lundi 30 mars 2015

Pas sur le produit lui-même

Salut!

S'il y a une chose que je constate depuis un long moment, c'est bien que dans l'industrie culturelle en général, la majorité des profits semblent ne plus se faire sur le produit de base, mais bien sur les produits dérivés.  Ce n'est plus pour le film, la musique que l'on sort notre porte-feuille, c'est pour le t-shirt officiel, la tasse officielle, la figurine à l'image du héros et j'en passe.  Avouez-le, les campagnes de promotion et de marketing croisée avec des chaînes de restauration populaire font que l'on est littéralement inondé d'images officielles lors de la sortie d'un film.  Ce qui fait d'ailleurs quelques mois plus tard la fortune des Dollarama de ce monde.  On voit défiler les acteurs et les réalisateurs sur les plateaux de télé, on voit se multiplier les événements en lien avec la sortie tant attendue.  La musique?  Pouvez-vous imaginer un artiste vivant aujourd'hui de la vente seule de ses disques?  Non, en soutien, il y a le clip, il y a les spectacles et euh, oui aussi les plateaux télés qui servent à faire la promo de la musique ou du film et ainsi de suite.  On démultiplie donc les sources de revenus en partant d'un même produit de base.

Maintenant, le livre...  Ouf...  On a là un sacré problème.  Connaissez-vous beaucoup de produits dérivés des livres, mais des livres uniquement?  Ok, des exemples existent, mais ils sont l'exception plutôt que la règle.  Je sais que ce ne sont pas tous les films et tous les albums de musique qui bénéficient d'un marketing-tsunami, mais quand on passe du côté de la littérature, les exemples tendent à se raréfier.  Quoique ceux que j'ai montré plus haut sont plus dérivés de la bande dessinée, qui s'y prêtent plus facilement sans doute.  Mais la littérature?  Elle est faite de mots, mais tout le monde se construit une représentation mentale dans sa tête de celle-ci, ce qui en fait un produit dur à matérialiser.  Tout le monde avait une idée précise de quoi avait l'air Harry Potter ou Aragorn ou Poudlard avant de le voir au cinéma.  Créer une figurine à partir de ça revient à dire que tout le monde y trouvera un détail à redire et que personne ne s'y reconnaîtra pleinement.  Notable exception, Tolkien a eu la chance de collaborer de son vivant avec l'illustratrice Pauline Baynes qui a su mettre sa vision à lui de son monde en images, mais c'est un rare cas d'auteur collaborant étroitement avec un illustrateur.  La plupart du temps, les couvertures de livres sont faites à contrat et sont donc moins reliés à la vision de l'auteur de son propre univers.

Alors, quel dérivé peut-il exister pour le livre?  L'adaptation au cinéma?  Ça garnira forcément les coffres de l'auteur, mais la grande majorité n'a pas cette chance.  Et encore, à ce moment, on parlera forcément plus du livre en répétant ad nauseam que c'est une adaptation, mais ce ne sera plus l'oeuvre phare.  On ira voir le film, pas une oeuvre littéraire qui est par essence très différente.  La couverture du livre?  Sans doute le produit dérivé le plus courant, l'autre étant l'adaptation en livre audio.  Ce sont les seuls qui s'accrochent au plus près à l'oeuvre littéraire, sans passer par d'autres médias.

Le livre n'est pas un média artistique comme les autres.  Il a besoin d'un support pour être lu et de temps pour être pleinement apprécié.  Il ne peut pas être aussi aisément démultiplié que d'autres médias plus historiquement plus récents.  Ceci crée une contrainte, qui est à prendre en compte dans les difficultés que vit le monde du livre depuis deux bonnes décennies: alors que le cinéma ne compte plus seulement sur les entrées en salle et la musique sur les ventes d'album pour survivre, le livre lui, tire encore la majorité de ses revenus des ventes de livres.  Et ça, ça constitue un véritable problème.  Pas seulement de revenus, mais aussi de place dans les médias, parce qu'avec la multiplication des produits vient la multiplication de la visibilité dans l'espace public.  Il me semble que ça manque cruellement au livre.

