jeudi 28 mai 2015

Le secret du 16V de Natasha Beaulieu

Le secret du 16V  Natasha Beaulieu  Alire  363 pages


Résumé:
Lilka Kaminski a douze ans.  Le jour de sa rentrée au secondaire, elle rencontre Vienna.  Tout de suite, elle est attirée vers cette jeune fille du même âge qu'elle, mais possédant un magnétisme et une maturité largement au-dessus d'elle, doté en plus d'une fascinante chevelure.  Entre elles se nouent une amitié étrange, faite d'un mélange de fascination, d'attirance, de fusion et de domination.  Au fil des années, cette amitié ne fera que se renforcer, au point de devenir le point central de la vie de Lilka.  Lorsqu'à l'aube de l'âge adulte, Vienna décide de retourner dans sa Hollande natale pour pratiquer son métier de dominatrice, Lilka sent qu'une partie de sa vie la quitte, malgré la naissance de sa fille.  Dix ans plus tard une lettre laconique lui annonce la mort de Vienna dans des circonstances troubles.  De là un déclic, un réflexe de survie dans sa vie devenue si terne: Lilka quitte famille, mari et enfant pour tenter de comprendre ce qui s'est passé.

Mon avis:
Je place dès le départ ce livre dans la catégorie littérature érotique même s'il a une particularité étonnante: il contient très peu de scènes de sexualité et aucune d'entre elles n'est vraiment explicite.  À chaque fois, on s'intéresse moins à ce que les gens font qu'à ce que cela les amène à ressentir, émotionnellement parlant.  Malgré tout, il fait tout au long grimper le thermomètre et nous plonge dans une atmosphère d'une sensualité extrême.  À couper au couteau je pourrais même dire.  La relation entre Vienna et Lilka constitue certes le coeur de l'histoire, mais énormément de points d'intérêts se joigne à celle-ci: la famille polonaise de Lilka, l'intérêt des deux jeunes filles pour la musique de Madonna, le Québec et sa culture populaire au courant des années 1990.  Tout est en filigrane de l'amitié Vienna-Lilka, mais c'est au final que l'on verra les fils et que l'on comprendra les liens.  L'importance de Madonna, des paroles de ses chansons, de l'influence de l'artiste sur Lilka est bien amené.  La chanteuse suit la vie de la jeune fille par petite touche, mais souvent en résonance avec ce qu'elle vit.  La famille de Lilka sera très importante dans le récit, même s'ils sont essentiellement des personnages secondaires.  Ses trois frères subiront l'influence profonde de Vienna.  Celle-ci est mystérieuse, fascinante, intrigante même, mais n'agit pas dans le but de l'être: elle est comme elle est, point.  Dominatrice, elle l'est de nature, bien avant d'en faire sa profession.  Merci à l'auteure d'ailleurs d'avoir été ici moins dans le voyeurisme de ce métier que dans la relation qui s'installe entre un dominant et une dominé.  Clairement, Lilka est une dominée, mais elle aime l'être, elle aime ce que cela lui fait ressentir.  Pas de contraintes, plutôt du donnant-donnant.  Ça peut être inconfortable de penser cela, mais c'est bien réel.  Et bien rendue dans le livre.  D'autres petits détails, comme la culture polonaise du père de Lilka, la chaleur de la famille Kaminski versus la distinction et la froideur apparente de celle de Vienna et de son demi-frère Oslo (ils ont leur propre appartement à quoi, dix ans?) et même les pouliches sont importantes dans ce récit.  Je crois par contre que je ne pourrais plus jamais en voir une sans penser à ce roman vu leur rôle...  Les fascinants cheveux de Vienna occupe à eux seuls une place à part dans le récit.  Sans vouloir dévoiler l'intrigue, ils sont disons... particuliers.  La façon de les décrire et de décrire le quasi-envoûtement qu'ils exercent sur Lilka est bien fait.  Chapeau aussi à l'éditeur de s'être inspiré de la Vénus de Boticelli pour l'image de la couverture.  Un choix très pertinent par rapport au sujet du livre.  Le rapport au désir de vivre sa vie et de choisir celle-ci, de ne pas avoir peur d'être soi-même au risque de déranger, du conformisme, quitte à oublier qui on est traverse le livre.  Aucun jugement, sinon une constatation que l'on fera au travers du personnage de Lilka et de sa redécouverte d'elle-même au moment de son enquête sur la mort de Vienna.  Au final, si tout le livre est dans la tonalité réaliste, le livre s'avère dans les derniers moments un fantastique très bien ficelé.  On pouvait avoir vu venir, mais pas de cette façon.  J'ai trouvé que l'on passait trop vite sur les raisons de la mort de Vienna, surtout que l'une des deux trames narratives du livre se consacre justement à comprendre pourquoi et surtout de quoi elle est morte.  L'explication est très mince et manque de clarté, mais c'est à la toute fin seulement du livre et la finale rattrape en partie le tout.  Le reste du livre est un vrai bonheur de lecture, bien écrit, bien raconté et  qui se dévore avec une grande facilité.

