on le sent à la lecture), mais aussi parce qu'il est parfaitement capable d'argumenter avec eux, même avec leurs propres armes.  Le livre comme tel se divise en quatre parties abordant chacune un thème en particulier avec trois billets pour les illustrer: Terrorisme, guerre et paix, Libéralisme et société (incluant la laïcité), Mille et une nuits (Relations hommes-femmes) et Printemps arabe.  Chacun est illustré par quelques billets développant chacun une idée précise.  Plusieurs sont propres à la culture et à la vie politique de l'Arabie saoudite, mais on ne s'y perd pas trop en tant que lecteur occidental malgré le petit nombre de notes de bas de pages.  Les versets du Coran ont été supprimés pour éviter les éventuels problèmes dont on devine la cause, mais ça ne gêne pas la lecture.  Ce livre est un aperçu de ce qu'a dit Raïf Badawi, il serait bien sûr intéressant d'en savoir plus.  Ce recueil est bien sûr une sélection choisie de ses billets, il y aurait sans doute eu beaucoup plus à dire et à connaître sur lui.  Mais avoir un accès direct à la raison de son si médiatique emprisonnement aide à mieux comprendre sa situation, son pays et les raisons de son engagement.

Je ne note pas ce livre.

mercredi 22 juillet 2015

Le Naufragés de Mémoria: 1- Scaphandre 8 de Jean-Paul Eid et Claude Paiement

Le Naufragé de Mémoria  tome 1  Scaphandre 8  Texte de Jean-Paul Eid et Claude Paiement  Dessins de Jean-Paul Eid  60 pages


Résumé:
Benjamin Blake est chauffeur de taxi à Mémoria, une ville qui vit au rythme des années 30.  Un jour, une mystérieuse inconnue oublie son sac dans sa voiture.  Désireux de la lui rendre, il découvrira une réalité plus que troublante: son monde, loin d'être ce qu'il croit est une illusion, contrôlée par d'autres.  Ailleurs, les propriétaires de Brainstorm, une entreprise spécialisée dans les visites virtuelles éprouve des problèmes avec ses clients qui se rendent dans un de ses univers les plus populaires: la ville de Mémoria.

Mon avis:
Quand on pense avoir atteint les limites de la science-fiction, quelqu'un vient vous botter le derrière pour vous faire comprendre que non, on avait pas tout dit.  L'idée maîtresse de cette BD réside dans le plasmide, un liquide intelligent, capable de transmettre les informations pré-programmé aux personnes qui y sont immergés, leur permettant d'avoir l'illusion totale d'être dans un autre monde.  Le problème étant que les personnages programmés pour habiter ce monde virtuel prennent conscience que leur univers n'est pas ce qu'ils pensent et tombent dans les «craques» de celui-ci.Bien vite, la révolte gronde contre ceux qui les manipulent, dont ils ignorent tout.  La différence entre les deux mondes (réel et virtuel) est bien marquée par des changements dans les teintes de couleur, passant d'une dominante de bleu pour Mémoria à une dominante de vert et de gris pour le monde réel.  De même, dans les «craques» du monde de Mémoria, tout est en noir et blanc, ce qui nous permet de suivre l'action dans les différents univers de façon très précise.  Le personnage de Benjamin Blake est au départ convaincu de l'existence de son monde et sa découverte d'un autre monde le surprendra, mais il ne le remettra pas en question, ce qui est surprenant vu le genre.  Quoique les preuves sont plutôt accablantes, on le comprend de ne pas douter longtemps.!  Mené par un étrange personnage appelé Zalupski, les personnages de Mémoria se tentent de comprendre qui tire les ficelles de leur univers.  L'autre personnage intéressant dans le récit est Madame Kuan, une scientifique de notre monde qui essaie de découvrir la source des perturbations dans Mémoria.  Et qui constate que le plasmide, ce liquide intelligent pourrait bien être beaucoup plus qu'on ne le croit.  Sa volonté de comprendre se heurtera à quelque chose qu'elle ne peut même pas imaginer.  La fin nous laisse sur une réelle surprise, sur beaucoup de possibilités, sur une remise en question de l'univers des deux côtés.  Une belle fin qui donne envie de lire la suite.

Ma note: 4.25/5

lundi 20 juillet 2015

L'amour du livre de Denis Vaugeois

L'amour du livre  Denis Vaugeois  Septentrion  218 pages


Résumé:
Denis Vaugeois aime le livre: auteur, éditeur, grand maître de la Loi sur le livre de 1980, ardent défenseur de la lecture et de l'accès aux livres, on peut dire qu'il aura été un acteur marquant du monde du livre des quarante dernières années.  Dans ce livre, il nous parle de ses grandes réalisations, de son métier, de ses difficultés et de ses contraintes et de son avenir aussi.  La parole d'un amoureux du livre sur le milieu.