@+ Mariane

mercredi 25 mars 2015

Colis 22 de Marsi

Colis 22  Marsi  La Pastèque 164 pages


Résumé:
Jocelyn Chicoine, alias Pluton, est livreur de colis pour SO, une entreprise de coursier à vélo avec une thématique système solaire: tous les coursiers ont des noms de planète et les services sont soient photonique (ultra-rapide) ou lunaire (un peu plus lent).  Sauf que depuis quelques temps, il enchaîne les malchances.  Pour se rattraper, il emprunte une course à sa petite amie Mercure.  Le lieu de la livraison se révèle fermé à cause d'un appel à la bombe, il retourne le colis à l'expéditeur qui est... malheureusement mort!  S'ensuit une série de rebondissement pour savoir que faire du fameux colis et aussi que faire avec cet emploi que Pluton, au fond, déteste souverainement.  Le tout poursuivi par un chien qui tombe amoureux fou du coursier avec en arrière-plan, un vieux féru d'ésotérisme qui tire on ne sait trop quelle ficelle.

Mon avis:
Ce que j'ai beaucoup aimé dans cette BD, c'est le découpage et les plans.  C'est très soigné, très pensé, pas cinématographique, mais presque.  Il y a quelque chose de la précision du trait d'Hergé dans cette BD, mais avec une sauce résolument différente.  Surtout pour les dessins des immeubles et les décors.  Les personnages sont bien, mais j'avoue que j'avais un peu de mal à les distinguer les uns des autres à l'exception de Pluton et Mercure.  Quoi qu'il en soit, on peut facilement sentir les différentes atmosphères, les différentes ambiances grâce aux décors, ce qui aide beaucoup parce que c'est ainsi que l'auteur différencie les endroits où évoluent les protagonistes.  Et vu la complexité de l'intrigue à un moment, c'est d'autant mieux.  Un peu mêlé de ce côté, on est par moment amené à se questionner à savoir où l'auteur va nous mener.  La façon dont il branche la fin avec le colis est un peu bizarre, sans vouloir dire tirée par les cheveux.  J'ai plus ou moins aimé la conclusion.  Et le chien.  Je me suis demandé à quoi il servait dans l'histoire à part nous faire rigoler.  Ce qui serait bien, seulement, l'intrigue est déjà dense, alors l'ajouter enlève du temps qui aurait pu lui être consacré et de deux, on ne comprend pas trop où l'auteur voulait en venir avec ce chien sorti de nulle part et qui suit Pluton partout sans raison particulière.  L'auteur aurait intérêt à travailler davantage ses scénarios parce qu'il est indéniable qu'il a le coup de crayon pour la BD.  C'est mal balancé entre les deux extrêmes, le dessin et le scénario, dommage parce que c'est l'équilibre des deux qui donne une bonne BD.

Ma note: 3.75/5

lundi 23 mars 2015

L'étoilisation de la critique

Salut!

En lisant Métier critique (je vous l'avais dit que j'y reviendrais! :P ), j'ai lu un passage sur le phénomène de l'étoilisation de la critique qui m'a marqué.  Ça ne vous dit rien?  Remarquez, j'ai découvert le terme en lisant le livre, je ne m'en étais jamais formalisée avant.  C'est la manie qu'ont tous les critiques, peut importe le média et le sujet traité à vouloir accorder une note.  Les fameuses étoiles.  Celles que l'on voit partout sous ou à côté des critiques.  On peut les voir sous la forme d'une note sur X (comme moi, avec mes notes sur 5) avec des silhouettes d'étoiles ou de coeur, plus ou moins remplie selon la note acquise.  J'ai déjà vu des lunettes pour les critiques de livre dans une défunte revue consacrée à la littérature :)