Ma note: 5/5

lundi 25 mai 2015

Pourquoi les libraires sont-ils si déconsidérés?

Salut!

La semaine dernière, j'ai publié un billet concernant l'une des fonctions que je trouve la plus à la base du métier de libraire, le conseil.  Comme souvent, les commentaires et les réactions ne sont pas du tout allés dans la direction auquel je m'attendais (mais bon, ça, je commence à y être plutôt habituée!).  Par contre, une idée qui me hérisse profondément a émergé au travers: les libraires, au fond, on en a pas besoin, on a Facebook et Goodreads, on se tient au courant parce ce que nos amis lisent, etc, etc.

BORDEL.  (Je retiens le reste de mon vocabulaire disgracieux.)

Comment dire: j'ai déjà largement entendu ce genre de commentaire.  Ça me faire grincer des dents à chaque fois, mais j'y suis habituée.  En 2011, j'avais assisté à un événement, le BookCamp Montréal sur l'avenir du livre.  La majorité des personnes présentent ne représentaient pas le milieu du livre actuel, mais étaient plutôt branchés sur le dernier cri, à l'époque le numérique (qui l'est encore quatre ans après, mais passons).  Je me suis présentée là en pensant que l'on parlerait de l'avenir du livre, je me suis rendue compte que l'on parlait plutôt de l'avenir de la technologie pour se procurer des livres et les lire.  De livres, de lecture, on a peu parlé.  De marketing, de technologie, des vieilleries qui nuisaient à l'avancement et dont j'étais la digne représentante (en tout cas, la seule qui a osé ouvrir la bouche), beaucoup, énormément même.  Je suis sortie de là démolie.  Complètement.  C'est tout juste si on ne m'a pas accusée d'être passéiste, de défendre corps et âme quelque chose de révolu, d'être une nostalgique perdue dans son monde de rêveuse et de ne rien comprendre au présent et à l'avenir.  Ça m'a pris du temps à m'en remettre.  Jusqu'au jour où j'ai constaté deux choses: la première, c'est que la majorité des gens présents pouvaient à peine me parler du milieu du livre qui prévalait à ce moment-là, se contentant de beaucoup de préjugés et d'une base de connaissance réelles (les préjugés avaient préséance).  Moi, j'y travaillais à chaque jour, contrairement à eux.  De deux, beaucoup d'être eux étaient des gens qui aimaient lire, mais n'en faisaient pas nécessairement un métier.  Leur travail n'étaient pas de produire ou de vendre des livres.  Certains, oui, en effet, mais pas tous, loin de là.  Et les plus virulents, justement, ne l'était pas, c'était des fous de la techno et de ses possibilités, pas du livre.  Tout ça pour dire que des commentaires sur l'avenir des libraires, j'en aie eu des tas et plus démoralisants les uns que les autres.  Sauf que pendant que certains rêvent l'avenir, les libraires travaillent dans le présent.  Il est utile de préparer l'avenir, d'en parler, mais penser qu'on fera table rase du présent d'un coup de balai, ça, c'est terriblement naïf.  La place du numérique est appelée à grandir, mais ça ne veut pas dire qu'il remplacera la totalité des structures existantes en un clic.