Mon avis:
Qui ne connaît pas Denis Vaugeois ne connaît pas le milieu du livre au Québec.  Acteur majeur depuis des décennie, il a réussit le tour de force de faire adopter une loi structurant le milieu du livre au Québec et qui a permis son essor fulgurant au cours des trente dernières années.  Dans son livre, il raconte la genèse de la fameuse loi 51 et ses conséquences.  Il détaille le métier d'éditeur, des facteurs influençant le coût d'impression, le choix des caractères, les difficultés et facilités que viennent apporter l'informatique, les questions de droit, etc.  C'est une fascinant plongée dans l'arrière-plan du milieu du livre, là, où il se fait, se vend et se vit.  Bon, pour le profane, cela doit être une totale découverte.  Pour ma part, je ne le suis pas... et j'ai pourtant énormément appris.  Des détails souvent, mais des détails importants.  La saga de la loi 51, je ne la connaissais pas, ni sa genèse.  Par contre, j'ai remarqué que dans cette partie, l'auteur nous noyait un peu trop dans les détails des personnes qui ont été au coeur de la loi: il nous présentait une personne une fois et revenait sur lui trois pages plus loin sans la resituer dans le contexte.  À la longue, ça devenait un peu mêlant!  Par contre, on peut pardonner ses petites erreurs à l'auteur puisque la mise en place d'une telle loi se s'est pas faite toute seule, bien entendu!  Un tel processus implique beaucoup de monde et surtout, beaucoup de gens déterminés, il valait la peine de tous les nommer.  Le livre date de 2005, mais on ne peut que saluer la clairvoyance de l'auteur sur plusieurs sujets: il comprenait déjà à l'époque et de façon approfondie les effets secondaires néfastes de la loi 51, voyait l'arrivée du numérique et de ses conséquences, s'inquiétait pour la concentration des éditeurs et des distributeurs entre quelques mains et les difficultés des librairies.  À lire pour les amoureux du livre, en tant que lecteur certes, mais aussi et surtout pour les acteurs du milieu et ceux qui s'intéressent à la machine qui permet l'édition au Québec.  C'est tout un univers que l'on ne peut connaître si on s'arrête à ne regarder que les kiosques au Salon du livre.

Ma note: 4.25/5

vendredi 17 juillet 2015

La fille invisible de Émilie Villeneuve et Julie Rocheleau

La fille invisible  Scénario d'Émilie Villeneuve  Conseils au scénario du Dr Jean Wilkins (CHU Ste-Justine)  Dessins et couleurs de Julie Rocheleau  Glénat Québec  48 pages


Résumé:
Flavie a 15 ans presque 16 et elle se considère comme une catastrophe ambulante.  Sans aucune estime d'elle-même, elle se dit qu'être mince pourrait lui apporter la solution.  Elle entre donc en conflit avec elle-même, particulièrement avec son poids.  En éliminant les kilos, elle pense gagner la lutte contre elle-même, avoir enfin du contrôle sur sa vie.  C'est le début de la chute dans l'enfer de l'anorexie.