Ça m'a fait réfléchir parce que c'est ce que je fais.  Depuis les tous débuts de mon blogue d'ailleurs.  Je l'ai fais à la fois parce que c'est très courant comme façon de conclure une critique et aussi parce que ça permet de mettre un barème entre mes différentes lectures.  Par contre, ça a un effet pervers: c'est très réducteur.  Les gens vont aller voir la note avant tout.  Sans prendre le temps d'aller lire la critique, ce qui est véritablement dommage, surtout avec le temps que je passe à les rédiger alors que la note me prend quelques secondes à décider!  Une note, c'est l'appréciation générale d'un livre.  Il a beau avoir des défauts (dont je vais parler dans ma critique) si ma lecture a été trippative, la note sera plus élevée.  Réduire à une poignée de chiffre un livre, c'est nier que tous les livres sont comme un graphique en monts et vallées: certains aspects seront plus forts et d'autres plus faibles.  On fait la moyenne, ce qui ne veut pas dire que tout est bien.

Je prends la peine de faire une critique complète, de souligner les réussites et les points à améliorer.  De pointer là où ça fait mal et d'applaudir les bons coups.  Ça me prend du temps, je tourne dix fois mon clavier entre mes mains avant de publier parce que j'essaie d'être le plus précise et exacte que je le peux.  C'est ça le travail de critique.  Bien plus que de mettre une note.

D'un côté, je comprends les gens de vouloir regarder la note en premier et de l'autre, je sais qu'elle ne permet pas de rendre justice à une oeuvre.  L'être humain est l'être humain.  Je suis la première à regarder les côtes des nouveautés au cinéma!  Ça donne un indice assez fiable.  Ça vaut la peine que je lise la critique ou non?  Si oui, tant mieux, mais sinon, ça teintera le jugement.  On lira la critique avec la note en tête.  Si on lance des fleurs à une oeuvre peu cotée, c'est le critique qui risque de ramasser le pot...  La cohérence doit aller de pair avec la note accordée.  C'est ainsi.

Catherine Voyer-Léger soulignait dans son livre que le côté néfaste des étoiles était qu'il mettait énormément d'oeuvres sur le même pied d'égalité, c'est à dire... moyen.  Combien de livres aie-je côté à 3.5 sur ce blogue?  Je ne les compte plus.  C'est bon, mais ce n'est pas parfait.  Pas assez de qualités pour que cela soit excellent, pas assez de défauts pour que cela soit pourri.  Moyen.  Que reflète une note de 3.5?  La note de passage, la tape dans le dos?  Ça fini par ne plus rien dire au fond.  Et c'est bien dommage.

Lire sur le sujet m'a fait réfléchir à mes propres pratiques au sujet des notes.  Pour l'instant, elles vont rester, leur côté pratique et rapide est quand même là.  Et puis, je dirais que c'est ma façon de mettre mon point final à une critique.  Outil imparfait parce que trop réducteur, je me dis qu'elles peuvent quand même être pertinentes.  En attendant, dites-vous que la meilleure façon de savoir ce que je pense d'un livre est de lire le paragraphe qui précède.  J'y mets tout le sel de ma sueur de critique!

@+ Mariane

mardi 17 mars 2015

L'isthme de Mathieu Blais

L'isthme  Mathieu Blais  Éditions Trois Pistoles  133 pages


Résumé:
Un homme, désespéré après la mort de la femme qu'il aimait, part, se met en route.  Il suivra le chemin, tout au long, traversera le continent, vers l'isthme, lointain.  Sur son chemin, l'errance, les gens, la vie, la douleur, mais surtout le manque, le manque d'elle.

Mon avis:
Ce livre est un recueil de poésie... écrit en prose.  Oublier les sonnets classiques, ça n'a rien à voir.  Mais le ton, la façon de raconter, les images évoqués sont clairement du domaine de la poésie.  Ce livre raconte, par courts chapitres, l'errance d'un homme qui cherche la mort suite à celle de la femme qu'il a aimé.  Sans le dire, on devine qu'elle est morte à la suite d'une longue maladie, sans doute d'un cancer.  À demi-mots, en nommant les choses sans les nommer, il nous entraîne dans sa longue errance, montrant les gens, leur générosité, leur cruauté, les effets de la guerre, les effets de la vie en communauté.  C'est beau, c'est simple, c'est vrai.  Et c'est terriblement poétique.  On sent bien les affinités de l'auteur avec la beauté des choses simples et aussi son engagement social (le récit est parsemé d'allusion à la gauche).  L'écriture est simple, parsemée des circonvolutions propres à la poésie, mais sans jamais se perdre, ce qui est en soi un petit exploit parce que le récit est celui d'une errance autant physique qu'intérieure.  Je ne trippe pas poésie, mais j'avoue que j'ai beaucoup aimé.