Ceci dit, cela n'explique pas le mépris, le petit regard hautain, le «on en a plus besoin» que j'entends souvent.  Pour donner un exemple, quand vient le temps de faire la promotion de leurs livres, les auteurs accourent autour des libraires, leurs disent combien ils sont importants et tout et tout.  Quand vient le temps de, non, pas faire preuve de solidarité, non, pas soutenir sans la moindre nuance, juste reconnaître que leur rôle est important et qu'ils ont leur place, je vois plus souvent des abonnés absents que des gens qui disent simplement qu'ils reconnaissent le travail des libraires.  Ou qui profitent de l'occasion pour souligner à gros traits leurs défauts.  Soyons honnêtes, très honnête même, le milieu est loin d'être parfait et les critiques sont nécessaires pour qu'il s'améliore.  Entre ça et dire qu'«on en a plus besoin», il y a comme un monde.  Un pas que je ne suis pas capable de franchir, parce que je sais que c'est faux.  C'est comme jeter le bébé avec la proverbiale eau du bain.   C'est comme détruire la base du milieu du livre au Québec à cause de ses défauts réels, en niant ses qualités et ses immenses réussites qui sont quotidiennes et le fruit d'un effort constant.  Parce que par extension, si on critique le fait que le conseil soit la principale raison d'existence des libraires, on conteste par extension leur présence et de là découle bien souvent l'accessibilité au livre dans certaines régions.  Si le libraire n'est pas là pour conseiller des livres, il est là pour quoi?  Ce n'est pas la pharmacie qui réussira à tenir l'inventaire et la variété de l'offre en librairie et à le défendre.  Ce n'est d'ailleurs pas son métier.  Je ne pense pas que la majorité des gens qui rejettent du revers de la main la fonction de conseil du libraire soit conscient de ce que ça implique.  Par contre, le fait que les critiques les plus dures viennent des gens qui bénéficient le plus du travail de libraire est terriblement pénible à accepter.  Les gens que l'on nourrit, que l'on soutient, que l'on aide autant qu'il est possible de faire méprisent les libraires dans la base de leurs fonctions.  Imaginez alors pour le reste...

Bon, il faut le dire, malgré les ventes de plus de 600 millions de dollars par année (si, si! la plus importante industrie culturelle au Québec!), le milieu a terriblement changé depuis deux décennies.  Avec la multiplication des points de ventes, le libraire n'est plus l'unique vendeur de livres.  Il ne détient plus le sésame  de l'accès au livre.  Enfin, oui, dans les faits.  Avec 35 000 nouveaux titres par année, l'offre est vaste.  Les chanceux qui réussissent à percer dans le milieu de la grande distribution (GD dans le jargon, soit les grandes surfaces) sont une poignée d'élus.  À peine 200 titres y passent.  Pour le reste, il faut aller en libraire ou encore, sur Internet.  Mais encore...  À ceux qui sont de grands défendeurs de l'empire au sourire en coin, je répondrais ceci: dans une librairie, un livre est en compétition avec quelques milliers d'autres (30 à 60 000 selon les librairies et le fond qu'elles tiennent).  Sur Internet, chaque livre est en compétition avec des dizaines de millions d'autres, soit: les titres de l'année, le fond déjà publié depuis quelques années, l'auto-publication, les titres étrangers, les livres dans le domaine du droit public, les versions uniquement numériques et... ok, j'arrête là?  Comment espéré attirer l'attention du lecteur dans ces circonstances sur UN livre en particulier!!!  Et les algorithmes ne sont pas faits pour encourager les lecteurs à la découverte.  On vous pousse vers ce qui est le plus vendeur (ou ce pour quoi l'éditeur a payé pour que vous y soyez dirigé).  Si vous allez voir un livre policier, on vous proposera... les meilleurs vendeurs de livres policiers, ceux qui n'ont pas tant besoin qu'on leur donne encore une petite poussée dans le dos pour que vous les ajoutiez à votre panier.  Je rêve (ok, donnez-moi A+ en naïveté pour cette idée si vous voulez...) d'un site web permettant de faire des suggestions vraiment découvertes.  Genre, vous cherchez un livre de science-fiction, on vous proposera quelques titres dans la veine du «vous avez aimé, vous aimerez aussi», mais aussi un premier livre d'un petit éditeur qui n'a aucune autre visibilité en disant: Totale découverte! ou Futur best-sellers?  ou encore Pas encore commenté, soyez le premier!  Ça, ça se rapproche déjà plus du travail de libraire.  Mais bon, je rêve, ce ne serait sans doute pas assez vendeur pour se donner la peine d'ajuster les algorithmes...