Mon avis:
Mais quel travail sur les couleurs!  Je crois que ce qui est marquant dans cet album, c'est vraiment ce travail fait avec la couleur et les façons de l'utiliser.  Toute en nuance, tout en subtilité, elle permet de suivre les méandres des émotions de Flavie, de se sentir comme elle.  D'ailleurs la dessinatrice a choisi de mettre uniquement des teintes délavées, pastels, particulièrement dans les pires moments de la maladie de la jeune fille, pour montrer à quel point la vie de Flavie est en demie-teinte.  Le dessin transforme les visages en les remplissant d'angles et de lignes droites, ce qui les rends très bédéesques, mais tellement près de ce que vivent les personnages grâce au jeux des couleurs qui les complètent.  Flavie et son désir d'avoir un peu de contrôle sur sa vie, ses parents, désemparés face à la maladie de leur fille, l'équipe médicale, compétente, mais avec une légère distance, tout en étant très présent avec les patients.  Certaines cases laissaient la place à plus d'allégorie, mais en étant totalement en phase avec le récit.  Le combat entre l'équipe médicale et les patientes à l'heure des repas transformé en match de volley-ball est une scène à part, elle montre tellement la vision des anorexiques des traitements: c'est un match où chaque bouchée avalée est une défaite, même si c'est pour les soigner.  Ou le théâtre de marionnette où l'anorexie tire les ficelles, maîtrisant la vie des jeunes filles. Ou les nombreux extraits de journaux intimes ajouté de manière très graphique au récit.  Il y a un véritable propos qui se transmet à travers le dessin.  Tout ça est également très lié avec le scénario qui permet de voir de l'intérieur ce que Flavie ressent.  Son parcours est entrecoupé avec l'entrevue que mène une journaliste (rencontrée au tout début de la BD) avec un spécialiste de l'anorexie.  Le type nous fait voir l'envers du décor, la vérité derrière l'anorexie: c'est une maladie mentale, qui a des causes, des conséquences et qui peut se soigner.  Son discours est absolument exempt de jugement, il montre la maladie et ses conséquences et aussi toutes les difficultés qu'il y a à s'en sortir.  Les nombreux préjugés des gens face à celle-ci entre autre, n'aident absolument pas.  La réplique de Flavie à un moment qui dit qu'elle a repris du poids certes, mais qu'elle n'est pas guérit m'a marquée.  Le fait que la BD aie bénéficié des conseils d'un expert de Ste-Justine sur l'anorexie est flagrant.  Pourtant, rien de didactique dans cette BD.  On comprend tout à travers Flavie, on vit tout à travers elle.  La finale est très belle, une manière de boucler la boucle et de montrer que c'est possible de s'en sortir.  Une BD à lire pour comprendre l'anorexie, mais je l'ai bien plus vue comme une oeuvre à part entière, une oeuvre qui plonge dans un sujet et nous permet de le comprendre, tout en ayant la puissance d'un roman.

Ma note: 5/5

mercredi 15 juillet 2015

La voiture d'Intisar de Pedro Riera et Nacho Casanova

La voiture d'Intisar  Scénario de Perdo Riera  Dessins de Nacho Casanova  Delcourt  206 pages


Résumé:
Intisar est une jeune femme yéménite, de nos jours.  Farouchement indépendante, elle ne veut pas se marier et prend plutôt plaisir à conduire sa voiture dans les rues de Sanaa.  De derrière son volant, elle nous parle, fait part de ses réflexions, des événements de sa vie, de la condition des femmes au Yémen et en profite pour faire la course avec d'autres chauffeurs, que des homme, seul endroit où elle peut véritablement les défier et les battre.  Aucun misérabilisme, Intisar est une battante qui profite de tous les espaces de liberté qu'elle peut avoir.  Elle nous livre une percée dans l'univers des femmes de son pays, un espace très difficile d'accès pour les étrangers.

Mon avis:
Il y a quelque chose de Guy Delisle dans cette bande dessinée qui flirte à la fois avec le reportage et la fiction.  C'est dans la précision du dessin, dans l'aspect quasi-documentaire du récit que l'on voit les liens.  Certes, c'est très différent, l'histoire ici en étant une de fiction (c'est clairement précisé dès le départ), mais on sent la véracité dans les histoires, qui sont inspirés des récits de plus d'une quarantaine de femmes yéménites dont tous les contextes ont été changés afin de les protéger.  On s'attache à cette Intisar, femme résolument moderne, éprise de liberté et d'indépendance, mais pourtant profondément yéménite.  L'extrait où elle parle de l'affaire des caricatures de Mahomet en 2006 et de sa vision de la chose est très éclairante.  Surtout, elle nous montre que loin d'être uniquement soumise, les femmes de là-bas vivent leur vie quand même.  Avec ses joies, ses peines, ses questionnements, malgré le contrôle étroit des hommes.  On en voit de toutes les couleurs.  Pas tant dans le contrôle physique (le père d'Intisar ne vit pas avec eux, mais il les surveille de loin par crainte du commérage), mais dans le pouvoir que possède les hommes sur la vie des femmes, même par caprice.  Le rôle de la rumeur également dans le contrôle de celles-ci.  Le dessin est intéressant.  Il ne montre que le nécessaire, mais rend magnifiquement bien l'ambiance que l'on peut éprouver dans un tel pays.  Le récit d'Intisar, toujours à la première personne, se marie bien avec le choix des plans et des textures utilisées.  Il y a des tons de couleurs, mais uniquement dans les tons de gris froid et chaud.  Bref, une incursion très intéressante dans un pays mal connu, dans le domaine encore moins connu qu'est le quotidien des femmes de là-bas.