Ma note: Impossible à noter, je ne connais pas assez la poésie pour ça.

lundi 16 mars 2015

L'artiste est une bébitte à question

Salut!

Ça m'arrive souvent de regarder des making-off de films sur DVD.  J'aime bien voir le travail qui se fait derrière la caméra, entendre parler les créateurs du film sur le pourquoi tel ou tel choix dans le scénario ou dans la façon dont est tourné une scène.  C'est toujours intéressant de voir comment est pensé l'oeuvre que l'on va voir sous nos yeux.  De voir quels sont les décisions qui sont prises et quels sont les raisons qui les guident.  Souvent, on entend une personne que ce soit le réalisateur ou une autre dire: «Nous nous sommes demandé pourquoi»,  «On s'est posé la question à savoir comment» ou toute autre variation sur le même thème.  Bref, on voit le questionnement à la base de l'oeuvre.  Et vous savez quoi?  Tous les artistes sont comme ça...

Ok, le voir dans un making off est sans doute plus flagrant, plus marquant, mais dans les commentaires faits par mes amis auteurs, je retrouve souvent la même thématique.  Pourquoi tel personnage réagirait comme ça face à tel autre?  Pourquoi dans ce monde les gens font-ils ceci ou cela?  Comment mangeaient-on à une autre époque?  Que de questionnements!  Que de réflexions, de d'heures passées à penser, que de préparation, de précautions afin de bâtir une oeuvre.  Et je crois qu'une partie de la clé est là.  Dans tout ce travail de réflexions qui mène à la création d'une oeuvre,  c'est là que s'élabore justement ce qu'on appréciera plus tard.

Les incohérences, les erreurs, les moments de flottements, ça se remarque tout de suite.  On les voit, facilement et rapidement.  Le plus souvent.  Sinon, en y repensant, après l'exaltation de la première impression.  Les meilleures oeuvres sont celles qui passent ce test de la cohérence.  Pas de la vraisemblance, parce que la fiction n'a pas à être vraisemblante.  Elle doit avant tout être cohérente, «se tenir» en d'autres termes.  Et pour ça, il faut penser à son coup longtemps à l'avance.  Être capable de prévoir et d'anticiper, mais aussi de fasciner.  Même si la personne qui lit le livre devine la fin, elle pourra être accrochée jusqu'au dernier moment si l'intrigue est bien ficelée.

Mais pour ça, que de questionnements!  Que de temps passé sur les détails!  Que de temps à peaufiner!  Pour être capable de naviguer dans les eaux de la création, il ne faut pas juste connaître la surface.  J'avais entendu lors d'une entrevue de J.K. Rowling sur la série Harry Potter qu'elle avait écrit toute l'enfance de Sirius Black.  Elle avait alors dit que les lecteurs n'avaient pas besoin de connaître cette histoire, mais elle si.  Ça donne une idée du genre de boulot que peu représenter un livre, encore plus une saga.  Tous les auteurs ne sont pas aussi maniaques, mais reste que la création d'un histoire de fiction, même ancré dans la réalité est très exigeant.

Qui, que quoi, comment, où, pourquoi.  Toutes ces questions doivent avoir une réponse dans un livre.  Pas tant pour le lecteur, mais l'auteur doit le savoir pour pouvoir le guider dans son histoire.  Et pour bien le faire, il doit pouvoir répondre à toutes les questions.  Première étape, se les poser à lui (ou elle)-même.