Ah oui, les médias sociaux...  J'y arrive.  On me dit souvent que ça remplace très bien le travail de libraire.  Ouch...  J'ai le goût de hurler quand je vois ça.  C'est un complément!  Pas la base!  Ok, vous aimé lire, vous aller sur Goodreads ou Babelio (tant mieux pour vous et pour la lecture, je ne critique pas le fait d'être membre d'un de ces sites) ou je ne sais quel autre, vous voyez ce que vos amis aiment lire, vous pouvez faire des recherches sur des livres...  mais le premier contact avec ce livre?  Le fait que vous décidiez de faire une recherche sur ce titre précis?  L'inspiration première, l'étincelle qui a tout lancé?  Elle a été faite où?  Dans quelles circonstances?  Pub, critique lue dans le journal... conseil d'un ami qui l'a eu d'un libraire?  Pas nécessaire qu'il vous le dise pour que l'origine soit là.  Et c'est la même chose pour un paquet de livres.  L'étincelle part de quelque part.  Et souvent, les libraires sont là pour la déclencher (c'est leur boulot!!!).  Le reste du temps, le livre suit son trajet.  S'il n'y a personne pour faire jaillir l'étincelle, quelle sont les chances que vous soyez un jour en contact avec le livre?  À part Pierre Foglia dans La Presse (était, dommage, il a pris sa retraite), je ne connais pas beaucoup de gens qui parlent de livres qui disent que leurs conseils viennent de libraires.  Et pourtant, il y en a!  C'est pas nécessaire de le dire, mais cela donne un effet pervers quand même: le travail du libraire est tellement bien fait qu'il en est invisible.

Imaginé maintenant ce que serait le milieu du livre au grand complet s'il n'y avait plus de libraires...  L'offre ne diminuerait pas, mais l'espace pour en parler rapetisserait comme peau de chagrin.  Il n'y aurait plus le contact entre les lecteurs et les libraires, entre les bibliothécaire et les libraires, entre les professeurs et les libraires, entre...  La liste est longue.  Le travail de libraire, ce n'est pas d'amener quelqu'un à venir à toutes les semaines de façon méthodique dans sa librairie.  C'est l'idéal oui, mais ce n'est pas la vraie vie.  Mais en conseillant une ado une fois qui se cherche un livre, on crée une étincelle.  En conseillant la maman qui veut un livre pour aider son poupon à faire ses nuits, on crée une étincelle.  En faisant découvrir une nouvelle biographie à une fan de telle vedette de cinéma, on crée une étincelle.  C'est l'ensemble qui fait le brasier, pas chaque étincelle prise à part.  Les libraires fonctionnent une personne à la fois, mais leur travail est collectif (il y a des centaines de libraire au Québec) et sur une base quotidienne, d'où son impact super important.  À cela s'ajoute le travail des médias, des prix littéraires, de la publicité et oui, des médias sociaux.  Parce que rien ne peut se faire en vase clos.  Les libraires ne peuvent pas tout faire, mais ils participent au mouvement pour une grosse part en activant les étincelles de base.  Leur disparition laisserait un cratère dans la visibilité du livre au Québec.  Parce que c'est un travail de moine et de longue, très très longue haleine, mais s'il n'était pas là, la différence serait vite évidente.  Même les lecteurs qui ne fréquentent pas les librairies ressentiraient la différence.