Ma note: 4.25/5

lundi 13 juillet 2015

La folie du roi de Maude Bégin-Robitaille

La folie du roi  Maude Bégin-Robitaille  Michel Brûlé  527 pages


Résumé:
Charles est l'ami, le bras droit, le frère du roi d'Inglend, Ennery.  Depuis son accession au trône, il veille sur lui comme son ombre, le protégeant des lames de ses ennemis et fêtant avec lui jusqu'à l'aube.  Il connaît le plus grand secret du roi: la folie, cette Folie du roi qui le ronge et qui s'anime dans son regard aux pires moments.  Mais Charles, sans fortune, sans haute naissance, sans étroit réseau de surveillance, ne peut qu'aider son roi à esquiver les coups.  Bien malgré lui, il vit dans l'antichambre du pouvoir, dans l'ombre de cette Tour dévorante qui broie les êtres qui y vivent.

Mon avis:
Pour qui a vu la série télé Les Tudors ou qui connaît le moindrement l'histoire du roi Henri VIII, ce livre est, hum, comment dire?  Un air de déjà vu?  Mais vraiment vu!  Il faut le faire!  De un, le personnage principal porte le nom du meilleur ami du célèbre roi anglais et des grands bouts de son histoire sont quasiment identique (Charles Brandon est un véritable personnage historique qui fut fait Duc de Suffolk par le roi).  Mais encore!  Beaucoup de noms sont une variation sur les noms d'origine (Henry/Ennery,  Anne Boleyn/Annabella, etc) et leur histoire est pratiquement la même.  Bon, pas exactement évidemment et tout est vécu du point de vue de Charles, mais les grandes lignes sont les mêmes.  Même dans le contexte extérieur (Inglend/Angleterre, Frièze/France, Astagne/Espagne) les ressemblances sont frappantes.  L'originalité est d'avoir situé les innombrables intrigues dans une immense Tour de dizaines d'étages, haut-lieu de pouvoir.  Au début, Charles n'est que l'un des innombrables habitants de cette tour, mais pour protéger son roi, il n'hésitera pas à franchir la ligne rouge.  La majeure partie du livre raconte les innombrables fêtes et beuveries qui se passent dans la Tour.  En fait, dès que le livre commençait à devenir intéressant que l'on aurait pu plonger dans la psychologie d'un personnage ou approfondir une intrigue secondaire, l'auteure faisait passer un grand laps de temps (quelques semaines, quelques mois selon les cas) en parlant d'une succession de fêtes et de beuveries.  À la longue, le procédé lassait.  Même chose pour sa manie en début de livre de faire dire au personnage principal des événements qui allaient suivre, une manière de nous titiller sans doute, mais de le faire aux dix pages était abusif!  Autre chose, j'ai DÉTESTÉ la vision de Charles du personnage d'Izabel.  Il passe le livre à la décrire comme une créature pure, pratiquement éthérée, alors qu'elle est une personne de chair et de sang.  Même après leur mariage, il la considère comme un petit oiseau blanc et... ça m'a tapé sur les nerfs!  La folie du roi qui est au centre du livre est peu décrite, on sait que Charles la voit dans les yeux du roi, on sait qu'elle affecte son jugement, mais on ne voit pas en quoi elle est si capitale: ses actes sont ceux d'un mégalomane, pas besoin d'un sortilège mystérieux pour autant.  Il y a du bon dans ce roman, mais pas que et c'est mal exprimé.  S'inspirer de l'histoire d'Henry VIII n'était pas une mauvaise idée, mais le fait de coller de trop proche à cette histoire a nuit à son envolée, en plus de se prendre les pattes dans plusieurs tics littéraires.

Ma note: 3/5

lundi 6 juillet 2015

Du mal de lire

Salut!

Il y a quelques semaines, mes parents m'ont acheté des petits autocollants de vitre arrière pour ma voiture.  Vous savez, ces petits autocollants en silhouette blanche qui mettent en vedette la famille qui prend place dans le véhicule?  Oui, ceux-là qu'on voit partout!  Pour me faire plaisir, ils m'ont bien évidemment acheté deux chats (différents je tiens à le préciser!) et un personnage féminin en train de lire.  Sur le coup, je me suis dit que j'aimerais mieux un petit personnage en train de faire des arts martiaux.  Il me semblait tout à coup que ce serait quelque chose qui me représenterait bien plus.  Et puis, est venue la pensée qui suit et qui m'a fait peur tout à coup: serait-en train de voir la lecture s'éloigner de moi au point de ne plus me voir comme lectrice avant tout?