@+ Mariane

jeudi 12 mars 2015

Madluck de Gilbert Thiffault

Madluck  Gilbert Thiffault  Collection Nova  Les Six Brumes 65 pages


Résumé:
Madluck est un aventurier qui débarque dans une petite ville isolée ayant des airs de Far-West.  Apparemment par hasard, mais ce n'est pas le cas.  Le genre de petite ville où tout le monde connaît tout le monde et où les secrets s'enterrent vite.  Il va l'apprendre à ses dépends.  Ou était ce qu'il cherchait?

Mon avis:
On sent dans cette nouvelle l'ambiance de la belle époque de la nouvelle de fantastique, avec son aventurier au secours de la belle, une bande de fous illuminés et évidemment, un monstre effrayant dans le coin.  L'histoire est courte, mais on a droit à une bonne histoire, malgré quelques points que j'ai trouvé un peu invraisemblable (le tuyau de la station-service a l'air d'être vraiment très très long!).  Madluck tiens un peu d'Indiana Jones et de Rick O'Connell dans la Momie.  Un aventurier as de la gâchette et qui n'hésite pas à l'utiliser.  Ce qui donne dans la deuxième partie de la nouvelle une scène d'action qui n'aurait pas dépareillé dans un film de Quentin Tarantino!  Bref, un nouvelle hommage à un genre, sous cet optique bien écrite et bien construite, mais qui ne révolutionne rien.  Bon, tant pis, quand c'est bon, c'est bon non?

Ma note: 3.75/5

Je remercie les éditions des Six Brumes pour ce service de presse.

lundi 9 mars 2015

Émergence

Salut!

Il y a une question qui me turlupine dans la tête depuis un moment.  Je ne peux pas la formuler de façon précise, mais elle me vient de mon expérience dans la distribution de livres.  Dans le domaine, on a souvent affaire à des auteurs émergents (jeunes auteurs est un peu péjoratif, certains auteurs publient leur premier livre dans la quarantaine, voire la cinquantaine), soit des gens qui publient leur premier livre.  Il y a là tout un réservoir de talents.  Par contre, il faut le dire, ce ne sont pas tous de  vrais talents: un bon nombre de livres sont de qualité moyenne, voir de faible qualité.  Du moins le résultat final.  Ça dépend des individus et des éditeurs.  Par contre, il est toujours possible de voir un fichu de bon livre passer sous le nez d'un éditeur possédant l'expérience et les moyens nécessaire à son développement. Dans ces moments-là. il arrive que l'auteur soit capable de trouver son public avec l'auto-publication ou dans une toute petite maison d'édition.  Alors, toutes ces livres de qualité inégales, ça vaut la peine ou non?

Il y a la théorie qui dit que plus on publie de livres, plus les chances de voir les chefs-d'oeuvre sortir du lot et trouver leur place sont grandes car plus d'auteurs auront la chance de trouver leur public.  Je suis en partie d'accord avec cette théorie, mais elle suppose que beaucoup de livres qui auraient mieux fait de rester dans les ordinateurs de leurs auteurs seront publiés.  C'est triste, mais c'est comme ça!  Tous les livres écrits ne méritent pas de paraître.  Et si on part du point de vue que tous ont droit de publier n'importe quoi et donc de voir leur livre imprimé et distribué, on se retrouvera avec une qualité générale plutôt basse.  D'un autre côté, la qualité est quelque chose de très subjectif.  Ce qui sera excellent pour une personne parce que le livre raconte une bonne histoire très prenante, sera mauvais pour une autre personne cherchant davantage la qualité littéraire.  De l'autre, il y a un démon que je surveille toujours aussi intensément: la censure.  Si on trace une ligne claire nette et précise, on peut mettre de côté des thèmes qui dérangent, des styles qui décoiffent et tomber dans le ronflant du convenu.  Déjà que pour des raisons purement commerciales, une partie de cette production moins dans les normes n'a que peu de chances de trouver le succès, leur couper leur chance totalement me paraît...  disons pas immoral, mais peu démocratique.

Maintenant, regardons le résultat final, à l'autre bout de la chaîne, pour le lecteur.  Il se retrouve inondé de parutions.  Submergé, noyé, enterré de nouveautés.  Comment choisir?  Tout le monde cherche à trouver sa place au soleil et la compétition est forte.  Et le porte-monnaie des acheteurs de livres n'est pas extensible non plus.  Alors, comment on fonctionne?  Qu'est-ce qu'on fait?  Je n'ai pas de réponses, que des questions.  Et je m'interroge beaucoup.