Ce billet est un coup de gueule, je le reconnais.  C'est aussi une déclaration de Y'en a marre que l'on piétine mon ancien métier.  Je n'y suis plus, mais j'y suis encore très attachée et je connais un grand nombre de personnes qui y travaille encore.  Et qui y crois, assez pour accepter des salaires bas et une reconnaissance très minimale et qui pourtant continuent à travailler, jour après jour et ainsi font une bonne partie de la vitalité du milieu, donnant leur chance à des dizaines d'auteurs et d'éditeurs de réaliser leurs rêves.  Ce n'est pas mineur, c'est majeur.  Et pourtant si facile à ignorer et à mépriser.

@+ Mariane

P.S.  En écrivant ce billet, j'avais évidemment en tête les commentaires écrits sur mon blogue la semaine dernière, mais pas seulement.  C'est le résultat d'une accumulation plus qu'autre chose, on dirait juste que ça m'a permis de rebrasser des idées qui traînaient depuis longtemps en un tout cohérent.  Et encore, elles ne me paraissent pas encore toutes mûres, mais ça j'avais besoin que ça sorte.  Si quiconque se sent personnellement visé par ce billet, sachez que ce n'est pas le cas: si j'avais des noms et des visages en tête, je ne cherchais en rien à régler des comptes ou à faire mal à quelqu'un, ça me permettait juste de me remémorer des situations où je rageais intérieurement et à mettre des mots sur mes idées.  Quoiqu'il en soit, je respecte les idées des autres sur les questions du commerce du livre, vivant dans un pays de liberté d'expression, chacun est libre d'avoir son opinion sur le sujet.

mardi 19 mai 2015

Le besoin d'être guidé

Salut!

Je suis tombée sur cet article sur lapresse.ca il y a quelques temps.  On y parlait du métier de disquaire, mais avant tout de sa fonction première que l'on oublie trop souvent: le conseil.  Un disquaire, ce n'est pas qu'un vendeur de disques, c'est avant tout un fin connaisseur de la musique.  Il ne connaît pas que les derniers tubes pop à la mode, il va aussi connaître ce charmant chanteur de jazz qui vient de sortir son troisième disque.  Ou la chanteuse africaine qui fait de l'indie-pop.  Et tous ces groupes de rock, alternatif, hip-hop et autres artistes émergents.  Et surtout, il est au courant de ce qui se brasse dans la musique, des artistes qui montent et les autres qui font un travail à surveiller.  Il ne les connaîtra pas tous, bien sûr, mais il sera toujours un mélomane plus érudit que la moyenne des gens.  J'ai un ami qui fait ce métier.  J'adore ses conseils.  Justement parce qu'il connaît son affaire.  Il est un «vrai» disquaire.  Évidemment, il y aura toujours des vendeurs de disques plus préoccupés par leurs chiffres d'affaire que par la qualité du service et du choix en magasin.  Ce sont aussi ceux qui sont les plus sensibles aux variations de ventes étant donné qu'ils misent essentiellement sur le volume de ventes pour assurer leur survie et non sur une fidélisation de la clientèle à long terme.

C'est la même chose avec les librairies dans le fond.  Certes, une librairie est un endroit où l'on vend des livres, mais avant tout un endroit où l'on entre pour se faire conseiller, se faire guider dans le monde labyrinthique de la littérature d'aujourd'hui.  On s'attend d'un libraire qu'il ait une connaissance approfondie des livres et on veut qu'il nous conseille.  En entrant dans une librairie, on s'attend à avoir ce genre de services.  Sauf que l'on ne devient pas libraire en criant ciseau.  Il faut avant tout la passion.  Il faut aimer les livres.  Ne pas les regarder uniquement pour leur valeur de vente, mais aussi pour leur valeur littéraire, pour l'intérêt qu'ils peuvent susciter chez des lecteurs.  Ça demande du temps, du doigté et un certain flair, des talents qui ne se développent pas en un jour.  C'est dans beaucoup de cas un métier que l'on apprend sur le tas et j'ai même remarqué que les meilleurs dans le domaine sont ceux qui y arrivent un peu par hasard et qui font le travail au lieu d'essayer de se couler à un moule.  Parce qu'il y a autant de libraires qu'il y a de librairie.  Et que chaque libraire apprend à s'adapter à sa clientèle.