Parce qu'il faut le dire, je suis une lectrice depuis que je sais déchiffrer les petits caractères noirs sur une page blanche.  Toute ma vie, je me suis définie comme une lectrice avant tout.  Je suivais l'actualité littéraire avec passion, je passais des heures sur le divan à lire et je profitais de la moindre occasion pour ouvrir un bouquin.  La lecture était au centre de ma vie de bien des façons.  Et là...  On dirait que ce n'est plus le cas.

Il faut le dire, la belle époque où j'étais libraire nourrissait doublement cette passion.  J'en vivais littéralement de la lecture, autant de jour que de soir.  Ça a été une période tellement riche, tellement intense!  Depuis que j'ai quitté la librairie, je me rends compte à quel point je me nourrissais mentalement de mon travail et à quel point cela m'alimentait, tant au niveau du blogue que de mes propres lectures.  Depuis que je suis partie...  Il y a eu une baisse, un manque.  Mon travail de représentante ne me nourrissait pas de la même façon.  À vraie dire, ça me grugeait un peu de ce côté-là parce que j'étais plus attentive à ce que je disais ici et j'avais perdu l'accès à la diversité littéraire que l'on a en librairie.  Et ça m'avait éloignée de toutes les sorties de livres chez d'autres distributeurs que j'adorais.  Bref, ça n'a pas été la meilleure période.  Je n'en avais pas parlé avant ici parce que je ne m'en sentais pas prête, mais j'ai changé de boulot au mois de décembre.  Je travaille maintenant dans un autre domaine que les livres et ça m'a fait du bien côté boulot.  Là où je suis, je suis très heureuse, mais je ne suis plus au contact quotidien avec les livres.  Ça a fait une grosse différence au niveau de mes lectures.  D'autant plus que mon départ de mon précédent travail et l'arrivée au nouveau ont coïncidé avec la pire crise de lecture que j'ai vécu de ma vie.

Des phases de non-lecture, j'en aie vécu plusieurs dans ma vie, des moments où je ne lisais pas ou peu durant quelques jours, voir semaines, mais là, ça a duré des mois!  Je me détournais des livres, ou plutôt, je voyais ça comme un fardeau (le fait que j'ai été membre d'un jury littéraire, donc pas libre de choisir mes lectures et que je faisais en même temps le GDLQ en étant très motivée à lire des livres qui ne m'intéressaient pas au départ pour avoir plus de points a dû jouer aussi).  J'en suis venue à ne lire que deux-trois livres par mois, moi qui aie pendant des années frôlée la dizaine de livres lus.  Je sais, je sais, même avec ça, je reste dans les statistiques des très gros lecteurs, mais pour moi, ça revenait à presque rien.

Et puis, la vie change également.  Ça fait bientôt quatre années que je m'entraîne en jiu-jitsu et je veux continuer à en faire, ce qui veut dire s'entraîner trois voire quatre fois par semaine.  Je me suis également mise aux jeux vidéos (corrupteur du temps disponible absolu!), bref, je fais beaucoup de choses et plus uniquement de la lecture.  Malgré tout, depuis le début de juin, je commence à reprendre le goût de lire, de m'asseoir pour dévorer un bouquin.  Ça m'a pris du temps, ça m'a fait faire un super gros questionnement, mais finalement, la lecture est revenue.  Évidemment, le blogue en a souffert.  La lecture et l'écriture de billets et de critiques sont liées pour moi.  J'ai été des mois à me casser la tête pour pondre un billet par semaine et malgré tout, j'avais toujours l'impression d'être en dessous d'avant de ne pas être capable de donner la même qualité.  Ça a été dur.  Alors, je me suis dit que j'allais faire une longue pause.  Normalement, je prends toujours mon été relax côté blogue, juillet étant finalement synonyme de vacances de blogue pour moi.  Pas de critiques (z'êtes-vous malade, imaginer la hauteur de la pile à la fin de l'été!), mais de billets oui.  Alors disons que pour me remettre de ma crise de lecture, j'ai besoin de temps.  J'ai repris un rythme presque normal de lecture pour moi en juin et j'ai donc plein de critiques qui traînent à vous faire, mais pas de billets pour l'été par contre.  On verra en septembre comment ça ira.  On le dit souvent, le laisser-aller aide parfois beaucoup.  Alors voilà, c'est mon plan de match pour l'été: lire et critiquer, mais surtout, prendre du bon temps et retrouver le plaisir de bloguer.

@+ Mariane