@+ Mariane

lundi 2 mars 2015

Incarnation

Salut!

Quand mes parents me parlaient de leurs cours d'Histoire, il n'arrêtaient pas de me dire que dans leur temps, c'était plate.  Une série de date et de chiffres répétaient-ils à chaque fois que je leur disais à quel point j'adorais les miens.  Au point d'en faire mon premier choix de carrière!  Ce qui n'a pas duré, mais cette réflexion m'a toujours trotté dans la tête parce que j'adorais mes cours d'histoire.  Question de prof sans doute, mais au-delà de ça, j'ai toujours trouvé facile de trouver une logique aux dates et aux chiffres annoncés.  Pour moi, tout s’emboîtait.  L'Histoire avec un grand H est pour moi le roman le plus long, le plus étoffé, le plus riche qui ait jamais existé.  Les dates sont l'armature sur lequel tout repose, une sorte de fil d'Ariane qui relie tout.  J'ai développé cette capacité d'être capable d'assez d'empathie pour me plonger dans le passé et le voir comme une histoire avec un petit h.  Ce n'est pas tout le monde qui peut faire ça, je le sais.

Pourquoi?  La plupart des gens ont besoin d'être dans la peau de quelqu'un d'autre pour voir à travers ses yeux l'Histoire.  Pas étonnant que les romans historiques explore cette veine à fond: elle marche.  Et elle est tellement simple que ce serait un crime de s'en passer!  Partir du point de vue d'un personnage, c'est regarder l'Histoire à hauteur d'homme.  Regarder les choses de haut, les grands ensembles, c'est plus difficile, ça demande plus de capacité de conceptualisation et encore, il faut se lever le matin du bon pied pour le faire.  Il est beaucoup plus facile de se glisser dans les bottines, les sabots ou les chaussures en soie d'autrui et d'appréhender le monde à leur hauteur.

Pour appréhender un univers entier, on a besoin de se relier à quelque chose, à quelqu'un.  Voir à travers les yeux d'une personne, même si elle est différente de nous, est une bonne façon de s'imprégner de son univers.  L'humanité a connu de nombreuses époques, de nombreuses cultures, de nombreuses mentalités, pratiquement autant que les univers de fantasy. Même s'il ne semble pas à première vue, un personnage vivant à une époque différente en fera parti du plus profond d'elle-même.  Ça teintera sa façon de parler, de manger, de se comporter en société et ses relations avec les autres.  Tout sera différent.  On ne peut pas faire tenir un discours du XXe siècle à quelqu'un vivant au XVIIe ou au XIIe siècle.  À tous les niveaux.  Faire vivre un personnage et, par ses réflexions, ses actions, nous plonger dans un autre époque, c'est faire en sorte que celle-ci soit incarnée.

Aucun personnage ne sera jamais le parfait reflet de son époque.  Quand on regarde de loin le passé, on voit les grands ensembles se dégager, mais tout comme aujourd'hui, tout le monde avait des opinions, des idées, des préoccupations et des intérêts divergents.  Tout le monde était différent les uns des autres.  Ce qui fait que personne n'est le parfait reflet la période où il a vécu, mais une personne est une excellente porte d'entrée sur un nouveau monde.  Ceci dit, cela vaut autant pour les voyages temporels que pour les voyages dans d'autres univers qu'ils soient de fantasy ou de science-fiction.  Parce qu'on apprend à être dépayser dans le passé, on comprend que se laisser entraîner dans d'autres univers n'est pas si difficile, il faut juste apprendre à se créer de nouveaux repères.

Parce que l'Histoire, c'est très très loin d'être une série de dates et de chiffres.  C'est, je me répète, le roman, le plus long, le plus étoffé et le plus riche de l'humanité.  Suffit juste d'avoir les bonnes personnes pour nous guider dedans.

@+ Mariane