Conseiller dans le domaine de la littérature est un exercice d'équilibriste.  On ne sait jamais à l'avance, le détail qui fera reculer un lecteur, le style qui le rebutera.  On apprend à connaître nos clients, à tisser entre eux et les livres ce fil qui fait tomber le bon auteur dans les bonnes mains.  Reste que souvent, on croise des lecteurs perdus dans les librairies.  Des lecteurs qui ne demandent rien de mieux qu'à être guidés, conseillés.  Parfois, ils ne savent même pas ce qu'ils veulent en mettant les pieds dans une librairie.  Mais ils savent qu'ils peuvent compter sur l'expertise de quelqu'un en mettant les pieds là.  Quelqu'un qui connaîtra son affaire et qui sera au courant de ce qui se brasse en littérature.  Et ça c'est précieux.

À part les libraires, qui prend le temps aujourd'hui d'être au courant de tout ce qui se passe dans le milieu du livre?  La vitesse à laquelle tout bouge et change amène le besoin d'être guidé.  Et donc à des professionnels.  Mais pour qu'ils existent, il faut qu'ils puissent en vivre...

@+ Mariane

lundi 11 mai 2015

Lendemain de Boréal...

Salut!

Bon, le Congrès Boréal était en fin de semaine et comme d'habitude, je suis en mode lendemain de fin de semaine intense...  Pas de billets pour aujourd'hui, désolé.  Mine de rien, c'est le premier Boréal que je fais au complet (avant, je sautais le samedi soir) et je dois avouer que j'ai adoré les bandes-annonces.  À ajouter au menu de l'an prochain, miam!  Ainsi que le maltraitement de textes!

Une magnifique fin de semaine, pleine de brassage d'idées, d'échange, de rires et de répliques à garder en mémoire.  De jeux aussi (nouveauté encore également pour moi).  J'ai gagné une partie de Pandémie, joué à un jeu de zombie avec Patrick Senécal et constaté que certains jeux nécessitent une attention cérébrale légèrement au-dessus de mes capacités cérébrales de fille fatiguée.  Bref, c'était le Boréal!!!

Malheureusement, je n'ai pas gagné le prix pour la Fanédition.  Avoir des blogues et une revue dans la même catégorie, je comprends que les gens aient naturellement été vers la revue.  Félicitation pour Clair-Obscur!  Je n'ai pas encore lu un seul de leurs numéros, mais maintenant, je vais m'y mettre ;)

Rendez-vous l'an prochain gang!  Ou même avant si possible!

Ah oui et la photo-selfie officielle de ce Boréal:

Vive le McKibbins la gang!!!!

@+ Mariane

P.S. J'ai découvert une nouvelle échelle de fatigue pour moi en fin de semaine
a) Fatigue normale après une longue journée de travail
b) Vraiment fatiguée, mais tu continues
c) Fatigue anormale qui cause de brefs épisodes de sommeil durant les ateliers
d) Dépassement du seuil normal de fatigue qui fait que tu vas sur ton erre d'aller et que tu continues durant des heures sans même te poser de questions.

J'ai été sur le d toute la journée de dimanche... et ça en valait la peine!

mercredi 6 mai 2015

La vie sur Mars de Marie-Sissi Labrèche

La vie sur Mars  Marie-Sissi Labrèche  Leméac  164 pages


Résumé:
2035.  Neil vient d'apprendre la mort de sa mère, sa mère avec lequel il a eu une relation plus que complexe.  Elle l'a élevé seule depuis que son père s'est envolé pour Mars dans une mission spatiale.  De retour à Raon-l'Étape, ville française de son enfance, il trouve un étrange manuscrit, un long récit que sa mère, écrivaine, a laissé derrière elle.  Mais ce récit n'était dédié qu'à un seul lecteur: son fils.  Car c'est son histoire qu'il lui raconte, celle de sa vie, de sa conception au départ de son père pour Mars.  Car après tout, le reste de l'histoire, Neil la connaît.

Mon avis:
Oh wow...  Comment dire autrement?  J'ai lu ce livre d'une traite, en deux jours.  Il y a un ton, une façon de raconter dans le récit de la mère qui m'a tellement accroché.  On reconnait là une mère débordante d'amour envers son fils (les innombrables petits mots doux dont elle l'affuble compte beaucoup pour l'effet), même trop, une femme à la recherche d'elle-même, une écrivaine qui tente de faire sa place, tout ça en même temps, mais en mettant l'accent sur la relation avec son tout-petit qu'elle porte d'abord en elle, puis qu'elle élève, seule en bonne partie.  À travers son récit, Neil apprend à découvrir une autre facette de la personne qui l'a élevée et à comprendre un peu mieux ses actes.  Dit comme ça, cela fait cliché, mais sous la plume généreuse et débordante de l'auteure, ça prend une toute autre allure.  Et c'est magnifique.  C'est le portrait d'une femme, des difficultés qu'elle rencontre.  Un portrait de la vie de couple aussi.  Car dans la relation de ses parents, il y a beaucoup d'aveuglement volontaire de part et d'autre.  Sa mère n'a pas su voir son père avec ses défauts et lui était trop aveuglé par lui-même pour comprendre ses besoins.  On reste ébahi devant tant de bassesse parfois, mais qui relève au fond de la simple incompréhension entre les deux.  Autant on sentira la force de la relation de Neil et sa mère, autant on verra celle du père de Neil avec son grand-père, elle aussi fusionnelle, totale, absolue, exclusive on pourrait dire.  Et comme son père l'a fait avec sa mère, le père de Neil sera aveugle aux besoins de sa femme, sans même se rendre compte que celle-ci en a.  Il la poussera sans même s'en rendre compte dans le rôle de femme au foyer, ménagère et cuisinière, ignorant ses désirs d'écrire, son simple besoin de faire autre chose que de prendre soin de son fils.  Comme son père avait fait avant lui.  Il est français et les différences culturelles prennent beaucoup de place dans le récit.  La scène où ils rendent visite à des connaissances du village et où elle ne peut rien faire d'autre qu'endurer les conversations insipides est dure, mais réaliste.  Obnubilé par son rôle d'hôte, il l'ignore totalement, ne comprenant pas que cette visite est pour elle un martyre.  Ils sont dans sa culture et cela y est normal, alors qu'elle, québécoise, ne comprend rien des règles subtiles qui régissent ce genre de rencontre sociale et la subit comme une visite au purgatoire.  Miroir de leur relation.  Tout dans ce livres est d'ailleurs dans cette fine analyse psychologique des relations entre les personnages.  On est du point de vue de la mère, mais même elle-même est d'une grande honnêteté et on comprend à travers elle ce qui se passe.  Quand à Neil, bourré aux antixyolitiques et aux antidépresseurs au début du récit, il sort de cette histoire lavé, ayant fait la paix avec son passé.  Une sorte de renaissance, de passage que l'on verra s'étaler sous nos yeux.  Malgré tout, je ne peux que le voir comme un personnage secondaire dans l'histoire.  Même morte, c'est sa mère qui occupe l'avant de la scène, c'est avant tout son histoire à elle.  L'aspect science-fiction est un peu mince et on sent que l'histoire aurait pas mal pu se passer à n'importe quelle époque, ce qui rend un peu cette histoire intemporelle.  Car le sujet principal est la relation mère-fils.  Une magnifique plume au service d'une très belle histoire, vraiment, à lire.

Ma note: 5/5

lundi 4 mai 2015

Une nomination qui fait plaisir

Salut!

Je ne suis pas très forte sur l'auto-promotion, sans doute pour cela que je n'ai même pas eu le réflexe d'en parler ici avant, mais j'ai eu une très bonne nouvelle récemment: pour la deuxième année consécutive, je suis en nomination pour le Prix Aurora-Boréal, catégorie Fanédition.  Comment dire...  Je suis émue?  C'est comme un petit coup de pouce, une petite tape dans le dos pour continuer à faire ce que je fais régulièrement.  Bloguer, ça se fait pas mal en solitaire, alors de savoir que des gens le remarque et l'apprécie...  Ça fait vraiment chaud au coeur.

Je suis d'autant plus contente que j'ai dû réduire la cadence au cours des derniers mois.  Je ne suis plus capable de maintenant le rythme d'enfer que je m'imposais avant.  J'en fais moins, mais j'essaie de maintenir la qualité par contre.  Et je crois bien que j'y réussis.  Ça a été dur par moment et je suis très heureuse d'avoir passé au travers.

Gagnerais-je le prix cette année?  Je l'espère!  L'an dernier, j'étais très heureuse de voir la victoire de La plume et le poing (après des années de domination par Brins d'éternité).  Par contre, pour cette année, rien n'est garanti.  Et j'avoue que j'aimerais bien le remporter ce prix!  Comme dirait les politiciens en campagne électorale, ça me prend votre vote pour gagner! :P  Alors, pour tout ceux qui seront présents lors du Congrès Boréal 2015, un petit X à côté de mon nom serait vraiment apprécié.

Mais en attendant, je savoure le plaisir de la nomination, ce qui en soit est déjà super agréable!

@+ Mariane

vendredi 1 mai 2015

La guerre des arts de Francis Desharnais

La guerre des arts  Francis Desharnais  Pow Pow  91 pages



Résumé:
Une espèce extraterrestre enlève tous les artistes de la Terre... ainsi que les plombiers (ils ont un dégât d'eau vous comprenez...), laissant les pauvres terriens sans musique, sans cinéma, ni designer de comptoir de cuisine (c'est quand même artistique comme métier!) et avec une peur terrible que leurs enfants ne se mettent à chanter ou à faire des rimes.  Condamnés aussi à regarder en boucle les mêmes vieilles émissions.  Pendant ce temps, les artistes (et les plombiers) découvriront une facette de l'univers qu'ils n'auraient jamais soupçonné.  Celui du pouvoir (littéral!) d'une rime ou d'une chanson et comment elle a influencé leurs mystérieux kidnappeurs.

Mon avis:
Il fallait du cran, que dis-je du culot pour faire une bande dessinée présentant seulement une image répétée seize fois par page, avec comme seul changement un petit détail ici ou là ou encore les phylactères.  Et pourtant...  On embarque dans cette histoire essentiellement faite de dialogues en riant beaucoup parce qu'il se dégage de ces pages une ironie et un humour féroce.  La découverte de la vie sur Terre sans artistes fait rire parce que l'on se rend compte à quel point l'art est important dans chaque facette de nos vies.  De l'autre côté, on voit le pouvoir de l'art sous un angle différent.  En fait, dans le monde des Isayhellos, en guerre avec les Yousaygoodbye (bonjour les Beattles...), l'art et le pouvoir de la beauté sont capables de destructions immenses.  Et comme les Isayhellos ont oublié ce pouvoir, ils demandent aux artistes terriens de les aider...  Tout est dans le ton dans cette BD hyper-minimaliste, mais diablement efficace.  Ainsi, Nelligan et Boris Vian deviennent des armes et un bon coup de pinceau fait parfaitement l'affaire pour mener une bataille.  La revanche des artistes quoi!  C'est une BD qui est dure à décrire, elle se vit plutôt qu'elle se décrit.

Ma note: 4.5/5